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Lifestyle - Diaspora

Un peu du Liban chez CARMEN à Amsterdam

Dans cette maison d’hôte, cette boutique et ce café nichés sur le bord d’un canal d’Amsterdam, Carmen Atiyah De Beats et son mari Joris ter Meulen Swijtink ont créé un espace pluridisciplinaire, caressé par un vent du Liban...

Un peu du Liban chez CARMEN à Amsterdam

CARMEN, maison d’hôte, boutique et café aux parfums du Liban. Photo DR

Il est vrai que sur papier, elle n’est pas officiellement libanaise, à cause de nos révoltantes lois qui jusqu’à ce jour empêchent une femme libanaise de transmettre sa nationalité à ses enfants. Sauf que Carmen Atiyah De Beats, qui emploie le nom de famille de sa mère (Mariam Atiyah) autant que celui de son père, n’a pas besoin que du sang libanais coule sur le versant paternel de son arbre généalogique pour qu’elle ressente cette connexion viscérale au pays, et en tout cas cette légitimité d’en être une enfant, une citoyenne.

Clins d’œil au Liban dans la décoration de CARMEN. Photo Maxime van Namen

« Mes plus beaux souvenirs sont ceux que je garde du Liban, de nos vacances d’été et de Noël qu’on passait systématiquement là-bas. Et puis avoir une mère libanaise, être quotidiennement confrontée à sa force qui est un peu celle de toutes les femmes libanaises, tout cela, c’est avoir le Liban à la maison, même en en étant physiquement loin », dit celle qui est née et a grandi à Amsterdam, et qui se considère comme le produit de ces deux cultures. Preuve en est, il suffit de pousser la porte de CARMEN, la maison d’hôte accompagnée d’une boutique et d’un café que Carmen Atiyah De Beats a cofondés, en 2021, avec son mari Joris ter Meulen Swijtink dans deux maisons de canal gémellaires, pour avoir l’impression d’être, certes, au cœur d’un bijou architectural hollandais du XVIIe siècle, mais où mystérieusement flotte un petit quelque chose du Liban.

Carmen Atiyah De Beats et son mari Joris ter Meulen Swijtink, le duo derrière CARMEN. Photo Maxime Van Namen

Être fière de son appartenance

Le week-end des 17 et 18 juin, la boutique CARMEN lance une ligne de produits ramenés du Liban et, en même temps, le duo de Libanaises Toutia (qui créent des expériences culinaires depuis Paris) est invité à être aux manettes du café de l’établissement. Une occasion pour Carmen Atiyah De Beats de nous parler, en ayant l’air de ne pas pouvoir s’arrêter, de cet esprit du Liban qu’elle tente d’insuffler dans son projet, « une culture où la générosité, le partage et l’hospitalité sont, malgré toutes les difficultés, profondément ancrés à la fois dans notre histoire et dans les histoires que nous ont racontées nos parents ». Elle commence par justement nous raconter la rencontre de ses parents au Liban en 1989, alors que son père Luc, hollandais d’origine, y passe deux années dans le cadre d’une mission de paix des Nations unies où il officie à l’époque.

La maison d’hôte CARMEN à Amsterdam, charme et caractère. Photo Maxime van Namen

« Le Liban restera toujours pour moi un lieu d’amour complètement magnétique. Le plus fou, c’est que mon père était tombé amoureux de ce pays où il avait pourtant été témoin des pires horreurs de l’homme. C’est lui qui voulait que l’on y retourne au moins deux fois par an, dès lors que mes parents se sont mariés », dit Atiyah De Beats, des larmes lui montant aux yeux tandis qu’elle se souvient des détails de l’appartement de sa grand-mère, « de sa force et en même temps sa douceur », dans l’immeuble familial de Mansourieh, et qu’elle évoque les souvenirs du 4 x 4 de son grand-père qu’ils remplissaient ensemble, tous les dimanches, de légumes frais, de manakich de la boulangerie d’à côté et de friandises de chez l’épicier du quartier. Et de nuancer : « Ma mère a pendant très longtemps refusé de parler du Liban, c’était comme un rêve mort pour elle, qui lui faisait très mal. Mais très vite, on s’est mis à me raconter ce pays que je connais aussi beaucoup à travers ces histoires. » C’est pourtant à Amsterdam qu’elle rencontre à l’âge de 16 ans Joris, son premier amour, et surtout celui dont elle partage la vie jusqu’à présent.

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Quelques années plus tard, de 2014 à 2019, ils emménagent à Londres où Carmen fait d’abord ses armes à la SOAS (School of Oriental and African Studies) en Middle Eastern History & Art History. « Ça a toujours été compliqué d’être originaire du Moyen-Orient, mais c’est une chose qui m’a bizarrement poussée à être d’autant plus fière de mes racines », affirme-t-elle, précisant que par la suite elle travaillera au sein de l’agence créative Proteins avant de rejoindre l’agence de relations publiques en mode Karla Otto. « Mon intérêt pour la mode m’est venu en observant les femmes de ma famille. Ce style si précis et leurs photos dans les années 80 qui m’obsèdent. » De son côté, son diplôme en Liberal Arts et Sociology plié, Joris ter Meulen Swijtink se tourne très vite vers la cuisine, avec un rêve lui trottant au fond de l’esprit. Il travaille au River Café, chez Mayfield, Terroir, de St. John, et cofonde le restaurant Ellery qui obtiendra même une étoile Michelin. « À la mort de sa grand-mère, en 2010, Joris avait hérité de cette maison classée de 1670 sur le canal, et pendant longtemps nous avions fantasmé le projet d’en faire une maison d’hôte où Joris s’occuperait de la cuisine et moi de l’aspect créatif. Mais c’était comme un rêve d’adolescence, jamais je n’aurais pensé que cela se réaliserait aussi vite », raconte Carmen Atiyah De Beats.

