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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

Au Yémen, le Sud cristallise les tensions entre l’Arabie saoudite et les Émirats

Le rapport de force s’intensifie dans cette zone, où les deux pétromonarchies soutiennent des factions rivales, alors qu’el-Qaëda opère un retour en force.

Au Yémen, le Sud cristallise les tensions entre l’Arabie saoudite et les Émirats

Des combattants du Conseil de transition du Sud après des affrontements avec les forces gouvernementales dans la région de Sheikh Salim, dans la province d’Abyan, le 11 mai 2020. Photo d'archives AFP

Cette fois, c’est un ancien membre du conseil saoudien de la Choura qui a remis au goût du jour la rivalité persistante entre Riyad et Abou Dhabi. Mohammad ben Abdallah Zalfa, qui est aussi un analyste politique très suivi en Arabie saoudite, a critiqué sur une chaîne turque le soutien des Émirats arabes unis au Conseil de transition du Sud (CTS), un groupe séparatiste qui combat notamment les forces gouvernementales appuyées par l’Arabie saoudite au Yémen. « Malgré leur retrait (les troupes émiraties se sont retirées de la coalition dirigée par Riyad, NDLR), les EAU poursuivent toujours leur projet qui serait lié à la sécession du Sud arabe et aux problèmes des îles » dans la Corne de l’Afrique, dénonce cet ancien conseiller du pouvoir. Obsédé par la sécurisation de cette zone, Abou Dhabi a installé une base militaire sur l’île yéménite de Socotra. Alors que le conflit s’enlise, « il semble que les Émirats arabes unis soient allés loin dans leurs projets et bien au-delà de leurs capacités », a-t-il tancé.

De quoi causer l’ire des médias pro-émiratis, comme The Arab Weekly, qui condamne des propos « hostiles » et « dénigrants », rappelant au passage que Mohammad Zalfa avait dans le passé soutenu l’indépendance du Sud-Yémen. Le journal al-Arab fustige quant à lui la prolifération de commentateurs saoudiens qui critiquent les Émirats arabes unis, laissant entendre qu’ils ont l’accord du prince héritier et dirigeant Mohammad ben Salmane pour le faire. « Que feront les autorités saoudiennes pour contrôler cette anarchie et faire de la relation avec les EAU une ligne rouge que chacun doit s’engager à ne pas franchir ? » s’emporte le quotidien, qui fait part d’une « grande colère chez les Émiratis ».

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Ces dernières années, le Yémen a cristallisé les tensions entre l’Arabie saoudite et les Émirats. Alors que Riyad soutient le gouvernement de Aden reconnu par la communauté internationale, Abou Dhabi appuie plus particulièrement les forces sécessionnistes du Sud, partageant les fonctions exécutives. « Tout cela remonte à 2018, lorsque le CTS a pris le contrôle de Aden par la force, suivi de l’échec des parties à mettre en œuvre l’accord de Riyad de 2019 », qui prévoyait un partage du Sud entre combattants de cette région et forces gouvernementales, rappelle Raiman al-Hamdani, chercheur à ARK International. La discorde s’était atténuée avec la formation, en avril 2022, du Conseil du leadership présidentiel (PLC), au sein duquel siègent des représentants sudistes aux côtés des forces gouvernementales traditionnelles, avec la bénédiction des deux parrains du Golfe.

Accord secret de sécurité

Mais le CTS s’est dernièrement livré à quelque démonstration de force politique et militaire, qui a interpellé l’Arabie. « Les antagonismes ont resurgi après la conférence du dialogue national du CTS » qui a réuni différentes parties en mai, ajoute Raiman al-Hamdani. Il rappelle notamment que l’ancien gouverneur de la province du Hadramaout – une région riche en pétrole qui attise les convoitises – Faraj al-Bahsani et surtout Abdulrahman al-Mahrami, un chef de guerre et membre du PLC, ont été nommés vice-présidents du CTS. « Selon des analystes, les Émirats arabes unis avaient signé un accord de sécurité secret avec le PLC en décembre 2022, ce qui aurait été la goutte d’eau pour les Saoudiens », poursuit le chercheur. Sans que ses détails ne soient révélés, le document porterait sur la sécurité maritime, le contrôle des ports et la lutte antiterroriste. Fin juillet, le CTS a par ailleurs commencé à transférer secrètement des unités de combattants vers Aden et le Hadramaout, ainsi qu’un bataillon à Mukalla, une ville portuaire que Riyad chercher à sécuriser.

