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Culture - Rencontre

Le Festival de Baalbeck, le combat de plusieurs vies

Le vendredi 29 septembre à la Fondation Culture et Libertés, un public sensible et réceptif était rassemblé autour de Nayla de Freige pour participer à une rencontre sur les enjeux du Festival de Baalbeck dont elle est la présidente depuis 2011. 

Le Festival de Baalbeck, le combat de plusieurs vies

Nayla de Freige : « Le combat du festival est le combat de toute une équipe depuis des années. » DR

Derrière le monde des apparences et du paraître, il reste toujours quelque chose. Un autre monde, une essence, une volonté de comprendre, de toucher du doigt, d’analyser, de discuter, de poser les bonnes questions et de tenter les bonnes réponses. Dans une société qui sacralise, à travers les réseaux sociaux, l’apparence physique, l’argent et la gloire, dénigre la spiritualité et le sens essentiel de la vie, l’espace orné des œuvres de grands artistes, mis en place par l'ancien ministre Ibrahim Najjar et son épouse, est devenu un rendez-vous incontournable. On s'y penche sur des questions existentielles, on y esquisse des solutions pour un pays à la dérive, on y analyse des œuvres picturales ou littéraires... Bref on y refait le monde pour échapper à celui infernal que nous traversons, avec un public et des intervenants avertis. Depuis sa création en 2018, la Fondation Culture et Libertés (rue Baroudy, Achrafieh) a reçu aussi bien des ambassadeurs (Richard Murphy, Hassan Saad ou Maha Chalabi) , des généraux de l’armée (Khalil el-Helou), des politiques (Rony Arayji, Ziyad Baroud, Tammam Salam, Michel Sleiman, Paula Yacoubian), des journalistes, des avocats et des artistes pour débattre de sujets politiques, culturels ou économiques. Le 29 septembre, ce sont les enjeux du Festival de Baalbeck et sa survie qui ont été au cœur des discussions.

Pierre angulaire du patrimoine culturel libanais, le Festival de Baalbeck a été confronté depuis sa création à de multiples crises, tantôt sanitaires, tantôt économiques et tantôt politiques. C'est face à un public attentif que Nayla de Freige, présidente du comité du festival depuis 2011, a tenu une conférence pour présenter l’événement depuis sa création, avec photos à l’appui, parler de son évolution et de ses défis, et enfin se pencher sur le combat mené pour résister et lui redonner toute sa splendeur d’antan. 

Une combattante au grand cœur

Aux commandes de la projection accompagnant la conférence, Jean-Louis Mainguy a présenté en introduction le parcours de Nayla de Freige et ses choix essentiels qui ont fait d’elle une femme incontournable du microcosme libanais, portant l’image du Liban sur toutes les scènes culturelles internationales et la qualifiant de combattante au grand cœur. D’abord directrice du magazine économique Le Commerce du Levant, elle initie son rachat par L’Orient-Le Jour dont elle devient administratrice déléguée. Succédant à Michel Eddé, elle est présidente depuis 2018 du groupe de presse L’Orient-Le Jour. C’est en 2022 que le quotidien libanais reçoit la grande médaille de la francophonie de l’Académie française. Parallèlement à sa carrière dans la presse, elle rejoint en 1997 le comité du Festival international de Baalbeck, flambeau culturel et touristique du pays qui a accueilli au fil des ans les plus grands artistes internationaux et a contribué à lancer et à soutenir un grand nombre d’artistes locaux. Nayla de Freige est alors en charge de la communication, du mécénat, du sponsoring et de la section musique du monde. En 2011, elle est élue présidente du festival qu’elle dirige depuis. Elle a été nommée chevalier puis officier des ordres des Arts et des Lettres, et reçoit le grand prix du rayonnement francophone, qui vient couronner son engagement pour la francophonie.

