"Le choc a été énorme" : une semaine après l'effondrement d'un immeuble, des Tripolitains racontent

Les habitants d'un immeuble vieux de 300 ans à Tripoli regardent depuis leur balcon les restes d'un bâtiment voisin qui s'est effondré.

Ils racontent à L'Orient Today l'expérience éprouvante qu'ils ont vécue lorsque la structure, dont les autorités municipales avaient averti qu'elle risquait de s'effondrer, s'est finalement écroulée lundi dernier.

Situé dans le quartier de Zahriyé, l'immeuble de trois étages était inoccupé depuis longtemps, selon des témoins, et l'effondrement n'a fait qu'un blessé léger. Une semaine après l'incident, les voisins partagent leurs récits de cette soirée malheureuse.

Le bâtiment effondré à Zahriyé, à Tripoli au Liban-Nord, le 21 septembre 2023. Photo João Sousa/L'Orient Today

L'histoire de Mohammad

Certaines parties du bâtiment ont commencé à s'effondrer très tôt. Les habitants affirment qu'ils savaient qu'un effondrement total était imminent et racontent qu'une petite foule s'était rassemblée sur les lieux.

Mohammad el-Mahmoud, qui habite de l'autre côté de la rue, était présent. Il explique que le bâtiment est à l'abandon depuis plusieurs décennies. Une partie de la structure s'est effondrée il y a environ quatre ans, ce qui a incité la municipalité à installer un panneau : « Danger d'effondrement ».

À la suite du violent tremblement de terre du 6 février dernier, les fissures existantes se sont aggravées, précise M. Mahmoud.

Alors qu'il s'adressait à la presse, l'ensemble du bâtiment a commencé à céder. Mahmoud et d'autres personnes se sont enfuis de la structure pour éviter une chute de débris.

Mohammad el-Mahmoud, un habitant du quartier, en compagnie d'une autre habitante qui a assisté à l'effondrement de l'immeuble dans leur quartier, le 21 septembre 2023. Photo João Sousa/L'Orient Today

L'histoire de Nadia

Nadia el-Chami, qui vivait dans le même immeuble que Mohammad el-Mahmoud, raconte qu'elle était dans son salon lorsqu'une cacophonie assourdissante a rompu le silence. Se souvenant du tremblement de terre du 6 février, elle ne savait pas s'il s'agissait d'une explosion ou d'un séisme.

Elle s'était aventurée à l'extérieur pour enquêter et avait constaté que le monde autour d'elle s'était transformé en nuage de poussière. « Puis les gens ont commencé à affluer », raconte-t-elle. « Le choc a été énorme ! ».

Mohammad el-Mahmoud raconte que les habitants du quartier se sont mobilisés. Ils ont signé et remis une pétition aux autorités municipales, les exhortant à prendre des mesures décisives concernat ce bâtiment précaire.

Souad el-Masri, 40 ans, habitante d'un immeuble situé à une rue de celui qui s'est effondré, souligne que la vulnérabilité de la bâtisse était connue des habitants du quartier depuis au moins une décennie. Elle aussi se trouvait sur son balcon lorsque la structure s'est effondrée. Elle a d'abord cru qu'il s'agissait d'un tremblement de terre. Elle explique que le récent séisme a laissé un impact durable et qu'elle s'était habituée à de tels événements. « Nous nous attendions à ce que la bâtisse s'effondre à tout moment », note-t-elle avec résignation.

Les restes de la bâtisse à Zahriyé, à Tripoli au Liban-Nord, le 21 septembre 2023. Photo João Sousa/L'Orient Today

D'autres parties du bâtiment risquent de s'effondrer

Depuis des années, Tripoli est confrontée à une tendance inquiétante d'effondrements d'immeubles, entraînant des décès et des blessures tragiques. Nombre de ces structures sont anciennes et ne disposent pas des consolidations nécessaires pour résister à l'épreuve du temps, aux changements climatiques et à l'activité sismique occasionnelle de la région. Le bâtiment s'est effondré sur un complexe composé de plusieurs blocs, a déclaré le propriétaire Tarek el-Mir à L'Orient Today. Les sections de blocs restantes du complexe risquent toujours de s'effondrer. Deux rues animées adjacentes à la propriété, qui avaient été fermées à la suite de l'effondrement, ont été rouvertes peu après l'incident. Les confiseries de l'immeuble situé à l'ouest restent ouvertes et du linge propre est suspendu aux balcons des immeubles situés de l'autre côté de la rue.

Vue de la rue près de l'immeuble effondré à Zahriyé, à Tripoli, le 21 septembre 2023. Photo João Sousa/L'Orient Today

Fadi Abdallah, qui vit lui-même dans une vieille maison dont les murs présentent des fissures et des lézardes, vend du café en face de l'enceinte effondrée. Il assure qu'il réfléchit à deux fois avant de passer sous le bâtiment et qu'il ne passe jamais devant la partie qui risque de s'effondrer. M. Abdallah estime que les conditions météorologiques au Liban ces dernières années - « tempêtes, vents, pluies torrentielles » - ne manqueront pas d'affecter les vieilles maisons de Tripoli. « Les hivers sont cauchemardesques pour moi », dit-il, car la fissure au plafond est énorme.

George Mrad, vendeur de charrettes de légumes, travaille tous les jours à proximité de l'immeuble effondré. Lorsqu'on lui demande s'il craint que la structure ne s'effondre encore, il répond : « Tout ce que Dieu voudra arrivera ».