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Moyen-Orient - SÉISME

Après la catastrophe, l’aide humanitaire se met lentement en place au Maroc

Face aux nombreuses offres d’aide internationale, le royaume chérifien n’a donné son feu vert qu'à quatre pays. L’assistance s’organise surtout sur le plan local.

Après la catastrophe, l’aide humanitaire se met lentement en place au Maroc

Un homme transporte quelques affaires au milieu des décombres d'une ruelle de la vieille ville de Marrakech, endommagée par le tremblement de terre ayant frappé le Maroc, le 9 septembre 2023. Fadel Senna/AFP

Après le chaos des premiers instants, où se sont mêlées la surprise, l’incompréhension et la peur, la sensation de vivre un cauchemar a pris le dessus. Trois jours de deuil national ont été annoncés par le palais royal marocain.

11h11, vendredi soir. Dans les environs de Marrakech, la terre a tremblé pendant près de 20 secondes. Un séisme de magnitude 6,8 sur l’échelle de Richter, selon le US Geological Survey. Le plus fort jamais enregistré au Maroc, et le plus important en Afrique du Nord depuis 120 ans. Comme en Turquie et en Syrie plus tôt cette année, les habitants ont été pris de panique, se précipitant à l’extérieur de leur maison pour éviter l’effondrement possible des bâtiments. Nombreux sont ceux qui ont dormi dehors vendredi soir, par crainte des répliques attendues du tremblement de terre, certaines ayant déjà été ressenties depuis. « On a dû traverser un bâtiment effondré pour aller sur une place à 80 mètres de l’auberge, où on s’était réfugiés sur le toit juste après le séisme. Là-bas, on s’est sentis en sécurité, avec tous les gens du quartier. Il y avait plus de 150 personnes sur place », raconte Younès, 24 ans, gérant de l’hébergement situé dans la médina, la vieille ville. Classée au patrimoine mondial de l’Unesco, plusieurs de ses sites historiques ont été affectés par le tremblement de terre, parmi lesquels une partie du minaret surplombant la place Jamea el-Fna, tandis que les ruelles du quartier juif sont encore jonchées de débris. À l’échelle du pays, un bilan provisoire du ministère de l'Intérieur fait état lundi à la mi-journée de 2 497 morts et 2 476 blessés. Le nombre de victimes pourrait en réalité être beaucoup plus élevé, alors que l’accès aux zones les plus affectées reste difficile, et que les communications y sont parfois coupées en raison des dégâts matériels.

Zones pauvres dévastées

Car l’épicentre du séisme se situe à Ighil, une petite commune à près de 70 km au sud-ouest de Marrakech, dans la province d’al-Haouz, peuplée de petits villages ruraux très pauvres, dans les montagnes du Haut-Atlas. La zone n’est pas connue pour son activité sismique, plutôt rare dans le pays, et qui se concentre sur la côte plus au nord, le long de la faille entre les continents africain et européen. Mais la violence de la secousse a été ressentie à Essaouira, à 200 km à l’ouest de Marrakech, dans la capitale Rabat à plus de 350 km, et jusqu’au Portugal et en Algérie. Dans les petites bourgades d’al-Haouz, où a été recensé la majorité des décès avec la zone de Taroudant plus au sud, des familles entières ont disparu sous les décombres et des villages entiers ont été rasés, selon des informations et vidéos circulant sur les réseaux sociaux depuis samedi. Alors que les routes pour accéder aux zones montagneuses dévastées sont bloquées par des éboulements de rochers, les habitants ont sorti leurs pelles, pioches et autres outils pour commencer à déblayer, à la recherche de survivants encore ensevelis sous les décombres.

Le pouvoir se veut néanmoins rassurant, après avoir ordonné la mise en place d’hôpitaux chirurgicaux de campagne et déployé les forces armées pour intervenir et coordonner les efforts d’aide humanitaire, notamment la distribution d’eau, de nourriture, de tentes et de couvertures aux personnes affectées. Le ministère de l’Intérieur a indiqué que « les autorités continuent de mobiliser toutes les ressources humaines et logistiques nécessaires pour déployer des unités de secouristes spécialisés y compris des équipes de recherche et de sauvetage ». Dimanche, plusieurs informations relayées par la presse et les réseaux sociaux ont néanmoins fait état de blocages par Rabat de l’arrivée de l’aide internationale. Certaines organisations ont malgré tout annoncé l’envoi d’équipes, comme le Secours populaire français, qui a pour mission d’évaluer les dégâts et les besoins post-séisme. Mais le royaume chérifien n’a pas encore fait de demande officielle, hormis au Qatar, dont il est très proche, et à l’Espagne, avec laquelle Rabat s’est réconcilié l’année dernière, limitant ainsi la possibilité d’interventions de la part d’organisations étrangères. Le Royaume-Uni et les Emirats arabes unis ont également reçu une autorisation pour envoyer de l'aide. « En tant que pays émergent, qui se veut interlocuteur de l'Europe et qui aspire à un statut de puissance régionale en Afrique, Rabat veut montrer qu'il est souverain, capable de piloter les secours, et ne pas se comporter comme un pauvre pays meurtri que tout le monde vient charitablement secourir », avance la géographe Sylvie Brunel, qui a dirigé l’association humanitaire Action contre la faim, dans Le Figaro, ajoutant que « toute opération humanitaire est d’abord géopolitique ».

