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Moyen-Orient - REPORTAGE

À Tinzert, après le séisme au Maroc, des ruines et l’odeur de la mort

Dans ce village du Haut-Atlas, la désolation règne, alors que les habitants espèrent pouvoir reconstruire un jour, avec l’aide de l’État.

À Tinzert, après le séisme au Maroc, des ruines et l’odeur de la mort

Un résident assis sur les débris de maisons détruites par le séisme qui a frappé le Maroc, dans le village d'Imi N'Tala, près d'Amizmiz, dans la province d'al-Haouz, le 12 septembre 2023. Photo Bulent Kilic/AFP

Il ne reste plus qu’un amas de pierres, de terre et de poutres. Quelques objets émergent des débris, traces de la vie qui existait avant le terrible séisme qui a secoué le Maroc vendredi soir. Des casseroles, des vêtements… « Regardez, un frigo. Là, il y avait une épicerie », égrène Abdelila, 16 ans, qui se fraie un chemin au milieu des maisons détruites. L’adolescent était à Rabat au moment du séisme. Il est rentré en urgence. « Ce que j’ai ressenti en arrivant au village dans la nuit, je n’ai aucun mot pour le décrire. » Perché à 1 300 mètres d’altitude dans les spectaculaires montagnes du Haut-Atlas, Tinzert a été rayé de la carte.

Toutes les maisons ont été détruites ou sont devenues trop dangereuses pour y habiter. Ici ou là, une voiture. Impossible pourtant d’imaginer qu’une rue passait jadis par ici. Situé à quelques dizaines de kilomètres au sud de Marrakech, le village était typique de la province d'al-Haouz. Dans cette région amazighe, des maisons basses en pisé, lovées les unes contre les autres, côtoyaient des abris pour animaux. En contrebas, des vergers et de petits champs sont les derniers témoins de la tranquillité d’une vie rurale. Aujourd’hui, il n’y reste que des ruines et une odeur de mort. Sur les 300 à 400 habitants de Tinzert, 22 personnes sont décédées après le séisme qui a tué au moins 2 901 personnes et blessé 5 530 autres, selon un bilan encore provisoire mercredi matin. « Je ne viens ici que quand je suis accompagné. Ça me terrifie de voir mon village dans cet état. Je ne peux pas m’empêcher d’imaginer ce qu’ont vécu les gens ensevelis », murmure Abdelila.

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« Tous les habitants, vivants ou morts, ont été sortis des décombres par les voisins », décrit l'adolescent qui a perdu quatre membres de sa famille proche. Les cadavres des animaux, eux, sont toujours sous terre. À l’abri d’une grande tente dressée à l’improviste, Rachid, la quarantaine, se déplace difficilement, soutenu par sa femme et des voisins. Sur son visage et ses bras, des hématomes. La veille, des hommes du village l’ont porté et amené à l’hôpital. « Au moment du séisme, ma femme et mes enfants ont pu s’en sortir quand ma maison s’est effondrée. Moi, je me suis retrouvé coincé par les pierres et une poutre, qui m’a bloqué au niveau du cou. J’ai cru mourir », rapporte ce rescapé. Kebira, sa femme, lui tient le bras, toujours saisie par l’émotion, près de quatre jours après le séisme. « C’est moi, avec mes voisins, qui l’ai sorti des débris. Ça nous a pris une heure. Une éternité », se souvient-elle. À leurs côtés, le sourire de Leïla, leur fille de 11 ans, contraste avec les scènes de destruction qui les entourent.

Après le séisme qui a frappé le Maroc, une femme est assise près d'un réfrigérateur sur les débris d'une maison dans le village dévasté de Douzrou, dans la province d'al-Haouz, le 12 septembre 2023. Photo Fadel Senna/AFP

Dans un autre coin de la tente au sol recouvert de tapis, des habitants du village rangent des produits d’hygiène et de la nourriture. Seul moyen d'acheminement possible pour arriver jusque-là : à dos d’homme ou d’âne. C’est de l’entrée du village, plus préservée, que l’assistance est distribuée à partir d’un entrepôt improvisé par des particuliers venus apporter leur soutien. « Sans les donateurs, je ne sais même pas comment on survivrait. L’État ne nous a rien donné », déplore une des femmes sous la tente. Selon les habitants de Tinzert, les secouristes dépêchés par le royaume ne sont pas passés par le village. Et l’aide publique n’est pas parvenue aux habitants.

Quid de la reconstruction

Dans la vaste zone montagneuse touchée par le séisme d'une magnitude de 6,8 sur l’échelle de Richter, cette aide commence en réalité à peine à s’organiser. Les autorités marocaines et des secouristes espagnols ont certes dressé des tentes pour les rescapés dans les petites villes de montagne situées sur la route vers Tinzert. Le royaume chérifien n'a accepté pour l'heure l'aide officielle de quatre pays uniquement, le Qatar, l'Espagne, le Royaume-Uni et les Émirats arabes unis, des organisations locales ou des initiatives non étatiques ayant néanmoins envoyé des équipes sur place.  Mais, dans les régions les plus isolées et les plus pauvres, l’assistance tarde à arriver, sans parler des villages les plus proches de l’épicentre. « Le plus dur, c’est le froid la nuit. Nous avons besoin de couvertures, et de meilleurs abris », se désole une femme à Tinzert, son bébé dans les bras. Dans le village rasé, les habitants dorment à la belle étoile ou sous des tentes. Certains scrutent le ciel, en espérant qu’aucun orage ne viendra compliquer encore le quotidien.

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Comme dans d’autres bourgs d’al-Haouz, l'une des provinces les plus pauvres du Maroc, les résidents de Tinzert sont agriculteurs ou travaillent à la journée, dans le bâtiment, dans les champs, ou encore à d’autres tâches. « Nous avions déjà si peu à la base. Avec la sécheresse qui dure depuis cinq ans, c’était encore pire. Mais, après ce séisme, nous n’avons plus rien du tout », déplore un habitant.

Pourtant, les gens de Tinzert ne veulent surtout pas quitter leur village. « C’est notre terre, notre pays natal. Quand on le regarde aujourd’hui, il ne reste plus rien du village. Mais il est toujours dans notre cœur. Si on devait le quitter, j’y laisserai un peu de moi-même », soutient avec un pincement au cœur Omar, la vingtaine. Dimanche, le gouvernement marocain a assuré que tous les citoyens ayant perdu leur logement à cause du séisme seront indemnisés. Omar y puise un peu d’espoir :« Si nous recevons cette aide, nous reconstruirons. Et nous resterons sur notre terre. Mais seuls, sans aide, personne n’a les moyens de reconstruire. Et nous n’aurons pas d’autre choix que de quitter Tinzert. »

Il ne reste plus qu’un amas de pierres, de terre et de poutres. Quelques objets émergent des débris, traces de la vie qui existait avant le terrible séisme qui a secoué le Maroc vendredi soir. Des casseroles, des vêtements… « Regardez, un frigo. Là, il y avait une épicerie », égrène Abdelila, 16 ans, qui se fraie un chemin au milieu des maisons détruites....

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