C’est un geste de faveur envers les Palestiniens, alors que les rumeurs autour d’une normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël enflent depuis près de trois semaines. Riyad a nommé samedi Nayef al-Soudairy, jusqu’alors représentant du royaume en Jordanie, comme premier ambassadeur non résident auprès de l’Autorité palestinienne. Le Saoudien a remis une copie de ses lettres de créance au conseiller diplomatique du président Mahmoud Abbas, Majdi al-Khalidi, lors d’une cérémonie à Amman. « Cela signale aux Israéliens et aux Américains que Riyad ne souhaite pas aller trop loin dans les discussions sur la normalisation avec les Israéliens sans mouvement significatif sur le dossier palestinien, note H.A. Hellyer, chercheur non résident sur le Moyen-Orient au centre Carnegie. Cela ne fonctionne tout simplement pas pour leurs considérations nationales et internationales. »
L’Arabie saoudite fait en effet face à une question épineuse, celle de la reconnaissance d’Israël alors que le pays est dirigé par le gouvernement le plus à droite de son histoire. Depuis le début de l’année, 214 Palestiniens ont été tués contre 28 Israéliens, selon un décompte de l’AFP. Une majeure partie de ces morts a eu lieu en Cisjordanie, touchée par une flambée de violence depuis plus d’un an. Entre violations du statu quo sur l’esplanade des Mosquées et soutien affiché de membres du gouvernement aux colons extrémistes, la colonisation et l’annexion de facto des territoires occupés se poursuivent. En juin, le ministre des Finances Benzalel Smotrich, partisan du Grand Israël, a d’ailleurs pris la tête de l’organe de planification des colonies. Dans ce contexte sensible, la décision de normaliser ses relations avec l’État hébreu serait particulièrement mal vue dans l’opinion publique arabe et musulmane, le royaume saoudien étant considéré comme le berceau de l’islam.
Pragmatisme aigu
Conscient de ces faits, MBS exige ainsi d’Israël des concessions aux Palestiniens en échange d’une normalisation, comme la création d’un État palestinien. La nomination de l’ambassadeur Nayef al-Soudairy fait écho à cette demande. Une façon de rappeler que le royaume est à l’origine de l’Initiative de paix arabe de 2002. Mais en réalité, « MBS (Mohammad ben Salmane, le prince héritier et dirigeant saoudien) fait partie d’une nouvelle génération qui n’a pas le même attachement à la cause palestinienne que celle du roi Abdallah », qui avait porté le projet devant la Ligue arabe, juge une source diplomatique. Le roi Salmane s’est d’ailleurs toujours montré défavorable à la reconnaissance d’Israël, du moins dans ces conditions.
Pour MBS et son pragmatisme aigu, la carte palestinienne peut en fait s’avérer très utile dans les négociations sur la normalisation entre Riyad et l’État hébreu, sous l’égide des États-Unis. Le royaume a posé des conditions très élevées auprès des Américains, notamment la mise en place d’un parapluie sécuritaire de type membre non allié de l’OTAN et une assistance au développement d’un programme nucléaire civil. Des demandes difficiles à faire valider par le Congrès et le gouvernement israélien. « Les concessions aux Palestiniens ne sont pas là pour servir les intérêts de ces derniers, mais pour faire pression sur les Israéliens et les États-Unis, tranche un bon connaisseur de l’Arabie saoudite. Les Saoudiens ne veulent pas d’assurances verbales, comme dans les accords d’Abraham où les Émirats arabes unis n’ont rien gagné de substantiel, tout en permettant à Benjamin Netanyahu de dire à ses électeurs qu’il a tout obtenu sans rien donner. » Entre autres, Abou Dhabi avait effectivement demandé l’arrêt des plans d'annexion de la Cisjordanie contre une reconnaissance d’Israël. En vain.
Durcir le marché
« Les accords d’Abraham ont faussement vendu l'idée qu'une fois que nous nous normalisons avec Israël, nous avons une plus grande influence sur lui et pouvons l'empêcher de poursuivre son grignotage de la Cisjordanie », abonde Umar Karim, chercheur à l’Université de Birmingham. « L’Arabie, Israël et les États-Unis sont entrés dans un processus de négociation à long terme qui n’aboutira que quand les deux derniers apporteront des garanties politiques, économiques et sécuritaires à Riyad, poursuit ce spécialiste de la politique étrangère saoudienne. L’Arabie comprend également que Joe Biden recherche une victoire politique, ils ont donc décidé de durcir leur marché. » Le président américain a en effet fait du dossier une priorité avant les élections américaines de 2024.
D’autres signes montrent par ailleurs que l’ambassadeur saoudien en Palestine endossera un rôle symbolique. Sa nomination dans un autre pays, la Jordanie, et son statut de non résident limitent de facto la portée de ses fonctions. Dans un pas plus significatif, Nayef al-Soudairy a aussi été désigné consul général du royaume à Jérusalem. Une initiative douchée presque immédiatement par Eli Cohen, ministre israélien des Affaires étrangères. « Nous n'autoriserons l'ouverture d'aucune mission diplomatique d'un type ou d'un autre » de l’Arabie saoudite dans la Ville sainte, a déclaré le diplomate en chef à la radio, dimanche matin.
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QUELLE MASCARADE ! OUVREZ UNE EMBASSADE A JERUSALEM ET ENVOYEZ L,AMBASSADEUR SUR PLACE.
LA LIBRE EXPRESSION
11 h 37, le 14 août 2023