Phare du tourisme libanais

« C’est par la culture que nous sauverons la société libanaise et que nous consoliderons notre liberté », avait déclaré Antoine Courban, avant de citer Dostoïevski qui disait que la beauté sauvera le monde. « Parce que les sanctuaires de Baalbeck sont un haut lieu de sacralité et de spiritualité depuis plus de 6 000 ans, chacun des spectacles qui s’y sont déroulés est une offrande aux dieux », a soutenu Jean-Louis Mainguy avant de donner la parole à la présidente qui, après avoir brièvement situé géographiquement le festival, remonte le temps pour narrer les heures de gloires du Festival de Baalbeck ainsi que ses moments difficiles et confier à une assistance suspendue à son passionnant récit, quelques anecdotes. Phare du tourisme libanais, c’est en 1956 qu’officiellement le festival prend corps et voit se déployer les spectacles les plus grandioses. Nayla de Freige n’omet pas de rendre hommage au président Camille Chamoun qui a rêvé le festival avant de le concrétiser. Il avait dit en 1947 : « Si un jour je deviens président, je voudrais faire quelque chose pour l’acropole de Baalbeck. » Son vœu sera mis à exécution. Son épouse Zalfa Chamoun œuvre pour mettre en scène le folklore libanais donnant ainsi naissance à des spectacles mémorables qu’on nommera « Les nuits libanaises », et qui verront se produire les frères Rahbani, Sabah, Feyrouz, Wadih el-Safi. Nayla de Freige ne manque pas de citer les trois présidentes qui l’ont précédée : Aimée Kettaneh, Salwa Said, May Arida et qui ont consacré une grande partie de leur vie au service de cette institution.

À ses débuts déjà, le festival n’avait rien à envier à ceux des pays européens, sa palette était riche en spectacles de qualité. Et de citer en vrac des noms qui font rêver  : Rudolf Noureev, Oum Kalthoum, Rostropovitch, Maurice Béjart, Miles Davis, Joan Baez, Ella Fitzgerald, Nina Simone, de grands orchestres classiques, Georges Schéhadé, Roméo Lahoud, Fanny Ardant, Gérard Depardieu. L’objectif du festival était de promouvoir le Liban, de le faire rayonner à l’étranger tout en initiant le public à la musique et aux arts de la scène. Le festival a été pionnier et a inspiré tous les festivals de la région jusqu’à Persépolis. Avec le temps, la mission du festival a évolué, les années d’avant-guerre furent l’âge d'or du festival. Dans une conférence limpide et transparente, Mme de Freige effectue un large tour d’horizon de son évolution, ses années glorieuses, mais aussi les années de guerre, la guerre en Syrie, l'épidémie du Covid et le concert dans le temple de Bacchus sans public, qui a drainé 15 millions d’auditeurs, les années tournantes, les décisions difficiles à prendre pour interrompre le festival, sa délocalisation à la Magnanerie, les concerts produits dans onze temples de la Békaa, en insistant sur la détermination du comité de ne jamais s’arrêter. « Situé dans une région géographiquement sensible, la survie du festival ne peut se faire, a déclaré Nayla de Freige, qu’en osmose avec la région et avec le gouverneur de Baalbeck, Bachir Khodr, qui est d’un grand appui, sans oublier l’armée libanaise toujours à nos côtés qui se déploie tout le long de la route qui mène au festival. Le festival offre un spectacle aux habitants de la région ainsi que des réductions spéciales. Les difficultés que nous avons traversées, ajoute la présidente, nous ont appris à nous battre et à continuer en dépit de tout. Le festival est devenu un label, il a créé ses liens, sa propre chaîne humaine. Et de conclure : «  Le combat du festival est le combat de toute une équipe depuis des années que rien ne pourra jamais interrompre. »  

Derrière le monde des apparences et du paraître, il reste toujours quelque chose. Un autre monde, une essence, une volonté de comprendre, de toucher du doigt, d’analyser, de discuter, de poser les bonnes questions et de tenter les bonnes réponses. Dans une société qui sacralise, à travers les réseaux sociaux, l’apparence physique, l’argent et la gloire, dénigre la spiritualité et...

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Bravo et merci

Abdallah Barakat

12 h 42, le 05 octobre 2023

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  • Bravo et merci

    Abdallah Barakat

    12 h 42, le 05 octobre 2023

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