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Monde - Témoignages

Au cœur des brasiers canadiens, les pompiers internationaux face à un défi titanesque

Impossible de lutter contre tous ces incendies en même temps: il faut en laisser brûler certains, notamment dans les zones peu peuplées, et essayer d'empêcher qu'ils ne se propagent.

Un feu de forêt massif près de Lodgepole, dans la province canadienne de l'Alberta, le 4 mai 2023. Alberta Wildfire/REUTERS

"Imprévisibles", "gigantesques", "hors normes" : les centaines de pompiers internationaux venus prêter main-forte aux Canadiens pour lutter contre les feux sont confrontés à une tâche complexe au coeur de la forêt boréale dévorée par des brasiers incontrôlables et multiples.

Eric Florès n'avait jamais vu cela. Ce matin-là, alors que le chef du détachement des sapeurs français et ses hommes étaient occupés à traiter des fumerolles pour éviter que le feu ne reprenne de l'ampleur... Soudain, une parcelle s'est enflammée derrière eux à 50 mètres de là, au milieu "du vert". "Comme ça brûle sous terre avec les racines, ça peut prendre à des endroits que l'on ne soupçonne pas. C'est très imprévisible et cela peut reprendre très rapidement", raconte-t-il à l'AFP depuis l'Abitibi-Témiscamingue, région dans le nord du Québec très touchée par les feux, où a été déployée la centaine de pompiers français.

Une tâche ardue, exténuante : "c'est un travail de fourmi, on avance mètre par mètre"...  Après avoir été déposés en hélicoptère, il leur faut souvent s'enfoncer plusieurs kilomètres dans une forêt dense avec sur le dos un matériel lourd et volumineux. Tout cela dans une fumée épaisse et nocive, une nuée de moustiques et de mouches noires.

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"Rien à voir avec ce que l'on connaît en France... "Ici, ce sont parfois des murs de flammes de 100 mètres de large, de deux fois la hauteur des arbres", rapporte Eric Florès. Cela représente des incendies parfois 100 fois plus importants que ceux que ces pompiers ont l'habitude d'affronter.

Laisser brûler
"Il y a beaucoup de fumée dans le pays et au-delà, mais ce n'est pas très étonnant quand on voit tout ce qui brûle", renchérit Godefroy, militaire français (qui ne peut donc donner son nom de famille) déployé également au Québec. Et les chiffres donnent en effet le tournis: quelque 500 incendies de forêt sont actifs dans le pays en cette fin juin, dont la moitié est considérée comme hors de contrôle. Et cette crise risque de se poursuivre car le pic de l'été est loin d'être atteint, et succède à un printemps très sec. Impossible donc de lutter contre tous ces incendies en même temps : il faut en laisser brûler certains, notamment dans les zones peu peuplées, et essayer d'empêcher qu'ils ne se propagent. "C'est incroyable la rapidité avec laquelle on peut passer d'un simple charbon brûlant à une flamme en l'espace de quelques secondes", raconte Joseph Romero, pompier costaricain déployé en Alberta dans l'Ouest canadien.

Cette année exceptionnelle donne une idée des défis qui attendent le Canada dans l'avenir puisque le changement climatique accroît la fréquence et l'intensité des feux dans les forêts boréales selon les experts.  Cet anneau de verdure qui encercle l'Arctique - au Canada donc mais aussi en Alaska, en Sibérie et dans le nord de l'Europe - est en effet vital pour l'avenir de la planète.

"Feux qui couvent sous terre"
"Ici, il y a 20 à 30 cm de couche de combustibles sur le sol, ce qui rend le feu plus difficile à contrôler. Il prend sous le combustible et peut se propager sur plusieurs kilomètres", raconte David Urueña, pompier espagnol venu en renfort au Québec. C'est en partie cet humus, caractéristique de la forêt boréale, qui explique les très grands panaches de fumée qui envahissent le ciel canadien depuis plusieurs semaines et atteignent les Etats-Unis et même l'Europe ces derniers jours.

Tout cela est totalement nouveau pour Ditiro Moseki, pompier sud-africain à pied d'oeuvre dans l'ouest canadien. "Chez nous, c'est beaucoup plus facile. Ici, nous devons creuser pour atteindre les feux qui couvent sous terre", explique-t-il. "A cause des températures élevées et des vents forts, sur le terrain si vous arrivez tôt à 8 heures, vous verrez de la fumée, à 10 heures cela s'intensifie et à 14 heures, c'est fini, il est quasiment impossible de continuer à travailler car ça reprend", complète Ongezwa Nonjiji, cheffe de l'équipe sud-africaine, frappée par la densité de la fumée. 

S'ils font attention au sous-sol, le danger peut aussi parfois venir du ciel, avec des feux de cimes. "Une chose qui me surprend, c'est que les arbres verts brûlent. Les conifères brûlent à cause de leur résine", constate Cindy Alfonso, venue elle aussi du Costa-Rica pour prêter main-forte aux pompiers canadiens.

Les conifères contiennent en effet beaucoup de sève, qui agit comme un accélérateur pour les incendies de forêt en projetant des flammes très hautes qui peuvent traverser les routes et d'autres obstacles. Autre particularité de cette forêt du nord qui a de lourdes conséquences environnementales: elle relâche 10 à 20 fois plus de carbone par unité de zone brûlée que d'autres écosystèmes. En relâchant du gaz à effet de serre dans l'atmosphère, ces incendies contribuent en retour au réchauffement de la planète, un cercle vicieux.

"Imprévisibles", "gigantesques", "hors normes" : les centaines de pompiers internationaux venus prêter main-forte aux Canadiens pour lutter contre les feux sont confrontés à une tâche complexe au coeur de la forêt boréale dévorée par des brasiers incontrôlables et multiples.

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