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Moyen Orient et Monde - Entretien express

« Bakou souhaite anéantir toute aspiration à un Karabakh arménien souverain »

Face à l’offensive azerbaïdjanaise lancée ce mardi dans le Haut-Karabakh, Laurence Broers, chercheur sur les conflits dans la région du Caucase du Sud à Chatham House, fait le point. 

« Bakou souhaite anéantir toute aspiration à un Karabakh arménien souverain »

Des débris dans une rue de Stepanakert, capitale de la région sécessionniste du Haut-Karabakh, le 20 septembre 2023. Photo ministère des Affaires étrangères du Haut-Karabakh/AFP

Mardi, l’Azerbaïdjan a conduit une « opération antiterroriste » dans le Haut-Karabakh afin de « désarmer et retirer les forces arméniennes de nos territoires », a précisé son ministère de la Défense dans un communiqué. La veille, deux couloirs humanitaires avaient pourtant été ouverts pour acheminer des médicaments et de la nourriture dans cette enclave peuplée à majorité d’Arméniens, alors que le corridor de Latchine, qui relie le Haut-Karabakh à l’Arménie, était sous blocus depuis le 12 décembre 2022. Le territoire disputé, généralement considéré comme partie intégrante de l’Azerbaïdjan par la communauté internationale, bien qu’une administration locale y ait proclamé son indépendance dès le début des années 1990, a fait l’objet de plusieurs confrontations par le passé, la dernière datant de 2020. Une guerre qui s’est conclue par un accord de cessez-le-feu négocié par la Russie en novembre de la même année.

Depuis, les tensions entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie sont néanmoins restées vives, avec des affrontements sporadiques entre forces opposées. L’escalade de mardi semble être un signal de Bakou pour mettre définitivement un terme à la dispute territoriale sur le Haut-Karabakh. Un cessez-le-feu a été annoncé ce mercredi par l’Azerbaïdjan et accepté par les autorités locales, qui ont annoncé vouloir déposer les armes et négocier dès jeudi la réintégration de la région disputée à l’Azerbaïdjan. Laurence Broers, chercheur sur les conflits dans la région du Caucase du Sud à Chatham House, revient sur cette séquence pour L’Orient-Le Jour.

Pour suivre tous les développements de l'offensive :

L'Azerbaïdjan promet une « réintégration pacifique » du Karabakh après sa victoire éclair

Comment expliquer le timing des attaques lancées par Bakou, qui interviennent pourtant au lendemain du passage de camions d’aide humanitaire par le corridor de Latchine, bloqué depuis la fin 2022 par l’Azerbaïdjan ?

À la lumière de ce que nous savons aujourd’hui, il semble que le blocus ait été un préambule à l’opération militaire, destiné à affaiblir et à démoraliser la population avant une offensive militaire. Cela suggère que la levée du blocus n’était pas un événement important dans le calendrier stratégique de l’Azerbaïdjan. L’Azerbaïdjan se concentre plutôt sur une stratégie à moyen terme visant à garantir que d’ici à mai 2025 il n’y ait plus aucune raison pour que les forces de maintien de la paix russes restent au Karabakh. Le contexte mondial et géopolitique actuel est également favorable au type d’opération que l’Azerbaïdjan a lancé au Karabakh et cela pourrait ne pas durer. La soi-disant « communauté internationale » est plus fracturée que jamais, la Russie est affaiblie et distraite, l’Azerbaïdjan bénéficie encore de l’amitié de son principal allié, la Turquie, et de nombreuses personnes dans les pays occidentaux regardent le conflit du Karabakh à travers le prisme ukrainien. Ils établissent des parallèles entre les efforts de Volodymyr Zelensky pour libérer le Donbass et l’est de l’Ukraine et les efforts d’Ilham Aliyev pour prendre le contrôle du Karabakh, même si les deux cas présentent également des différences significatives.

Qu’espère obtenir l’Azerbaïdjan à travers ses attaques ?

Les messages azerbaïdjanais ont été très clairs, comme ils l’ont été pendant la seconde guerre du Karabakh. Mardi, le président Ilham Aliyev a lancé un ultimatum demandant à toutes les unités militaires arméniennes du Karabakh de se désarmer et aux autorités de facto de l’enclave de se dissoudre. En clair, l’Azerbaïdjan veut signer la fin de la partie. Il s’agit d’anéantir définitivement toute aspiration à la souveraineté d’un Karabakh arménien.

