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Politique - Entretien

Dima Sadek à « L'OLJ » : Le mandat de Michel Aoun a été une période de recul des libertés

Mardi 11 juillet, c’est au téléphone que Dima Sadek apprend la nouvelle : un an de prison ferme. La journaliste vient d’être condamnée par la justice libanaise à la suite d’une plainte déposée trois ans plus tôt par le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. En vacances avec sa famille en France, la quadragénaire a répondu aux questions de « L’Orient-Le Jour » quelques jours après le verdict-choc.

Dima Sadek à « L'OLJ »  : Le mandat de Michel Aoun a été une période de recul des libertés

Dima Sadek au tribunal de Beyrouth le 4 novembre 2015, alors qu'elle s'apprête à comparaître devant un juge dans le cadre d'une plainte déposée par le Hezbollah. Photo Patrick Baz/AFP

Comment avez-vous réagi à la nouvelle de la condamnation ?

Mon avocat m'avait prévenu que le jugement devait sortir lundi. Mais je ne m’attendais pas du tout à ce verdict. Je reçois un coup de fil, mardi matin. « Voilà, donc ce sera un an de prison ferme pour vous. » Ça a été un choc. Déstabilisée, perdue, je ne comprends pas ce qu’il se passe. Je suivais le procès de près. On avait le sentiment que le juge n’était pas tout à fait neutre, son comportement laissait penser que le verdict n'allait pas être en ma faveur. Mais je m’attendais dans le pire des cas à devoir payer une pénalité. Aujourd’hui j’ai évidemment l’intention de faire appel. Mais ce ne sera plus jamais comme avant. Il y a un « avant » et un « après » mardi 11 juillet. Je sais que je ne me sentirai plus en paix et en sécurité. Je suis contrainte de mener cette nouvelle bataille jusqu’à ce qu’un nouveau jugement soit prononcé. Mais j’ai toujours refusé de prendre des mesures de sécurité. Je veux vivre normalement : à mon retour au Liban, je veux que la vie continue comme elle a toujours été.

Comment interprétez-vous ce jugement ?

Je n’arrive pas à l’interpréter autrement que comme un message politique. Nous sommes en 2023, la « manzoumé » se sent mieux, elle s’est décontractée, elle semble plus à l'aise. Elle veut désormais tout faire pour éviter un nouveau 17 octobre, pour décourager une nouvelle vague de mécontentement et un soulèvement comme celui qui a eu lieu en 2019. Pour cela, il faut se protéger, assurer sa sécurité. Le système a besoin de fermer les espaces de liberté, de museler certaines voix critiques. Je ne suis pas la seule cible de ce verdict : c’est un message qui se fait à travers moi. Un avertissement : restez calmes et sages, sans quoi voilà ce que vous risquez.

Repère

De Georges Naccache à Dima Sadek : retour sur les journalistes condamnés à la prison

Peut-on parler librement en 2023 au Liban ?

Le mandat de Michel Aoun a été une période de recul des libertés. Le nombre de journalistes ayant été arrêtés au cours des dernières années a atteint des sommets jusque-là inégalés. Je ne pense pas aujourd’hui qu’un journaliste libanais soit libre de dire ou d’écrire ce qu’il souhaite. Adam Shamseddin, Michel Anbour, Hanin Ghaddar… c’est un record sans précédent pour le Liban.

Quel rôle a joué le fait d’être une femme chiite dans les attaques dont vous êtes la cible ?

Commençons par rappeler que je ne suis pas un cas spécial. La classe politique actuellement au pouvoir vise tout le monde – toutes les communautés et tous types d’opposants. Mais c’est vrai que dans mon cas ma communauté a joué un rôle. C’est indéniable, surtout en ce qui concerne le Hezbollah et une partie de la communauté chiite, qui a malheureusement subi un lavage de cerveau durant plusieurs décennies. Les critiques dont je fais l’objet sur les réseaux sociaux sont courantes jusque dans mon entourage au quotidien. Au sein de ma propre famille, certaines personnes m’accusent d’avoir trahi la communauté. Le processus de changement n’est pas impossible, mais il est très long et il demande beaucoup de travail. Le Hezbollah est encore trop enraciné dans l’infrastructure sociale, économique et religieuse d’une communauté qu’il contrôle. Le 17 octobre n’a malheureusement pas changé grand-chose à tout cela.

On vous reproche parfois de diriger vos attaques contre un camp et d'en épargner un autre...

