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Environnement - Innovation

Quand l’énergie solaire vole au secours des agriculteurs

Regen-R8 assemble des unités photovoltaïques démontables pour répondre au manque d’électricité dans le pays.

Quand l’énergie solaire vole au secours des agriculteurs

L’initiative Regen-R8 a déjà placé huit unités en service dans des exploitations agricoles, qui deviendront 12 en fin d’année. Photo fournie par YY Regen

À Wata el-Joz, une localité très verte du Haut-Kesrouan, sous le soleil de plomb d’une chaude journée d’août, une pompe à eau fonctionne sans arrêt. L’exploitation de Joseph Khalil Salamé s’étend sur plusieurs hectares de serres. En l’absence d’électricité fiable de l’État, l’agriculteur n’avait d’autre choix que de faire fonctionner son propre générateur au mazout pour pomper l’eau du puits… jusqu’à ce qu’une autre perspective lui soit offerte durant la saison d’été par « Regen-R8 » (regenerate en anglais), un projet d’énergie solaire mise à la disposition des exploitations agricoles, lancé il y a un an par l’entreprise d’ingénierie libanaise YY Regen, cofondée par Amer Khayyat et Hasan Jaafar. Le générateur s’est donc tu (du moins en journée) pour toute une saison, et deux unités de panneaux solaires ont pris le relais, situées bien en évidence à l’entrée de l’exploitation.

Une exploitation de serres de plusieurs hectares, à Wata el-Joz, au Kesrouan, fait partie de celles ayant profité des services de Regen-R8 dans diverses régions libanaises. Photo S.B.

Joseph Salamé n’a pas investi dans ces unités : il les loue pour un temps déterminé et il est l’un des 14 agriculteurs à en avoir profité durant l’année écoulée. « Dans le cadre de Regen-R8, nous avons fabriqué 10 unités photovoltaïques démontables (huit en activité et dix en attente d’être mises en service), que nous pouvons déplacer et que nous proposons aux agriculteurs de toutes les régions, en vue de régler le problème de l’approvisionnement en électricité en zone rurale et de réduire la facture de mazout des générateurs », explique Joe Rahmé, qui gère le projet Regen-R8 avec les fondateurs de YY Regen. Le nombre d’unités fonctionnelles devrait s’élever à douze en fin d’année.

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Ces unités fournissent de 15 à 18 kilowatts chacune et il est possible d’en placer plus d’une dans une seule exploitation à la fois. Elles s’avèrent très utiles pour des agriculteurs mis à mal par la crise économique et financière et la dévaluation de la monnaie nationale depuis 2019. « Ces deux unités que vous voyez là m’ont aidé à pomper l’eau pour une partie de mes cultures, soit 30 dounoums (3 hectares) de serres, explique Joseph Salamé. Cela me permet d’arrêter le générateur en journée et de ne l’utiliser que la nuit au besoin. Et, surtout, cela m’économise le casse-tête des réparations. » Les unités photovoltaïques nécessitent bien moins de maintenance que les moteurs à mazout, confirme Joe Rahmé.

L’autre avantage de ces structures en zone agricole est écologique. « Il est vrai que la pollution sonore et atmosphérique du générateur a drastiquement baissé, mais je dois dire que le souci écologique n’est pas la préoccupation principale des agriculteurs, qui luttent pour leur survie », souligne Joseph Salamé. Et pourtant, cet apport à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre est bien réel. « Suivant nos calculs, chacune de nos unités économise des émissions de 1,5 tonne de CO2 par mois », assure Joe Rahmé.

L’ingénieur Joe Rahmé, l’un des cofondateurs de Regen-R8, explique la teneur du projet, près de l’unité placée dans une exploitation agricole de Wata el-Joz. Photo S.B.

