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Moyen-Orient - CONFLIT

Un rapport pointe le rôle du régime syrien dans la création des "chabbiha"

Le gouvernement syrien aurait "planifié, organisé, établi et déployé" ces milices. 

Un rapport pointe le rôle du régime syrien dans la création des

Un incendie et de la fumée noire s'échappant après une frappe russe à Idleb en Syrie, le 25 juin 2023. Photo Abdulaziz KETAZ / AFP

Au cours des premières années du conflit en Syrie, de hauts responsables gouvernementaux ont créé et dirigé des groupes paramilitaires connus sous le nom de chabbiha pour aider l'État à réprimer les opposants, selon des chercheurs sur les crimes de guerre.

Dans un rapport, la Commission pour la justice internationale et la responsabilité (CIJA) a publié sept documents, qui, selon ses chercheurs, montrent que les plus hauts niveaux du gouvernement syrien "ont planifié, organisé, établi et déployé" les chabbiha depuis le début de la guerre en 2011. En 2012, les chercheurs de l'ONU avaient conclu qu'il y avait des motifs raisonnables de croire que les milices chabbiha avaient commis des crimes contre l'humanité, notamment des meurtres et des actes de torture, et des crimes de guerre tels que des arrestations et des détentions arbitraires, des violences sexuelles et des pillages.

Les documents collectés par la CIJA ne contiennent néanmoins pas d'ordres écrits directs pour commettre des atrocités. Le gouvernement syrien n'a pas répondu à une demande de commentaire de Reuters. Damas avait précédemment accusé des combattants de l'opposition de plusieurs massacres mentionnés dans le rapport de la CIJA. Le gouvernement n'a pas fait de commentaire public sur les chabbiha (fantômes en arabe), ni sur le fait qu'il ait joué un rôle dans l'organisation des groupes.

Dès janvier 2011 - les premiers jours des protestations contre le régime du président syrien Bachar el-Assad - les documents détaillent la création de dénommés Comités populaires. Ces groupes incorporaient dans l'appareil de sécurité des partisans du régime déjà connus sous le nom de chabbiha, les ont entraînés, instruits et armés, selon le rapport.

"Plus haut organe de sécurité nationale du gouvernement syrien"

Parmi les documents, des instructions datant du 2 mars 2011 données par le renseignement militaire aux autorités locales via des comités de sécurité gérés par des dirigeants du parti Baas d'Assad, afin de "mobiliser" des informateurs, des organisations de terrain et des soi-disant amis du gouvernement Assad. Dans d'autres documents datant d'avril, il leur est ordonné de les rassembler pour former des Comités populaires.

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Adressées à ces derniers, d'autres instructions encore, datant d'avril, mai et août 2011, émanent du Comité central de gestion des crises (CCMC) nouvellement créé, un mélange de forces de sécurité, d'agences de renseignement et de hauts responsables qui relevaient directement d'Assad, selon le rapport. L'une des premières directives du CCMC, datée du 18 avril 2011 et reprise dans son intégralité dans le rapport, ordonnait aux Comités populaires d'être formés sur la manière d'utiliser les armes contre les manifestants, ainsi que sur la façon de les arrêter et de les remettre aux forces gouvernementales.

Des milices "dès le premier jour"

En 2021, dans le cadre d'une affaire judiciaire contre un responsable des services de renseignement syriens, un tribunal régional allemand a déclaré dans son jugement que le CCMC avait été créé en mars 2011, rendant des comptes à Assad en tant qu'organe ad hoc composé de hauts dirigeants des forces de sécurité.

Deux ans plus tôt, un tribunal de district américain a conclu dans une affaire civile qu'Assad lui-même avait créé le CCMC, que le tribunal a qualifié de "plus haut organe de sécurité nationale du gouvernement syrien", "composé de hauts responsables du gouvernement". 

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Le rapport s'appuie sur des dizaines de documents qui ont été récupérés au sein de bâtiments gouvernementaux ou militaires après que certains territoires sont tombés aux mains des rebelles. La CIJA n'a pas publié tous les documents cités dans son rapport, affirmant que certains sont utilisés dans des enquêtes en cours dans des pays européens.