Je critique tout le monde. Certains de mes programmes ont été entièrement dédiés aux Forces libanaises. J’ai consacré des épisodes entiers aux députés du changement. À l’époque du 17 octobre, j’ai beaucoup critiqué Saad Hariri. Au point que certains membres du parti du Futur ont refusé de me soutenir. Si aujourd’hui mes critiques se concentrent davantage sur le Hezbollah et le Courant patriotique libre, c’est parce qu’ils sont au pouvoir depuis 2016. Prenons l’exemple de la double explosion au port et du blocage de l’enquête menée par le juge Tarek Bitar. Suis-je censée critiquer le Futur et les FL, ou bien le Hezbollah ? Il est normal de se concentrer sur ceux qui contrôlent tout. 

Comment avez-vous réagi à la nouvelle de la condamnation ?Mon avocat m'avait prévenu que le jugement devait sortir lundi. Mais je ne m’attendais pas du tout à ce verdict. Je reçois un coup de fil, mardi matin. « Voilà, donc ce sera un an de prison ferme pour vous. » Ça a été un choc. Déstabilisée, perdue, je ne comprends pas ce qu’il se passe. Je suivais le procès de...

commentaires (9)

Chère Madame Sadek, Je vous admire pour votre courage à dénoncer toutes les injustices de notre pays, et ce malgré les pressions que vous subissez. Nous avons besoin de personnes comme vous pour sortir le Liban de ce chaos. Que Dieu vous protège et vous donne la force de continuer.

Saliba Patricia

00 h 16, le 15 juillet 2023

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Commentaires (9)

  • Chère Madame Sadek, Je vous admire pour votre courage à dénoncer toutes les injustices de notre pays, et ce malgré les pressions que vous subissez. Nous avons besoin de personnes comme vous pour sortir le Liban de ce chaos. Que Dieu vous protège et vous donne la force de continuer.

    Saliba Patricia

    00 h 16, le 15 juillet 2023

  • Elle a pleinement raison !

    Wow

    13 h 59, le 14 juillet 2023

  • Force est de constater que durant les 6 dernières années, les pires catastrophes se sont abattues sur le Liban et sur les libanais. Je ne vais pas dire que c’est la faute à Michel Aoun mais il en porte une grande partie avec son Gendron tout comme les autres dirigeants politiciens de pacotille avec les hauts fonctionnaires dont la seule fonction était de s’enrichir de façon éhontée

    Lecteur excédé par la censure

    22 h 42, le 13 juillet 2023

  • PAR HASARD VOUS SAVEZ : Le texte demande en outre au Liban "en cas d'action sur les migrations, de s'abstenir d'expulser, d'imposer des mesures discriminatoires et d'inciter à la haine contre les réfugiés syriens". Waw . UN petit paragraphe . Dima Sadek et ses MONTAGES, troisième jour de propagande fatigante . OLJ soyez plus proches des VRAIS NOUVELLES – URGENTES - les FAKES à la poubelle.

    aliosha

    21 h 41, le 13 juillet 2023

  • Dans votre combat pour votre liberté et la liberté d'expression , recevez chère Madame Sade tout mon soutien. J'espère que votre Pays recouvrira un jour tout son passé glorieux.

    DRAGHI Umberto

    21 h 21, le 13 juillet 2023

  • Dans la région volcanique du Moyen-Orient arabe, le Liban n'a jamais cessé d'être le pays des libertés. Mais quand la liberté d'expression devient liberté d'insultes et de diffamation, il est impératif que la justice y mette un terme. La décadence éthique de certains journalistes de tous bords, ainsi que de certains partisans de tous bords, devient tellement écœurante qu'on s'interroge souvent sur la nouvelle définition de l'intégrité... Oui à la critique, oui à la liberté d'exprimer les opinions politiques et religieuses sans contrainte, mais NON, NON et NON aux abus, à la diffamation et aux calomnies. Sinon, on avance à grands pas vers l'identification avec la classe politique qui dirige le pays à la manière des gangs.

    Jihad Nawfal

    20 h 33, le 13 juillet 2023

  • ET C,EST COMME TOUJOURS LE BESSIL QUI A FAIT LE JOB POUR BERRY ET HN ET LEURS ENTURBANES REVANCHARDS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 57, le 13 juillet 2023

  • Donc d’après vous, Dima Sadek devient une référence dans l’univers journalistique au même titre que Georges Naccache et Ghassan Tuéni…

    Henoud Wassim

    19 h 41, le 13 juillet 2023

  • C’est con … elle a été jugée sous l’air pardon l’ere Berry/Mikati pas Aoun … donc jusqu’à la fin des temps c’est la faute à Michel Aoun si Berry et Mikati ont été imposés ? .. yalla ncore une guignol

    Marc C

    19 h 41, le 13 juillet 2023

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