« À la fin des années 1950, l’entrepreneur irlandais-américain Jack McDonnell déménage sa famille à Calgary dans l’espoir de créer un empire de la restauration rapide et de battre l’autre restaurant “Mc” en plein essor au Canada. La marque Burger Baron a prospéré, puis a déclaré faillite en 1961 pour être revitalisée, mais sans doute pas de la même manière que son fondateur aurait pu le prédire.
Ce synopsis pourrait être le « prequel » de l’histoire de Omar Mouallem, fils d’immigrants libanais à Alberta (Canada), mais surtout fils du premier baron de la mafia du burger. Sauf que ce n’est pas un film de fiction, mais une histoire réelle, relatée aujourd’hui dans un film-documentaire intitulé Lebanese Burger Mafia.
Manger vite et vivre vite
« Je suis né à Alberta (Canada), raconte Omar Mouallem. Issus de la région de Kab Élias, mon père y a émigré en 1975 et ma mère en 1980. Je suis quasiment né dans ce restaurant appelé Burger Baron. Mes parents m’installaient sur une chaise d’enfant pour croquer sagement mes frites pendant qu’ils travaillaient. Je pense donc que je suis le plus habilité à faire ce film. Les Mouallem ont ouvert en 1985 ce restaurant afin de pouvoir assurer la sécurité financière et sociale de leurs enfants qu’ils avaient perdue au Liban. C’était une affaire de famille que beaucoup d’autres immigrants libanais avaient parsemée dans d’autres régions du Canada. On pouvait compter à l’époque une cinquantaine de ces restaurants fast-food. Burger Baron a toujours fait partie de ma vie, mais je n’aurais jamais pensé sérieusement que j’en ferai un film. Durant mes voyages intérieurs au Canada, mon père s’arrêtait toujours devant une filiale de la chaîne pour déjeuner ou dîner. Je ne comprenais pas pourquoi nous n’allions pas dans d’autres restos puis je me suis rendu compte que cette franchise était toujours gérée par un Libanais. Il avait donc envie de voir ses amis libanais. »
C’est plus tard, en 2013, quand Omar Mouallem est devenu journaliste, qu’il écrit un article dévoilant la vérité derrière les Burger Baron. « L’histoire devint très populaire. On s’en souvient d’ailleurs jusqu’à maintenant. L’idée du court-métrage a germé en 2021 à l’époque de la pandémie. » Quatre mois plus tard, le documentaire (The Last Baron) est terminé. Il recueille un grand succès sur CBS et sur Twitter. Mais il y avait encore tellement d’histoires à raconter que le réalisateur pense en faire un long format. « Nous avons donc continué à tourner et à lever des fonds pour un long-métrage. Le crowdfunding a été une réussite, et nous avons même pu avoir un sponsor, Kyle Johnson, un joueur de basket-ball canadien qui a été emballé par ce projet. »
Tout le secret est dans la sauce
The Lebanese Burger Mafia est un road-movie, une aventure qui allie les paysages des grands espaces canadiens et les huis clos familiaux. « Nous avons passé beaucoup de temps sur la route à enquêter sur ces barons du burger qui avaient des recettes, certes pas complètement identiques, mais unies par une même formule jalousement gardée de sauce magique. » Et de poursuivre : « À son apogée, Burger Baron comptait plus de 50 succursales grâce à une vague d’immigrants libanais arrivés tout au long des années 1970, et devenus propriétaires et exploitants indépendants de l’enseigne Burger Baron dans plusieurs petites villes d’Alberta. Actuellement, il y en a plus de 25. »
Pour découvrir les origines mystérieuses du restaurant, l’écrivain et réalisateur Omar Mouallem – qui est l’héritier du trône du Burger Baron – fait la tournée des restaurants jusque dans les petites villes. En cours de route, il rencontre des dizaines de familles libanaises, comme la sienne, qui ont élevé leurs communautés avec les secrets commerciaux du restaurant, tout en se disputant les droits de marque d’une entreprise qu’aucune d’entre elles n’a créée.
À travers cette chaîne de restauration rapide, il découvre ses origines et ses liens avec la diaspora libanaise. Alors que les propriétaires et leurs descendants réfléchissent aux opportunités et aux obstacles de leurs entreprises familiales, le documentariste célèbre cette expérience d’immigrant unique. « Ce film est une lettre d’amour adressée aux émigrés libanais et à tous les Libanais. Oui, nous avons nos défauts, dit-il, et il est souvent très difficile de traiter avec nous, mais l’indépendance, la volonté et le savoir-faire dont nous faisons preuve ne peuvent être qu’une inspiration pour les générations futures. Certes, les jeunes ne vont pas tous prendre la relève, ils vont sans doute trouver des opportunités plus lucratives, mais il est évident que la lutte de leurs parents pour se trouver un coin au soleil aura été un modèle pour eux. »
Après sa première au festival Hot Docs, à Toronto, The Lebanese Burger Mafia a reçu une mention honorable au Festival du film arabe de Toronto et récolté le prix du public au Festival du film d’Alberta. Il a même réussi à signer avec un distributeur pour le Moyen-Orient. « J’espère qu’il sera projeté un jour au Liban », conclut Omar Mouallem.
Je n’ai pas compris le sens de mafia dans cette histoire.
12 h 31, le 21 juin 2023