Le Hezbollah possède-t-il des armes de défense aérienne ?

Le Hezbollah dispose-t-il d'un système d'armement antiaérien ? C'est la question que se posent certains commentateurs depuis que le parti politique chiite a exposé un système d'armement antiaérien à l'intérieur de son nouveau « Musée du Jihad » à Baalbeck, dans la Békaa.

Un guide du musée, Hajj Hamzi, affirme à L'Orient Today que le SAM 6 de fabrication russe serait équipé de missiles sol-air. Si le Hezbollah possède des armes antiaériennes, comment veut-il les utiliser ? S'agit-il d'une « tactique de guerre » visant à « remonter le moral des troupes » ?

Le moment où le « système d'armes antiaériennes » a été révélé

Le système a été exposé lors de l'inauguration du « Musée du Jihad », à quelques centaines de mètres du temple de Bacchus, le 26 août dernier, pour marquer, comme l'a déclaré Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, la « deuxième libération » du Liban, ce qui fait référence, dans la phraséologie de ce parti, au jour où les derniers militants de l'État islamique (Daesh) ont été évacués du Liban en 2017.

Quelques jours plus tard, le 4 septembre, un article d'analyse a été publié dans le quotidien libanais Annahar, affirmant que la présentation par le Hezbollah du système SAM 6 « a dissipé tout doute sur le fait que la Résistance dispose d'un système de défense aérienne ». L'article était rédigé par Abbas Sabbagh, un journaliste affilié à la chaîne de télévision al-Mayadeen, réputée proche du Hezbollah.

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« Certains observateurs estiment que le fait que le parti présente cette arme de cette manière signifie simplement qu'elle n'a pas une importance militaire, puisqu'elle fera inévitablement partie de ses systèmes militaires, ou qu'il a maintenant acquis des armes de défense aérienne plus avancées », poursuit l'article.

Entre-temps, Israël n'a pas réagi officiellement à l'exposition supposée du système antiaérien par le Hezbollah. Auparavant, le quotidien Asharq Al-Awsat avait rapporté que l'État hébreu s'inquiétait d'un « changement significatif dans le concept de défense aérienne. (...) avec les systèmes de défense aérienne russes disponibles, SA8 et SA22 ».

Contacté par L'Orient Today, le porte-parole officiel du Hezbollah n'était pas disposé à discuter de l'armement aérien.

Une bombe de guerre

En 1982, l'armée de l'air israélienne a détruit 19 batteries de missiles sol-air que l'armée syrienne avait déployées dans la vallée de la Bekaa, dans l'est du Liban, selon le Washington Post. Le déploiement de ces batteries de missiles contrevenait à un accord implicite par lequel Israël s'abstenait de toute action militaire lorsque les forces syriennes sont entrées au Liban en 1976, l'une des conditions étant l'absence de missiles sol-air.

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Le 16 février 2009, lors de la commémoration du premier anniversaire de l'assassinat de l'un des dirigeants du Hezbollah, Imad Mughnieh, Hassan Nasrallah avait déclaré : « Nous avons le droit de posséder n'importe quelle arme, y compris de défense aérienne, et nous avons également le droit d'utiliser cette arme si nous le voulons ».

Réponse du Hezbollah

Interrogé sur le point de savoir si le Hezbollah possède effectivement un système de défense aérienne, le porte-parole officiel du parti, Mohammad Afif Naboulsi, a indiqué que son parti « n'en parlerait jamais » et qu'il recevait régulièrement des demandes de renseignements à ce sujet de la part de nombreux journalistes et observateurs. « Notre réponse est que nous n'en parlerons pas. Quant au système dont nous disposerions, quelle serait sa taille ? Ou combien y en a-t-il ? Quel est leur type ? Je n'en sais rien. Et personne au parti n'a le droit d'en parler », a-t-il dit. Il conclut : « Cela fait partie des (secrets) de guerre que l'ennemi cherche à dévoiler. Lorsque la Résistance (une référence au Hezbollah) voudra utiliser ses armes, elle le fera ».

Un analyste politique et général de brigade à la retraite proche du Hezbollah, Amine Hoteit, est d'accord avec M. Naboulsi. « L'arme qui est cachée aux ennemis est toujours plus puissante que celle qui est présentée dans une vitrine militaire. Ce qui est exposé est d'une importance secondaire », selon lui. « Il s'agit d'une tactique de guerre typique », ajoute-t-il.

« Vieux et inutilisable »

Une bannière avec le portrait de Nasrallah accueille les visiteurs à l'entrée du « Musée du Jihad ». À l'instar de la vidéo de propagande diffusée au musée de Mlita, ouvert dix ans après le retrait israélien du Liban en mai 2000 et situé dans le sud du pays, la frise de ce musée célèbre la « Résistance », évoquant la création du parti, ses divers attentats, la libération du Sud et la « grande victoire divine » contre Israël en 2006.