Ainsi, la guerre au Yémen revêt aujourd'hui une dimension essentiellement nationale. Dans ce sens, Riyad a unilatéralement lancé des pourparlers de paix avec les houthis en avril dernier, afin de suspendre le conflit au niveau régional. Le but de l’Arabie saoudite : s’assurer que la milice soutenue par l’Iran cesserait toute attaque contre ses territoires, comme ce fut régulièrement le cas ces quatre dernières années. La poursuite du conflit entre les factions locales en présence n’est pas pour autant rassurante pour leurs parrains régionaux, alors que le pays fait face à une recrudescence d’activité jihadiste. Le 13 août, Abdul Latif al-Sayed, un éminent chef militaire sudiste, a été assassiné par el-Qaëda au nord du gouvernorat d’Abyan. L’inspecteur chargé de l’enquête a lui aussi été tué quelques jours plus tard par des assaillants à moto.

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« Il est frappant de constater qu’el-Qaëda a réussi à intensifier ses activités dans le sud du Yémen ces derniers mois, toutes les attaques se concentrant sur les forces du STC soutenues par les Émirats arabes unis plutôt que sur les forces gouvernementales soutenues par l’Arabie saoudite », observe Elisabeth Kendall, chercheuse à Cambridge et spécialiste des groupes jihadistes au Yémen. Mais de façon très complexe, les attaques d’el-Qaëda semblent bénéficier à toutes les parties du conflit sous une certaine forme. « Ces attaques profitent aux forces soutenues par l’Arabie saoudite en affaiblissant le CTS et leur projet d’indépendance, puis aux houthis en semant la discorde et la suspicion au sein de la coalition dirigée par les Saoudiens, poursuit-elle. Enfin, et peut-être le plus improbable, les attaques d’AQPA (el-Qaëda dans la péninsule Arabique, NDLR) sont soupçonnées de profiter aux Émirats en fournissant aux forces du Sud un prétexte pour se propager toujours plus loin dans le Sud au nom de la lutte contre le terrorisme et de la sympathie internationale. » Un ennemi commun à Riyad et Abou Dhabi, qui ne les rassemble pas pour autant.

Cette fois, c’est un ancien membre du conseil saoudien de la Choura qui a remis au goût du jour la rivalité persistante entre Riyad et Abou Dhabi. Mohammad ben Abdallah Zalfa, qui est aussi un analyste politique très suivi en Arabie saoudite, a critiqué sur une chaîne turque le soutien des Émirats arabes unis au Conseil de transition du Sud (CTS), un groupe séparatiste qui...

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L’Arabie Saoudite est seule habilitée à être l’interlocutrice du Yémen aussi bien qu’Aden. Elle a réussie réussie à réunifier le Yémen depuis sa première guerre fratricide avec l’Egypte de feu et bien aimé Gamal Abdel Nasser qui a commis l’erreur de soutenir le Sud sans grand intérêt pour l’Égypte. Fasse que DIEU aide Mohamed Ben Salman à réussir sa mission au Yémen qui n’a que son intérêt à se trouver réunifiée.

Mohamed Melhem

17 h 51, le 20 août 2023

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  • L’Arabie Saoudite est seule habilitée à être l’interlocutrice du Yémen aussi bien qu’Aden. Elle a réussie réussie à réunifier le Yémen depuis sa première guerre fratricide avec l’Egypte de feu et bien aimé Gamal Abdel Nasser qui a commis l’erreur de soutenir le Sud sans grand intérêt pour l’Égypte. Fasse que DIEU aide Mohamed Ben Salman à réussir sa mission au Yémen qui n’a que son intérêt à se trouver réunifiée.

    Mohamed Melhem

    17 h 51, le 20 août 2023

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