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Moyen-Orient - IRAN

Gia Nissou : Nous voulons que l’ONU criminalise l’apartheid de genre

Pour l’avocate des droits humains, la remise du prix Nobel de la paix à Narges Mohammadi remet en lumière le mouvement « femme, vie, liberté » en Iran.

Gia Nissou : Nous voulons que l’ONU criminalise l’apartheid de genre

Taghi Ramahi, mari de Narges Mohammadi, défenseuse iranienne des droits des femmes emprisonnée et lauréate du prix Nobel de la paix 2023, pose avec une photo non datée de lui et de sa femme, lors d'un entretien à son domicile à Paris, France, le 6 octobre 2023. Christian Hartmann/Reuters

La symbolique est forte. Un peu plus d’un an après la mort de Mahsa Amini, suite à son arrestation par la police des mœurs pour un port « inapproprié » du hijab le 16 septembre 2022, et quelques jours seulement après l’altercation qu’aurait subi une adolescente de 16 ans, Armita Garawand, avec cette même police dans le métro de Téhéran, l’ayant plongée dans le coma, une autre Iranienne victime du système répressif de la République islamique a reçu le prix Nobel de la paix. Narges Mohammadi, 51 ans et infatigable militante des droits humains dans son pays, n’a pas pu recevoir sa récompense en direct, alors qu’elle purge une peine de prison dans la tristement célèbre prison d’Evin.

« Au total, le régime l'a arrêtée 13 fois (depuis 2011, NDLR), l'a condamnée cinq fois et l'a condamnée à un total de 31 ans de prison », a rappelé Berit Reiss-Andersen, présidente du comité norvégien à Oslo. L’activiste a également reçu 154 coups de fouet, a-t-elle ajouté. Narges Mohammadi est directrice adjointe du Centre des défenseurs des droits de l'homme fondé par Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel en 2003. Elle a été emprisonnée pour « diffusion de propagande ». Son combat a eu un « coût personnel énorme », a salué Berit Reiss-Andersen.

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Un an après, que devient le mouvement « Femmes, vie, liberté » ?

Mais un an après la naissance du mouvement « Femme, vie, liberté » et les manifestations historiques qu’il a déclenchées, comment ce prix Nobel peut-il concrètement servir le combat des femmes sur le terrain ? L’Orient-Le Jour fait le point avec Gissou Nia, avocate spécialisée dans les droits humains, qui a participé à la campagne pour exclure l’Iran de l’agence de l’ONU pour les droits des femmes – ce fut chose faite en décembre 2022.

Quel peut être l’effet de ce prix Nobel sur le combat pour les droits des femmes en Iran ?

Le Nobel n'est pas seulement symbolique. Le poids de cette récompense envoie un signal fort aux autorités iraniennes : elles ne peuvent pas continuer à piétiner les droits des femmes dans leur pays. La défense et la résistance au cadre juridique discriminatoire en matière de genre dans le pays se poursuivent. Et Narges, dans les commentaires de sa famille et dans la manière dont l'acceptation du prix a été formulée, a veillé à ce que les projecteurs soient tournés vers le mouvement «Femmes, vie, liberté », qui a éclaté après le meurtre tragique de Mahsa Amini en septembre. 2022. Nous voyons maintenant Armita Garawant, 16 ans, qui se bat pour sa vie, hospitalisée dans le coma avec tous les échos de ce qui est arrivé à Mahsa Amini l'année dernière. Et tout cela parce qu'elle a été malmenée par des agents de la sécurité de l'État dans une rame du métro de Téhéran pour ne pas avoir porté le hijab obligatoire. Nous voyons donc que la résistance et la lutte continuent. Et Narges, en remportant ce prix, mettra en lumière le traitement discriminatoire persistant en matière de genre en Iran.

Et en termes de droit international ?

Moi-même et un groupe d'avocats travaillant au nom de la campagne visant à mettre fin à l'apartheid de genre avons envoyé une note juridique aux États membres de l'ONU qui négocieront le traité sur les crimes contre l'humanité à l'échelle mondiale, afin que l'apartheid de genre soit considéré comme un crime reconnu dans ce traité. Actuellement, le crime d’apartheid ne s’applique qu’à l’apartheid racial et non au genre. Mais nous affirmons qu’il devrait y avoir un apartheid de genre et que cela devrait être un crime contre l’humanité reconnu par le droit international. Et cela décrit très précisément ce que vivent aujourd’hui les femmes sous la République islamique d’Iran, tout comme les femmes vivant sous le joug des talibans en Afghanistan. L’apartheid de genre est un système qui soumet et sépare les femmes dans le but essentiel de donner aux hommes le pouvoir politique. Et Narges, depuis sa prison, a signé notre lettre aux côtés d'autres lauréats du prix Nobel, dont Malala, Nadia Mourad, Chirine Abadi et des personnalités mondialement connues comme Gloria Steinem et Hillary Clinton. C'est ce que la communauté internationale devrait réclamer, à savoir reconnaître l'apartheid de genre comme un crime reconnu par le droit international, et que ces régimes ne peuvent pas continuer.

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En attendant qu’un traité sur les crimes contre l’humanité soit codifié par l’ONU, existe-t-il des recours pour les victimes de violations des droits humains en Iran ?

Quand les manifestations ont démarré, le monde a pris des mesures rapides pour exclure l’Iran de la Commission des Nations unies sur la condition de la femme et vraiment scruter la République islamique à la loupe. Mais une fois que l’attention mondiale s’est portée ailleurs, nous avons vu que le régime est revenu à ses habitudes et a commencé à annoncer qu’il appliquerait doublement les lois discriminatoires sur le hijab et le genre. Il faut donc poursuivre les efforts. Il peut y avoir une responsabilité pour les empoisonnements massifs qui ont touché des écolières iraniennes, en s'adressant à l'Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). Il peut exister des options de compétence universelle dans différents pays qui ont la capacité d'engager des poursuites pour des atrocités criminelles contre les responsables iraniens qui entrent sur leur territoire. Il y a donc encore beaucoup de choses qui peuvent arriver. Les pays européens dotés de cadres de compétence universelle peuvent également ouvrir ce que l'on appelle des enquêtes structurelles sur les crimes contre l'humanité en Iran. Cela signifie qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un auteur nommé ou une personne relevant de la juridiction pour réellement commencer l'enquête. En outre, la mission d'enquête sur l'Iran, créée à l'automne dernier par les Nations unies, doit être prolongée, car son mandat se termine en mars 2024.

La symbolique est forte. Un peu plus d’un an après la mort de Mahsa Amini, suite à son arrestation par la police des mœurs pour un port « inapproprié » du hijab le 16 septembre 2022, et quelques jours seulement après l’altercation qu’aurait subi une adolescente de 16 ans, Armita Garawand, avec cette même police dans le métro de Téhéran, l’ayant plongée dans le coma, une autre...
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