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Moyen-Orient - ENTRETIEN EXPRESS

Israël : « Les réservistes ne s’engageront qu'en cas d’urgence sécuritaire »

Des militaires volontaires sont prêts à renoncer à leur service pour s’opposer à la réforme de la Cour suprême. Thomas Vescovi fait le point pour « L’Orient-Le Jour ».

Israël : « Les réservistes ne s’engageront qu'en cas d’urgence sécuritaire »

Un réserviste israélien déposant une déclaration signée dans une boîte mercredi à Tel-Aviv. Le document annonce la suspension du service de réserve volontaire pour protester contre le projet de loi de réforme judiciaire du gouvernement. Menahem Kahana/AFP

Les menaces de défections plongent l’exécutif israélien dans l’embarras. Ce vendredi, plus d’un milliers de soldats réservistes de l’armée de l’air ont annoncé dans une lettre leur décision de ne pas honorer leurs missions si la réforme judiciaire, menée par le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu et vivement contestée par la rue, se poursuivait. De quoi rendre l’armée de l’air inapte en cas de guerre réelle. En mars, le gouvernement le plus à droite de l’histoire du pays avait mis en suspens ce vaste projet de refonte du système judiciaire visant la Cour suprême israélienne en vue de renforcer l’exécutif, à la suite d’un premier mouvement de volontaires réfractaires. À la veille d’un vote en dernière lecture au Parlement d’une des mesures phares comprises dans la réforme, qui empêcherait les juges de s’opposer à des décisions ou des nominations jugées « déraisonnables », quelle pression pourraient exercer ces réservistes ? Thomas Vescovi, chercheur indépendant en histoire et spécialiste du conflit israélo-palestinien, apporte son éclairage pour « L’Orient-Le Jour ».

Le mouvement des réservistes avait joué, en mars, un rôle-clé dans la suspension de la réforme. Leur rébellion actuelle pourrait-elle faire infléchir le gouvernement ?

Le bras de fer qui s’engage actuellement est décisif car, en termes de majorité parlementaire, rien ne peut empêcher Netanyahu de faire voter sa réforme. À l’inverse, ce qui pourrait faire changer la donne serait l’organisation de grèves d’ampleur dans le pays, comme cela s’est produit en mars avec le blocage de l’aéroport, des universités… Tel est l’objectif de cette grande marche partie de Tel-Aviv vers Jérusalem : bloquer en partie le pays pour créer un rapport de force. Sauf qu’en réaction, Netanyahu a annoncé une grande manifestation le 23 juillet en soutien à la réforme afin de démontrer que les opposants à son projet ne constituent pas la majorité du pays.

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La seule carte qui reste à jouer aujourd’hui pourrait être le fléchissement de certains députés qui soutiennent Netanyahu mais qui, sous le coup des pressions de la rue, pourraient préférer s’abstenir de voter par peur que la suite des événements débouche sur des affrontements. Mais cela n’a pas l’air de se dessiner à l’heure actuelle, car la majorité est prête à voter cette réforme. Pour l’instant, même si on sait qu’électoralement, Netanyahu a perdu une partie de ses soutiens, il n’y a pas eu de grand basculement en termes de forces politiques. C’est un affrontement traditionnel dans lequel la frontière entre les deux camps rejoint celle qui a opposé les pro et les anti-Netanyahu lors de l'élection qui l’a fait élire.

Dans un contexte de raids quasi quotidiens en Cisjordanie, le gouvernement peut-il se permettre de se mettre à dos l’appareil sécuritaire ?

En Israël, ce sont deux choses très distinctes. Les réservistes tout comme l’armée peuvent s'élever contre le gouvernement israélien. Cependant, les opérations menées en Cisjordanie contre les cellules de résistance armées palestiniennes, qui sont qualifiées par Israël de terroristes, sont considérées à part. Ce sont des opérations qui créent habituellement une convergence complète avec l’opposition car elles mobilisent l’enjeu de l’urgence sécuritaire. Récemment, lors de l’opération dans le camp de Jénine, il n’y a pas eu de protestations de la part de l’opposition au Premier ministre, au contraire. Il existe un tel esprit militariste en Israël que, du point de vue de l’opinion publique, il n’y a pas de question d’opposition ou de soutien à Netanyahu quand il s’agit des raids dans les colonies. Pour eux, il s’agit surtout de protéger Israël.