Nous venons de voir qu’un cessez-le-feu a été déclaré et que des pourparlers auront lieu sur la « réintégration » de la population arménienne du Karabakh. Je pense qu’il est inévitable que nous assistions à un exode massif des Arméniens du Karabakh, étant donné qu’aucune condition n’a été créée dans laquelle l’existence des Arméniens du Karabakh en Azerbaïdjan semble sûre ou viable, et à la lumière des résultats de ces trois dernières années, la Russie ne peut plus être considérée (si elle l’a jamais été) comme un garant crédible de la sécurité. Ce rôle a d’ailleurs été réfuté par le ministère russe des Affaires étrangères au début de l’année.

Lire aussi

Ce qu’il faut savoir sur l’escalade de violence au Haut-Karabakh

Une médiation internationale pourrait-elle aider à régler ce conflit ? 

Deux processus de médiation ont eu lieu au cours des deux dernières années, l’un mené par la Russie et l’autre par l’Union européenne et les États-Unis. Il y a eu des indications de certains progrès sur les questions au niveau interétatique entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Il existe des questions, telles que la résolution de problèmes humanitaires comme les cas de personnes disparues, la délimitation des frontières et la connectivité, sur lesquelles un accord ne semble pas hors de question. Mais dans la situation actuelle, nous parlons du niveau intraétatique ou interne du conflit, entre l’État azerbaïdjanais et la population arménienne du Karabakh. Chaque partie a des visions très différentes de l’ordre du jour, du lieu et du format de ce dialogue, et les réunions prévues ont échoué à plusieurs reprises. L’Azerbaïdjan a insisté sur le fait qu’il n’accepterait pas un processus de médiation internationale dans ses relations avec les Arméniens du Karabakh, et les médiateurs extérieurs n’ont pas pu faire grand-chose à ce sujet. 

Mardi, l’Azerbaïdjan a conduit une « opération antiterroriste » dans le Haut-Karabakh afin de « désarmer et retirer les forces arméniennes de nos territoires », a précisé son ministère de la Défense dans un communiqué. La veille, deux couloirs humanitaires avaient pourtant été ouverts pour acheminer des médicaments et de la nourriture dans cette enclave peuplée à...

commentaires (1)

Faut arrêter ce massacre. L'hypocrisie mondiale est à son paroxysme..Pour l'UKRAINE, tout le monde s'est mobilisé...Citoyens, pays etc...Des armes lourdes sont envoyées à flot même si le président ukrainien n'est jamais content et en demande encore et encore... L'arménie et les arméniens du Karabakh n'ont pas cette chance de mobiliser la planète...Même les médias en parlent à peine...Après le Karabakh, ce sera le tour de l'arménie, du moins une partie pour que les azerbaidjan fassent le pont et la jonction avec la turquie. ( selon un commentateur et connaisseur arménien sur France Info). Bref faut arrêter l'hypocrisie de la défense des "peuples et de l'indépendance" ce sont des intérêts plus qu'égoistes qui mènent la planète à une 3e guerre mondiale . Pensez à l'arménie.Dans la région : L'arménie, le liban sont ( entre autres) ceux qui combattent pour leur liberté et au final? Ils sont toujours les boucs émissaires lors des négociations et deals entre les grandes puissances.

LE FRANCOPHONE

18 h 13, le 20 septembre 2023

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Commentaires (1)

  • Faut arrêter ce massacre. L'hypocrisie mondiale est à son paroxysme..Pour l'UKRAINE, tout le monde s'est mobilisé...Citoyens, pays etc...Des armes lourdes sont envoyées à flot même si le président ukrainien n'est jamais content et en demande encore et encore... L'arménie et les arméniens du Karabakh n'ont pas cette chance de mobiliser la planète...Même les médias en parlent à peine...Après le Karabakh, ce sera le tour de l'arménie, du moins une partie pour que les azerbaidjan fassent le pont et la jonction avec la turquie. ( selon un commentateur et connaisseur arménien sur France Info). Bref faut arrêter l'hypocrisie de la défense des "peuples et de l'indépendance" ce sont des intérêts plus qu'égoistes qui mènent la planète à une 3e guerre mondiale . Pensez à l'arménie.Dans la région : L'arménie, le liban sont ( entre autres) ceux qui combattent pour leur liberté et au final? Ils sont toujours les boucs émissaires lors des négociations et deals entre les grandes puissances.

    LE FRANCOPHONE

    18 h 13, le 20 septembre 2023

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