Après Maurice Slim-Joseph Aoun, Bassam Maoulaoui-Imad Osman. Alors que le bras de fer opposant le ministre sortant de la Défense au chef de l’armée bat son plein, le ministre de l’Intérieur et le patron des Forces de sécurité intérieure ont conclu une trêve fragile, à la suite d’une querelle autour de nominations et permutations au sein de cet appareil de sécurité. Tout a commencé lorsque le général Imad Osman a nommé le général Ali Skaïni (chiite) premier vice-directeur de la gendarmerie. Un poste qui devrait lui permettre de succéder au général Marwan Sleilati (chrétien), qui part à la retraite dans deux mois. Surtout : M. Osman a décidé, par un mémo daté du 27 juin dernier, de détacher les SR des FSI (dirigés par Khaled Hammoud, un officier sunnite) de l’état-major de l’appareil pour les relier, de manière exceptionnelle, à la direction générale des FSI. Une démarche qui devrait paver la voie à la nomination de Jihad Abou Mrad, actuel directeur de cabinet du numéro un des FSI, au poste de chef d’état-major de cet appareil, plus haut poste réservé aux grecs-orthodoxes dans la hiérarchie sécuritaire officielle. « La décision de Imad Osman visait principalement à épargner à Khaled Hammoud une situation critique », souligne à L’Orient-Le Jour une source proche du dossier. « Les SR sont hiérarchiquement liés à l’état-major des FSI. Or Khaled Hammoud ne peut pas recevoir des ordres d’un officier dont le grade est inférieur au sien, en l’occurrence Jihad Abou Mrad », explique la source citée plus haut.
« Le précédent est illégal »
Sauf que tout le monde ne l’entend pas de cette oreille. « C’est une démarche motivée par des considérations personnelles », déplore un ancien officier qui a souhaité garder l’anonymat. Contacté, le ministère de l’Intérieur n’a pas voulu commenter. Il reste qu’aux yeux de Bassam Maoulaoui, l’affaire est à appréhender sous un angle légal. D’autant que le chef des FSI s’est lancé dans cette procédure sans concertation préalable avec lui. Un point évoqué dans la loi 17 détaillant l’organisation des FSI. Dans son article 2, le texte stipule que « les FSI sont soumises au pouvoir du ministre de l’Intérieur (…) ». M. Maoulaoui s’est exprimé à ce sujet lors d’une interview accordée en début de semaine à la chaîne américaine al-Hurra. « Ma prise de position n’est pas dirigée contre une personne. Elle émane d’un respect des lois en vigueur », a-t-il dit.
Réagissant à la thèse selon laquelle la décision du chef des FSI se base sur un précédent enregistré sous le mandat d’Ibrahim Basbous, Bassam Maoulaoui a déclaré : « Le précédent est lui aussi illégal. Et je n’accepte pas qu’il se reproduise alors que je suis à la tête du ministère de l’Intérieur. » « Modifier l’organigramme des FSI requiert un décret pris en Conseil des ministres sur proposition du ministre de l’Intérieur, après concertation avec l’organe décisionnel de l’appareil et le Conseil d’État », a encore dit le ministre, précisant que dans le cadre de cette affaire, cette procédure n’a pas été respectée.
Quelques heures avant ces déclarations, Bassam Maoulaoui avait annulé la décision de Imad Osman. « Le ministre et le chef des FSI s’étaient entretenus au domicile du Premier ministre sortant et s’étaient entendus sur la nomination de Bilal Hajjar à la tête de l’institut des FSI ainsi que sur la désignation de Jihad Abou Mrad comme chef d’état-major, apprend-on de sources concordantes. Mais le ministre avait présenté une autre version des faits selon laquelle les discussions ont uniquement porté sur la nomination d’un chef de l’institut des FSI.
Contactée par L’OLJ, une source gouvernementale haut placée se contente de faire valoir que lors de la réunion en présence de M. Mikati, Bassam Maoulaoui a demandé à Imad Osman de revenir sur sa décision. Ce que le haut responsable a fait après la décision rendue lundi par M. Maoulaoui. « Le pas en arrière de Imad Osman a permis de tourner la page de la querelle entre les deux hommes », affirme une personnalité proche du dossier sur un ton optimiste. « Il a été contraint de le faire parce qu’il ne peut pas défendre une décision illégale… Que l’âme de Wissam el-Hassan (ancien chef des SR des FSI assassiné à Achrafieh le 19 octobre 2012) repose en paix ! » déplore un ancien officier à la retraite.
Si le pas en arrière du général Osman a permis un retour au calme, la polémique entre les deux responsables continue de faire couler beaucoup d’encre, plusieurs observateurs ayant vu des règlements de comptes et des calculs politiques dans la perspective de la prochaine phase. Certains vont même jusqu’à croire que la présidence du Conseil (après l’élection d’un nouveau chef de l’État) serait déjà dans la tête des protagonistes impliqués dans ce duel. « Nagib Mikati voit d’un mauvais œil le fait que Bassam Maoulaoui envoie à l’Arabie saoudite des signaux qui pourraient être interprétés comme traduisant une ambition de briguer le poste de chef de gouvernement », estime un ancien officier, qui se dit conscient qu’il est encore tôt de penser à la prochaine phase.
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18 h 07, le 23 juillet 2023