Pour mémoire

Comment les Palestiniens regardent-ils la crise politique en Israël ?

C’est tout le paradoxe : de l’extérieur, on a l’impression que ce mouvement contre Netanyahu ne regarde pas tout ce qu’il faut critiquer en Israël, car il occulte la question palestinienne et, en même temps, du point de vue israélien, il y a une fracture énorme. Cette hypocrisie est soulignée par la gauche alternative anticoloniale rassemblée autour des forces arabes palestiniennes de citoyenneté israélienne, mais également des mouvances juives israéliennes anticoloniales. Elles se rejoignent à chaque manifestation dans ce qu’elles appellent le « bloc anti-occupation », pour expliquer qu’on ne peut pas défendre la démocratie israélienne en fermant les yeux sur ce que vivent les Palestiniens.

On a pu observer dans le passé des mouvements de désobéissance au sein de l’armée concernant les opérations menées dans les territoires palestiniens. Autour de quels éléments fondamentaux se cristallise leur contestation aujourd’hui ?

Dans les années soixante-dix, il y avait eu des volontés du camp réserviste et de l’armée de faire pression sur le gouvernement pour qu’il aille au bout du processus de paix, notamment avec l’Égypte. Plus tard, certains ont protesté contre la présence israélienne au Liban. Lors de la seconde intifada, quelques mouvements ont voulu indiquer qu’ils ne participaient pas aux opérations en Cisjordanie. Mais cela est resté relativement minoritaire, contrairement à ce que l’on voit actuellement. Aujourd’hui, les réservistes, majoritairement des citoyens soldats avec un rapport au judaïsme qui peut être simplement culturel, se tiennent massivement contre le gouvernement parce qu’ils ont l’impression qu’il va vers un changement de régime et qu’il est en train d’imposer à la tête du pays des gens qui ne représentent pas ce qui fait pour eux Israël. Ils estiment qu’ils ne veulent pas combattre et s’engager en faveur d’un gouvernement qui adopterait des politiques extrémistes, racistes, homophobes, ultra-orthodoxes et très réactionnaires. Ils ne s’engageront qu'en cas d’urgence sécuritaire. Donc ils continueront à aller à Naplouse et Jénine par crainte d’attaques menées par des groupes armés palestiniens sur les civils israéliens. Dans ce cas, pour eux, il faut intervenir et dépasser les clivages politiques. 

Les menaces de défections plongent l’exécutif israélien dans l’embarras. Ce vendredi, plus d’un milliers de soldats réservistes de l’armée de l’air ont annoncé dans une lettre leur décision de ne pas honorer leurs missions si la réforme judiciaire, menée par le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu et vivement contestée par la rue, se poursuivait. De quoi rendre...
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La seule alternative est que les soutiens extérieurs, tels que les USA, l’UE obligent Israël à reconnaître la Palestine dans ses frontières de 1967 et dans le temps de reconnaître eux aussi la Palestine. Assez de nous prendre pour des ignorants ou de nous jeter de la poudre aux yeux. Et surtout, les plus grands fautifs sont les pays arabes qui ont reconnus Israël et qui établissent des relations diplomatiques soit disant par peur de l’Iran. La république Islamique d’Iran n’existe que depuis 1979 alors qu’Israël ment et bafoue tous les états qui le soutient.

Mohamed Melhem

22 h 55, le 23 juillet 2023

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Commentaires (1)

  • La seule alternative est que les soutiens extérieurs, tels que les USA, l’UE obligent Israël à reconnaître la Palestine dans ses frontières de 1967 et dans le temps de reconnaître eux aussi la Palestine. Assez de nous prendre pour des ignorants ou de nous jeter de la poudre aux yeux. Et surtout, les plus grands fautifs sont les pays arabes qui ont reconnus Israël et qui établissent des relations diplomatiques soit disant par peur de l’Iran. La république Islamique d’Iran n’existe que depuis 1979 alors qu’Israël ment et bafoue tous les états qui le soutient.

    Mohamed Melhem

    22 h 55, le 23 juillet 2023

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