Les documents montrent que le gouvernement syrien a créé ces milices "dès le premier jour", plutôt que de s'en remettre à des groupes locaux préexistants, comme le pensaient auparavant certains experts de la guerre syrienne, a déclaré Ugur Ungor, spécialiste des paramilitaires syriens et professeur d'études sur l'Holocauste et le génocide à l'Institut néerlandais NIOD, qui a examiné les documents du nouveau rapport de la CIJA.

Des traces écrites

Certains spécialistes des droits de l'homme qui ont étudié le rôle des chabbiha dans la guerre syrienne affirment que le régime Assad a d'abord utilisé ces groupes pour se distancer de la violence sur le terrain. "Le régime ne voulait pas que les forces de sécurité et l'armée puissent être assimilées à ce genre de choses", a déclaré Fadel Abdul Ghany, président du Réseau syrien pour les droits de l'homme, un groupe de plaidoyer basé au Royaume-Uni.

Si aucun membre des chabbiha n'a été jugé par des tribunaux internationaux, M. Ghany, qui a examiné les documents, a déclaré qu'ils pourraient aider à monter de tels dossiers. "Nous avons ici les traces écrites qui montrent comment ces unités ont été mobilisées", a déclaré à Reuters Nerma Jelacic, l'une des directrices de la CIJA. Organisation à but non lucratif fondée par un ancien enquêteur sur des crimes de guerre, la CIJA est composée d'avocats pénalistes internationaux qui ont travaillé en Bosnie, au Rwanda et au Cambodge. Ses preuves sur la Syrie ont déjà été utilisées dans des procès contre des responsables du régime en Allemagne, en France, en Suède et aux Pays-Bas.

Dans son rapport, la CIJA a cité neuf massacres en Syrie qui impliqueraient des milices pro-gouvernementales, notamment dans le quartier de Karm el-Zeytoun dans la ville de Homs, en mars 2012. Un Syrien, qui a demandé à ne pas être nommé par crainte de représailles contre ses proches vivant encore dans les zones contrôlées par le gouvernement, a déclaré à Reuters que sa femme et ses cinq enfants figuraient parmi les victimes tuées. "Les chabbiha les ont mis contre le mur, ont essayé de les violenter, puis les ont abattus", a-t-il déclaré. À l'époque, il avait rejoint un groupe rebelle et se trouvait dans un quartier voisin, al-Adawiya - où un autre massacre également rapporté par la CIJA venait d'avoir lieu. "Au moment où j'ai appris que mes enfants étaient morts, je tenais dans mes bras un bébé de six mois qui venait d'être tué à al-Adawiya. Je visualisais donc ce qui était arrivé à mes enfants", a-t-il déclaré par téléphone depuis une enclave tenue par les rebelles dans le nord de la Syrie. Reuters n'a pas été en mesure de confirmer son récit de manière indépendante.

Les documents de la CIJA font état de tensions entre certaines branches des forces de sécurité et certains Comités populaires à mesure que les rapports d'abus se sont répandus - mais plutôt que de contenir les milices, les forces de sécurité ont donné des instructions pour ne pas s'y opposer.

L'équipe de la CIJA en Syrie, composée de 45 personnes, a étudié les documents pour apporter des précisions sur la croissance de ces chabbiha, qui sont passés de groupes loyalistes à l'échelle de leur quartier à une milice bien organisée, puis à une aile parallèle de l'armée appelée Force de défense nationale (FDN). 

Bien qu'il n'existe pas de tribunal international chargé de juger les crimes de guerre dans le cadre du conflit syrien, il existe un certain nombre d'affaires relevant de la compétence universelle dans des pays tels que les Pays-Bas, la Suède, la France et l'Allemagne, qui disposent de lois leur permettant de poursuivre des crimes de guerre même s'ils ont été commis à l'étranger. M. Ghany a déclaré que les documents du rapport constituaient des éléments de preuve "nécessaires" pour établir un lien entre les chabbiha et l'État syrien dans les affaires judiciaires internationales. "Ces documents rendent possibles les poursuites légales, notamment si une personne se trouve dans un pays européen", a-t-il affirmé à Reuters. 

Cette information est une traduction d'une dépêche de l'agence Reuters parue en anglais.

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