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Moyen-Orient - FOCUS

Entre Israël et le Maroc, le présage d’une première extradition politique

Accusé par l’État hébreu d’être impliqué dans une explosion à Nazareth en 2021, le Palestinien d’Israël Nassim Khalibat risque l’extradition. La décision du ministère marocain de la Justice est attendue, alors que les deux pays renforcent leur coopération sécuritaire.

Entre Israël et le Maroc, le présage d’une première extradition politique

Le ministre de la Défense israélien Benny Gantz et le ministre des Affaires étrangères marocain Nasser Bourita à Rabat, en novembre 2021. Archives AFP

Dans une lettre envoyée la semaine dernière au Premier ministre marocain Aziz Akhannouch, l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH) soutient que l’extradition violerait les dispositions de l’article 3 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1993 : « Aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. » En vertu de leurs obligations internationales, cela rendrait les autorités marocaines responsables de l'intégrité physique et de la sécurité de Nassim Khalibat, palestinien d’Israël.

Poursuivi pour « port d’arme sans autorisation légale », « tentative de destruction de biens par explosif » et « entrave à la justice » par les autorités israéliennes, le jeune homme de 21 ans risque quinze ans d’emprisonnement. Détenu à Salé depuis son arrestation en janvier dernier au moment de son arrivée à Rabat, Nassim Khalibat serait impliqué avec son frère et un autre parent dans l’explosion d’un engin au ministère israélien de la Santé à Nazareth, en 2021. Les deux autres hommes sont actuellement jugés dans la même ville.

Une décision judiciaire marocaine a validé la demande d’extradition de l’État hébreu, mais elle reste en attente d’une confirmation du ministère de la Justice. Le Makhzen, le palais royal marocain, ne s’est pas non plus exprimé sur le sujet.

L’affirmation d’une coopération sécuritaire

Si l’Etat hébreu émet cette première demande d’extradition d’un citoyen arabe depuis les accords d’Abraham (20 décembre 2020), c’est parce que les deux pays s’avancent depuis la normalisation vers un partenariat en matière sécuritaire. En novembre 2021 déjà, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, avait signé un mémorandum d’entente (MoU) avec son homologue marocain Abdellatif Loudiyi, le premier accord de ce type entre Israël et un État arabe. Cet accord-cadre avait formellement lancé la coopération sécuritaire « sous tous ses aspects » entre les deux pays face aux « menaces et défis dans la région ». Une ligne directrice impulsée un an à peine après la normalisation de leurs relations, prévoyant entre autres l’acquisition par le Maroc de technologies de l’industrie militaire israélienne. 

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L’été dernier, la visite remarquée de Kobi Shabtai, premier chef de la police israélienne à se rendre dans le royaume chérifien, avait confirmé les efforts de coopération sécuritaire entre les deux pays. Mais, pour l’heure, aucun traité d’extradition n’a été formellement signé. Les seules convergences qui avaient alors été trouvées concernaient le partage d’informations et de technologies dans la lutte contre la criminalité et le terrorisme, ainsi que l’expulsion de contrevenants. Ce qui n’empêche pourtant pas l’État hébreu de formuler aujourd’hui une première demande officielle d’extradition d’un citoyen arabe.

En août 2022, le mafieux fugitif israélien Golan Avitan avait été arrêté au Maroc pour immigration illégale et possession d’un faux passeport. Soupçonné d’avoir été impliqué dans un attentat à la bombe meurtrier en 2003 à Tel-Aviv visant Zeev Rosenstein, une figure de la pègre, les autorités marocaines l’avaient finalement expulsé du territoire chérifien avant que la police israélienne ne l’arrête à l’aéroport de Tel Aviv. 

L’horizon de Néguev

Aujourd’hui, si le cas de Nassim Khalibat inquiète autant, c’est qu’à son extradition pourrait se greffer un motif politique, puisqu'il serait le premier Palestinien d’Israël à faire l’objet d’une demande d’extradition de l’État hébreu envers le Maroc. Si le mobile de l’explosion à Nazareth en 2021 reste incertain, comme l’avance le Service de sécurité intérieure israélien qui évoque un différend plutôt qu’un « problème israélo-arabe », des organisations propalestiniennes de la société civile marocaine comme l’OMDH s’inquiètent d’une décision du gouvernement en faveur d’une extradition.

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Reste que l’acte sécuritaire de la normalisation israélo-marocaine s’impose comme un pan important du dégel acté depuis les accords d’Abraham de 2020. Un rétablissement des liens diplomatiques poussé par la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental par les États-Unis sous l’administration Trump. Le Maroc était alors devenu le troisième pays arabe après les Émirats arabes unis et Bahreïn à normaliser ses relations avec l’État hébreu sous l’impulsion américaine.

Un rapprochement que 69 % des Marocains rejetaient en 2022 selon un sondage d’Arab Barometer. Mais la perspective d’une reconnaissance israélienne de la souveraineté de Rabat sur le territoire du Sahara occidental, revendiqué par le Front Polisario soutenu par l’Algérie, reste attractif pour une large partie de la population du royaume.

En septembre ou octobre 2023, Israël devrait annoncer sa position sur ce dossier, attendue lors du Forum du Néguev. Le sommet, qui pourrait être rebaptisé « Association of Middle East and North African Countries » (Amena), réunirait pour sa deuxième édition les ministres des Affaires étrangères d'Israël, des États-Unis et de pays arabes ayant normalisé leurs relations avec l’État hébreu. L’accélération de la colonisation israélienne en Cisjordanie et l’escalade de la violence à l’encontre des Palestiniens des territoires occupés avaient poussé le roi du Maroc Mohammad VI à repousser à plusieurs reprises sa tenue, réaffirmant son soutien « constant et clair à la cause palestinienne ». Un soutien qui n’a fait que décélérer un processus engagé vers une coopération accrue entre les deux pays, mais qui se confirmera peut-être dans les prochaines semaines par l’extradition inédite du Palestinien d’Israël par le royaume chérifien.

Dans une lettre envoyée la semaine dernière au Premier ministre marocain Aziz Akhannouch, l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH) soutient que l’extradition violerait les dispositions de l’article 3 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1993 : « Aucun État partie n'expulsera, ne...

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