C’est désormais devant la justice libanaise que l’ancien ambassadeur du Liban en France, Rami Adwan, devrait répondre des accusations lancées par deux anciennes employées de l’ambassade et ex-maîtresses de M. Adwan, qui avaient respectivement porté plainte contre lui en juin 2022 et en février dernier, pour « viol et violences psychologiques et physiques ». L’affaire avait été révélée le 2 juin dernier, suite à la publication d’un article par le média français en ligne Mediapart. Depuis, Rami Adwan et son avocat à Paris, Karim Baylouni, n’ont cessé de réfuter la véracité des faits.
Après les plaintes des deux jeunes femmes, la police française avait mené des investigations, à la suite desquelles Paris a demandé à l’État libanais la levée de l’immunité du diplomate en vue de le poursuivre. Une demande rejetée, mais suivie le 7 juin de l’envoi, par le ministre sortant des Affaires étrangères (AE) Abdallah Bou Habib, d’une délégation à Paris, composée du secrétaire général et du directeur de l’inspection au sein du ministère, respectivement Hani Chmaytelli et Hadi Hachem, afin d’y mener une enquête administrative. Selon une source proche du dossier, cette commission a établi rapidement un rapport d’enquête, transmis au ministre et assorti de recommandations pour que Rami Adwan soit rappelé à l’administration centrale, à Beyrouth, et que son dossier soit déféré auprès de la justice libanaise. Ce que M. Bou Habib a approuvé et exécuté dès le lendemain. Il a, dans ce cadre, révoqué le diplomate de son poste et transféré le rapport d’enquête au procureur général près la Cour de cassation Ghassan Oueidate, qui a chargé, il y a une quinzaine de jours, l’avocat général près la cour d’appel de Beyrouth Raja Hamouche de constituer un dossier.
Selon nos informations, le juge Hamouche n’a pas encore convoqué M. Adwan, vraisemblablement parce qu’il attend de rassembler davantage d’éléments d’enquête. En effet, si la commission des Affaires étrangères avait auditionné le diplomate dans la capitale française, elle n’y avait pas cependant recueilli les témoignages des deux plaignantes, affirme à cet égard une source proche du ministère. Le magistrat peut, dans ce contexte, demander à la justice française de lui envoyer une copie du dossier qu’elle avait établi, ou bien convoquer les deux ex-employées de l’ambassade, mais pourrait se heurter à un refus dans les deux cas. En tout état de cause, il a la possibilité d’auditionner l’ancien ambassadeur du Liban en France, avant même d’avoir entre les mains de tels éléments considérés pourtant comme importants.
Compétence libanaise
Pourquoi le Liban a-t-il refusé la demande de levée de l’immunité de Rami Adwan ? La source proche du ministère des AE précitée indique qu’« il était hors de question de créer un précédent en permettant à un État étranger de poursuivre un ambassadeur en exercice ».
Interrogé par L’OLJ, Akram Azoury, avocat de M. Adwan au Liban, indique pour sa part que « l’immunité ne peut être retirée qu’avec l’accord de l’État qui avait désigné l’ambassadeur à son poste, en l’espèce le Liban ». « Toutefois, et pour éviter l’impunité, la loi édicte qu’en contrepartie de l’immunité d’un diplomate dans le pays d’affectation, ce dernier peut être jugé dans son propre pays pour des actes qu’il aurait commis à l’étranger », souligne l’avocat, notant qu’« un citoyen ordinaire n’est pas soumis à une telle règle ».
Interrogé par ailleurs sur la véracité d’informations selon lesquelles Rami Adwan aurait présenté au Liban une plainte pour diffamation contre les deux femmes qui l’accusent de viol et violences, Me Azoury répond à L’Orient-Le Jour par la négative.
Toujours ambassadeur
Sur le plan diplomatique, si Rami Adwan n’occupe plus son poste à Paris, il garde pourtant le statut d’ambassadeur, affirme la source proche du ministère des AE citée plus haut. C’est que ni M. Adwan n’a démissionné, ni le Conseil des ministres qui l’avait nommé ne l’a révoqué, fait-elle observer. La loi dispose pourtant qu’un ambassadeur hors-cadre – comme Rami Adwan – est considéré démissionnaire d’office dès l’expiration du mandat du président de la République qui l’avait nommé, ajoute la même source. Celle-ci notre cependant que dans la pratique, jamais un ambassadeur n’a été considéré démissionnaire dans de telles conditions.
Rami Adwan, proche du camp aouniste, avait été nommé à Paris en 2017, sur impulsion de l’ancien chef de l’État Michel Aoun, après avoir dirigé durant quatre ans le cabinet du ministre des Affaires étrangères de l’époque, Gebran Bassil, chef du Courant patriotique libre.
commentaires (3)
En France c est soit la cour criminelle soit les assises c est à dire au moins 15 ans de prison si les faits sont avérés
fadi labaki
12 h 13, le 18 juillet 2023