Les deux déposants qui avaient pris d'assaut jeudi matin la Banque Byblos à Sin el-Fil, à l'est de Beyrouth, n'ont pas pu récupérer leurs économies, à l'issue de leur action et de négociations, après que les employés de l'établissement se sont "enfuis par la porte de derrière", a affirmé à L'Orient Today le porte-parole du collectif Le Cri des déposants, Moussa Agathy. Les deux hommes, qui avaient menacé de mettre le feu à la banque, ont, eux, été emmenés par les forces de l'ordre.
Cette nouvelle action violente contre les banques a lieu alors que le secteur bancaire continue d'imposer des restrictions illégales, mises en place pour la première fois au début de la crise économique au Liban en 2019, et limitant les retraits et les transferts des clients. Après une période d'accalmie, plusieurs opérations similaires ont eu lieu ces derniers jours, généralement avec succès.
Dans la matinée, M. Agathy a précisé que les deux déposants étaient soutenus par le collectif et que leurs dépôts s'élèvent respectivement à 5.400 et 25.000 dollars.
Liquide inflammable
Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux du collectif, on peut voir l'un des déposants crier : "Donnez-nous notre argent, allez, il n'y a plus rien à perdre". Les deux hommes tiennent une bouteille de liquide, identifié comme du benzène et de l'acide, et affirment avoir versé de ce liquide sur le sol. Des membres des Forces de sécurité intérieure (FSI) et des soldats de l'armée libanaise sont arrivés sur les lieux, selon M. Agathy. D'après l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle), des échauffourées sont survenues dans la banque entre d'autres déposants présents sur les lieux et les forces de l'ordre, provoquant des dégâts matériels.
D'après Le Cri des Déposants, après des négociations avec la directrice de l'agence, cette dernière a proposé de remettre 5.000 dollars à un des déposants et 2 ou 3.000 dollars au second, ce qu'ils ont accepté. Toutefois, alors qu'elle prétendait compter l'argent à remettre aux deux hommes, la directrice et les employés de l'agence "ont réussi à verser l'argent dans de grands sacs noirs et à s'enfuir par la porte de derrière", sans remettre aux déposants leurs économies. Les forces de sécurité ont ensuite emmené les deux déposants pour prendre leur déposition, selon M. Agathy.
L'avocat Rami Olleik, fondateur du collectif d'avocats Mouttahidoun (Unis), qui a également soutenu ce braquage, a corroboré ce qui s'est passé avec les deux déposants à la Byblos Bank.
L'Orient-Le Jour a contacté la Byblos Bank, qui a répondu par une déclaration officielle selon laquelle "la banque a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ses employés et des clients qui étaient présents à l'agence de Sin el-Fil, laquelle était menacée avec des produits inflammables dangereux".
Davantage de hold-ups
M. Olleik a encore déclaré à L'Orient Today que le braquage avait été planifié en même temps que trois autres actions dans trois autres banques à Antélias, dont la Société Générale de Banque au Liban, le Crédit Libanais et la Fransabank. "Ces opérations devaient avoir lieu simultanément, mais les trois banques ont collectivement renforcé leurs mesures de sécurité, si bien que nous n'avons pas pu y entrer", a-t-il dit. L'avocat a prévenu qu'il y aurait d'autres braquages de banques vendredi, affirmant qu'il avait "une liste d'attente de déposants souhaitant récupérer leurs économies".
"Les gens doivent s'attendre à d'autres hold-up à l'avenir, car les déposants ont besoin d'une solution, a également mis en garde Moussa Agathy. Pourquoi tout le monde est payé à des taux de change différents alors que le déposant reçoit toujours son dépôt à 15.000 livres libanaises ?''
L'action des deux déposants à Sin el-Fil se produit deux jours seulement après que deux clients, dont l'un était armé d'une grenade, ont récupéré une partie de leurs économies dans une agence de la Banque de Beyrouth et des pays arabes (BBAC) à Bent Jbeil, au Liban-Sud, et dans une agence du Crédit libanais à Chhim, dans le Chouf.
Suite à ces deux braquages, l'Association des banques du Liban (ABL) avait menacé mardi de remettre en vigueur des mesures pour limiter l'accès aux établissements bancaires. Après une série de braquages en 2022, les banques avaient observé une grève de plusieurs semaines et mis en oeuvre des procédures drastiques, incluant des prises de rendez-vous préalables, pour leurs clients. L'ABL réclame en outre une loi sur le contrôle des capitaux réglementant les retraits et transferts.
Pourquoi qualifier ces actions de hold up ?
23 h 09, le 20 juillet 2023