Un expert appelé IA

Regen-R8 est actuellement une initiative unique au Liban, même si des projets similaires existent dans la région et le monde, dont un en Égypte. « Les composantes des unités que nous fabriquons existent toutes sur le marché, explique Joe Rahmé. L’innovation réside surtout dans la manière dont nous les assemblons pour en faire des structures modulables, mais aussi dans notre modèle commercial et dans nos logiciels, qui permettent de collecter les informations, comme les données météorologiques par exemple, pour aider l’agriculteur à améliorer son rendement. »

En ce qui concerne le modèle commercial, l’entreprise facture ses services par kilowatt/heure. « Le prix est de 0,27 dollar par kw/h, soit nettement moins que les générateurs (en moyenne 36 cents), sachant que la maintenance dans le cas de l’énergie solaire est minimale », explique Joe Rahmé.

Les fondateurs comptent aussi faire bon usage de l’intelligence artificielle à l’avenir, en l’intégrant dans leurs logiciels, notamment pour améliorer la collecte des données. « L’IA permettra, à partir des données collectées, de fournir des prédictions, comme les conditions météorologiques, l’humidité du sol… qui sont utiles au fonctionnement de l’unité tout comme à l’agriculteur dans son travail. » Un logiciel pourra également fournir des détails utiles aux techniciens en cas de panne ou encore éteindre spontanément les pompes à eau en cas de baisse de la lumière solaire, afin d’épargner la batterie. « Il s’agira de faire de l’intelligence artificielle notre premier expert en énergies renouvelables », lance Joe Rahmé.

L’unité photovoltaïque de Wata el-Joz vue sous un autre angle : le système de programmation est placé dans le conteneur, et on aperçoit au loin une chèvre profitant de l’ombre pour brouter tranquillement. Photo S.B.

Expansion régionale

L’entreprise a commencé par un projet pilote financé par l’incubateur Berytech qui a consisté en la fabrication d’une première unité. Elle a enchaîné ensuite avec un capital versé par les cofondateurs de Regen-R8 eux-mêmes ainsi que des donations, pour la mise en service des sept autres unités. À savoir que chaque unité coûte entre 15 000 et 20 000 dollars.

« Suite au placement des premières unités, l’impact positif auprès des agriculteurs a été immédiatement percevable. Nous avons récolté leurs témoignages et avons pu aisément démontrer que d’autres encore étaient intéressés par la solution que nous proposions. » C’est ce portfolio qui a attiré les donateurs locaux et internationaux, notamment ceux qui appuient les petites et moyennes entreprises et le secteur agricole.

Et les trois ingénieurs ont des projets plein la tête. « Au Liban, nous voulons doubler nos unités et desservir encore plus d’agriculteurs », assure Joe Rahmé. Ils ne comptent pas pour autant se limiter au pays du Cèdre, mais s’étendre à l’ensemble de la zone MENA. « Il existe beaucoup de zones reculées dans des pays comme l’Égypte ou l’Irak, non couvertes par les réseaux nationaux d’électricité, qui profiteraient idéalement d’unités comme les nôtres », dit-il.

L’agriculteur Joseph Salamé explique que l’apport en électricité lui sert surtout à pomper l’eau du puits afin d’irriguer ses cultures. Photo S.B.

Dans l’exploitation de Joseph Salamé, les unités photovoltaïques ont fait des adeptes inattendus : les chèvres profitent de leur ombre pour brouter en toute tranquillité, en cette chaude journée. Le propriétaire des lieux, lui, renouvellerait bien l’expérience. « Mon seul regret, c’est que le système ne fonctionne pas de nuit », lance-t-il en souriant. 

À Wata el-Joz, une localité très verte du Haut-Kesrouan, sous le soleil de plomb d’une chaude journée d’août, une pompe à eau fonctionne sans arrêt. L’exploitation de Joseph Khalil Salamé s’étend sur plusieurs hectares de serres. En l’absence d’électricité fiable de l’État, l’agriculteur n’avait d’autre choix que de faire fonctionner son propre générateur au...

commentaires (1)

Bravo!!! More good news;

Irene Souki

01 h 10, le 28 août 2023

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Commentaires (1)

  • Bravo!!! More good news;

    Irene Souki

    01 h 10, le 28 août 2023

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