Un autre aspect a également été mis en lumière dans le musée : l'implication militaire en Syrie qui a débuté en 2013, dans le but de soutenir le régime du président syrien Bachar el-Assad et de sécuriser la route terrestre reliant la Syrie à l'Iran.

Le porte-parole du Hezbollah a expliqué que le système antiaérien, ainsi que de nombreuses autres armes exposées à Baalbeck, sont « anciens », certains étant des armes « abandonnées par les Israéliens ». Les groupes jihadistes « Daech et Al-Nosra ont laissé leurs armes en Syrie et sur les terres arides d'Ersal dont nous avons pris le contrôle », indique-t-il.

Le Front Al-Nosra était une organisation salafiste jihadiste qui se battait contre les forces du régime pendant la guerre civile en Syrie, qui a commencé en 2011. Les véhicules militaires, collectés dans différentes zones de combat « ont été sommairement préparés » avant d'être exposés au musée, a ajouté M. Naboulsi.

Quant au système SAM 6, M. Naboulsi a confirmé sa présence au musée, estimant que « toutes les factions palestiniennes en disposent depuis les années 70 et que ces vieilles armes ne sont plus efficaces ». « Il pourrait s'agir d'un vestige de l'armement de ces factions. Je ne sais pas exactement d'où elles proviennent », concède-t-il.

Pour sa part, le général de l'armée libanaise à la retraite, Khalil Hélou, a fait valoir que « si le Hezbollah dispose réellement d'un système de défense aérienne, il s'agira très probablement d'un système de tir à l'épaule tout au plus ou, s'il est plus grand, il serait très ancien ». « Le Hezbollah expose toujours les vestiges militaires qu'il récupère, un char vieux de soixante ans, un char israélien hors d'usage, des armes que l'armée syrienne lui a données », a-t-il ajouté. « Les systèmes SAM 6 ont été utilisés il y a une cinquantaine d'années, et les avions qu'Israël possède sont modernes et avancés et bien plus compliqués. Ils ne peuvent pas faire le poids face à Israël », explique l'officier supérieur.

« L'exposition d'un tel système au musée n’est qu’un moyen de dissuasion. Il s'agit simplement d'une démonstration de force », souligne encore le général en notant que « ces expositions ont pour but de remonter le moral des troupes, car le principal atout du Hezbollah est leur moral ».

Une partie d'une arme antiaérienne

Afin d'entraver la présence de l'Iran et le transfert d'armes de pointe au Hezbollah en Syrie et au Liban, les frappes aériennes israéliennes ciblent régulièrement les infrastructures et les biens militaires de l'Iran, qui a déployé un système sophistiqué de missiles de défense aérienne à longue portée en Syrie.

Il est difficile pour l'Iran de remettre au Hezbollah ses armes de défense aérienne avancées « car elles sont tellement énormes que [le Hezbollah] ne peut pas les cacher correctement au Liban », a affirmé le général Hélou. « Ils seraient inquiétés par une attaque israélienne, car les Israéliens ne leur permettraient jamais de les posséder. Jusqu'à présent, nous ne les avons pas vu utiliser un quelconque système de défense aérienne, sauf pour abattre ou dissuader les drones israéliens » dans le sud du Liban, a-t-il ajouté.

Selon le porte-parole du Hezbollah, le parti pro-iranien avait utilisé « un élément spécifique, une partie d'une arme antiaérienne, relevant d'un système de défense aérienne » au cours des « deux ou trois dernières années » pour « tirer » sur des drones de surveillance israéliens et les empêcher de survoler les territoires du sud. « Comme je l'ai remarqué récemment, l'activité des drones de surveillance israéliens a diminué », a encore déclaré M. Naboulsi.

Depuis des années, le Hezbollah abat les drones israéliens qui s'infiltrent régulièrement dans l'espace aérien libanais. De son côté, le général à la retraite Hoteit indique à L'Orient Today que « le Hezbollah utilise désormais des armes électroniques et le laser (...) pour brouiller ou faire fuir les drones ».

Guerre psychologique

L'exposition du système de défense aérienne au musée du Hezbollah fait suite à une récente « campagne d'incitation menée par Israël », qui se traduit par « une guerre psychologique massive », souligne le général Hoteit.

Les tensions ont augmenté à la frontière israélo-libanaise au cours de l'été. Le Hezbollah a installé des tentes près du village contesté et annexé de Ghajar, les forces israéliennes ont lancé des roquettes sur le Liban après des tirs de mortier du côté libanais, et des députés et journalistes libanais ont été visés par des gaz lacrymogènes israéliens le long de la frontière.

Le ministre israélien des affaires étrangères, Eli Cohen, a menacé de « ramener le Liban à l'âge de pierre » et s'en est pris à Hassan Nasrallah, le qualifiant de « faible » et l'a décrit comme « se cachant comme un rat dans une cave », dans une interview au journal saoudien Elaph le 6 août. Dans un discours télévisé prononcé le 14 août, Nasrallah a répondu aux menaces israéliennes : « Si Israël déclare la guerre au Liban, il sera (lui-même) réduit à l'âge de pierre ».