Appels du pied

Et la diplomatie du séisme est déjà en marche. En Algérie, la télévision d’État a diffusé un message de la présidence déclarant ouvrir son espace aérien pour permettre le transport d’aide humanitaire au Maroc, et offert de fournir des ressources humanitaires. En 2021, les deux voisins avaient pourtant rompu leurs relations diplomatiques en raison de leur dispute sur la souveraineté du Sahara occidental, Rabat revendiquant le territoire que réclament les séparatistes du Front Polisario, soutenus par Alger. Attendant le feu vert des autorités marocaines, Israël s’est dit prêt à envoyer des équipes de recherche et de sauvetage, et a également préparé plusieurs options pour envoyer de l’aide humanitaire selon les besoins exprimés. L’État hébreu a normalisé ses relations avec le royaume chérifien en 2020 lors de la signature des accords d’Abraham. Une décision contestée par une large partie de la population, le roi Mohammad VI continuant en outre d’afficher des positions officielles propalestiniennes. Si le Maroc envoyait une demande officielle, l’aide israélienne serait prête à décoller en quelques heures et pourrait prendre la forme de nourriture, d’équipements médicaux, de tentes, de purificateurs d’eau, a affirmé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Yossi Zilbermann, au Times of Israel. Alors que les relations entre Rabat et Paris sont tendues depuis des mois, le président français Emmanuel Macron s’est de son côté dit « dévasté » par l’ampleur du séisme et prêt à envoyer des premiers secours lorsque le Maroc le jugera nécessaire.

Alors que les premières 72 heures sont cruciales pour retrouver des survivants, les réseaux de solidarité locaux se pressent. « Toutes les associations et organisations s’activent comme elles peuvent pour fournir de l’aide. Les compagnies de téléphonie mobile offrent par exemple des appels gratuits pour aider à localiser les victimes encore sous les décombres ou tout simplement organiser l’aide », indique Younès. Dès vendredi soir, des centres de transfusion ont lancé des appels aux dons du sang, alors que l’afflux de blessés dans les hôpitaux de Taroudant, Agadir ou encore Marrakech risquait de mettre ces établissements sous pression. Ces centres ont été pris d’assaut dès samedi matin, où de l’eau et de la nourriture sont régulièrement déposées par des particuliers ou chefs d’entreprise en guise de soutien. « On nous a prêté des couvertures pour qu’on puisse se poser dans la rue et on nous a donné du pain, parce qu’on est sorti presque en pyjama vendredi soir, avec juste des baskets et notre banane », se rappelle Alia, une Française en vacances à Marrakech avec ses sœurs. Des organisations basées sur place et des citoyens engagés ont par ailleurs démarré des campagnes de collecte de fonds, via des plateformes telles que Gofundme.

Dans la ville, des représentants du secteur de l'hôtellerie et de la restauration se plaignent déjà des répercussions potentielles de la catastrophe, alors que la saison touristique bat encore son plein. « Mais la vie est déjà redevenue normale, comme si rien ne s’était passé », s’étonne pourtant Younès. La situation est bien différente dans les zones rurales dévastées par le séisme, autour de l’épicentre. Situées dans des régions pauvres et marginalisées, celles-ci ne connaîtront probablement pas la reconstruction réservée à Agadir après le tremblement de terre du 29 février 1960, qui avait détruit la ville et causé la mort de plus de 15 000 personnes. Depuis, les édifices de la cité portuaire respectent les normes antisismiques et le tourisme a repris dans la quatrième ville la plus visitée du pays.

Après le chaos des premiers instants, où se sont mêlées la surprise, l’incompréhension et la peur, la sensation de vivre un cauchemar a pris le dessus. Trois jours de deuil national ont été annoncés par le palais royal marocain. 11h11, vendredi soir. Dans les environs de Marrakech, la terre a tremblé pendant près de 20 secondes. Un séisme de magnitude 6,8 sur l’échelle...

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… Ou la France, c'est à la mode de l'accuser de tout et n'importe quoi !

Yves Montenay

13 h 54, le 11 septembre 2023

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Commentaires (2)

  • … Ou la France, c'est à la mode de l'accuser de tout et n'importe quoi !

    Yves Montenay

    13 h 54, le 11 septembre 2023

  • Imaginons un instant ce séisme dans la surpopulation de Beyrouth, avec les immeubles produits par les brillants ingénieurs civils libanais et le planning urbain de la vertueuse municipalité de Beyrouth. Les secours ne pourront même pas atteindre les victimes… Sans doute, la faute en reviendra aux américains.

    Mago1

    04 h 48, le 11 septembre 2023

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