Des chambres à la fois simples et élégantes. Photo tirée du compte Instagram @carmen.amsterdam

Clins d’œil au Liban

Après leur mariage au Liban en 2019, Carmen et Joris reviennent à Amsterdam où ils s’attellent aussitôt au chantier de CARMEN. « On a tout fait nous-mêmes, en plein confinement. Joris, qui a également une formation d’architecte, dessinait et exécutait toutes les idées que nous avions pour les chambres, la cuisine et les espaces communs. D’un côté, on a beaucoup puisé dans les meubles laissés par sa grand-mère, dont nous avons conservé beaucoup comme ses bars encastrés. Et nous avons simplement marié cela à des meubles chinés par nous », explique Carmen Atiyah De Beats. Un an plus tard, la première cliente loge chez CARMEN, cette maison d’hôte sur cinq niveaux, avec ses deux chambres et sa suite phénoménale où trône en plein milieu une baignoire façon hammam turc, ses voûtes blanches, ses escaliers en moquette vert eau aux rampes en bois sculpté, son marbre grimpant des sols aux murs et, à l’étage du bas, une cuisine-salle à manger qui s’ouvre sur un jardin où, comme par magie, nous reviennent les images des jardins des maisons traditionnelles libanaises.

La boutique et ses produits choisis du Liban. Photo DR

« L’idée n’était pas d’avoir des influences évidentes du Liban, mais plutôt des clins d’œil, comme le sofa de notre espace d’accueil qui a été inspiré par celui de notre amie Nayla Audi, et qui rappelle un peu les sofas des maisons de nos grands-parents. Également la terrasse qui mime un peu les aa’dé aarabiyé, avec ses sièges en pierre », affirme la cofondatrice de l’établissement. « Dès le départ, nous n’avons pas voulu restreindre l’espace à seule une maison d’hôte. Au fil du temps, CARMEN est devenue un lieu pluridisciplinaire où nous organisons des projections de films dans la cinéma room ; des lancements de livres comme celui de Middle East Archive, An Archive of Love ; des dîners de mode comme ceux des marques Renaissance et Super Yaya fondées par des Libanaises, mais aussi des mariages », poursuit-elle. Un an après l’ouverture, elle fondera dans l’immeuble adjacent une boutique et un café (cornaqué par Joris ter Meulen Swijtink) conçus avec l’aide de l’architecte d’intérieur Elliott Barnes. C’est justement dans ces espaces que les 17 et 18 juin, Carmen et Joris ont lancé un projet consacré au Liban et que Carmen raconte de la sorte : « Dès le départ, le projet CARMEN était imprégné de cet esprit d’accueil libanais, mais, alors que nous nous lancions dans notre nouvelle aventure avec la boutique, j’aspirais à insuffler encore plus de Liban dans notre projet. C’est devenu pour moi un moyen de renouer avec mes racines et, en même temps, de faire découvrir à nos invités et clients la beauté et certains héritages du Liban. Au sein de notre boutique, nous visons à montrer ce que le Liban représente vraiment. Chaque produit que nous avons soigneusement sélectionné pour ce projet agit comme un héritage, racontant l’histoire du temps, une histoire dont seuls quelques esprits se souviennent. »

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Tandis que le binôme de Toutia officiait tout le long de ce week-end dans la cuisine du café, sur les étagères de la très belle boutique, on pouvait retrouver de la poterie du village d’Assia, au Liban-Nord, des récipients et carafes en verre soufflé de Sarafand, des savons à l’huile d’olive de Tripoli et une série de pantoufles Relaxe, « des pantoufles nostalgiques du Liban, trouvées dans la petite boutique de Mimi à Kaslik. Ces pantoufles qui faisaient partie intégrante de toutes les tenues d’été des femmes et des filles libanaises des années 80 et 90 nous ramènent à nos étés libanais insouciants, chaotiques et chaleureux, de jour comme de nuit ». Et c’est un peu ça, en fait, la magie de CARMEN. Retrouver, en plein cœur d’Amsterdam, un fragment du Liban…

* CARMEN guesthouse, shop and café, Keizersgracht 600-602, Amsterdam, Pays-Bas.

Il est vrai que sur papier, elle n’est pas officiellement libanaise, à cause de nos révoltantes lois qui jusqu’à ce jour empêchent une femme libanaise de transmettre sa nationalité à ses enfants. Sauf que Carmen Atiyah De Beats, qui emploie le nom de famille de sa mère (Mariam Atiyah) autant que celui de son père, n’a pas besoin que du sang libanais coule sur le versant paternel de...

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