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Culture - Théâtre

Philippe Aractingi sur scène : Je vais confier au public combien de fois je suis tombé

Sous la direction de la metteuse en scène Lina Abyad, il passe pour la première fois de derrière la caméra sur les planches pour raconter, avec humilité, courage et humour, son parcours de cinéaste. « Sar wa’et el-haki » au théâtre Monnot, du 15 juin au 2 juillet, est une sorte de mémoire de l’existence où Philippe Aractingi met en scène les traces et témoignages divers de son vécu.

Philippe Aractingi sur scène : Je vais confier au public combien de fois je suis tombé

Philippe Aractingi sur les planches, comme un besoin d’arracher les histoires. Photo Marwan Ziadeh

On ne présente plus Philippe Aractingi qui a acquis une large reconnaissance en tant que réalisateur, auteur et producteur franco-libanais, qui a dirigé plus de 50 documentaires et réalisé 4 longs métrages distribués dans le monde et disponibles sur la plateforme Netflix. Sar wa’et el-haki, sa première aventure théâtrale, est un voyage dans le temps enrichi par des projections vidéo, des photos (plus d’une soixantaine), des chansons et des sons qui se mélangent et se répondent.

C’est l’histoire d’un enfant qui ne parlait pas et l’histoire d’un réalisateur qui raconte sa vie en parallèle, mais les parallèles vont par magie se rejoindre, et cet enfant devenu adulte s’avérera être ce nouvel acteur sur les planches qui affronte le public du théâtre pour la première fois avec une pièce qui l’oblige à explorer des territoires intimes difficiles.

Philippe Aractingi et Lina Abyad, une nouvelle aventure théâtrale. Photo Marwan Ziadeh

« Je veux parler du fait que je ne parlais pas »

Pour Lina Abyad, metteuse en scène de Sar wa’et el-haki, il n’y a pas de différence entre le théâtre et le cinéma pour s’exprimer. Deux médiums qui ont beaucoup de points communs, et lorsqu’un artiste a quelque chose à dire, il peut bouger d’un médium à l’autre.

Lorsque Philippe Aractingi, au début du confinement, contacte Lina Abyad et lui avoue son désir et son envie de faire du théâtre, elle ne reste pas indifférente à cet aveu. « Passionnée de théâtre, dit-elle, je suis toujours troublée et très touchée lorsqu’une personne me fait cette confession. » Et lorsque le réalisateur lui confie le fondement de son projet, la metteuse en scène est séduite par le thème tout comme par l’écriture ; elle dit « Banco ! » sans hésiter. « À partir de là, confie-t-elle, on a commencé à se voir plus régulièrement pour travailler. On a fait évoluer le texte, construit les personnages – car il y en a plusieurs, que l’acteur campe –, réfléchi la mise en scène. Nous étions en osmose, comme alignés pour travailler ensemble. »

Pour Lina Abyad, il n’y a pas de petites ou de grandes histoires, il y a des histoires tout court qui ont chacune leur importance. « Ce qui m’intéresse, c’est l’envie de raconter une histoire, car chacun de nous cherche continuellement à s’exprimer, et c’est profondément humain. Quand il y a du désir, il y a une force, mais il faut aussi du courage, de l’humilité et la capacité de se remettre en question. Un artiste ne doit pas forcément réussir à dire les choses correctement à chaque fois, mais la sincérité et le fait de tenter l’expérience comptent. » La metteuse en scène évoque Émilie Nasrallah et son dernier texte essentiel dans la littérature libanaise où elle revient sur sa première demeure et tous les personnages qui l’ont traversée. Il n’est pas sans lui rappeler l’initiative de Philippe Aractingi. Il y a quelque chose de l’ordre de la mémoire où il revient là où tout a commencé avec son envie de s’exprimer.

Le réalisateur-acteur en répétition face à la metteuse en scène Lina Abyad. Photo MFG Consulting

Défaire tous les nœuds

« Car il s’agit bien de la non-parole, intervient Philippe Aractingi. Enfant, j’étais dyslexique. J’ai pris la parole vers l’âge de cinq ans et j’ai doublé la onzième. Plus tard, en classe, quand l’envie de m’exprimer me prenait, les jésuites, qui n’étaient pas l’exemple parfait de pédagogie, me lançaient : « Regarde ton livre et tais-toi. » Avec Sar wa’et el-haki, il est venu, pour le réalisateur, le temps de parler, parler et raconter, parler de la difficulté de parler, parler pour se décharger, parler pour s’alléger, parler pour avancer. Pour aller jusqu’au bout, le réalisateur, auteur-acteur monte sur scène et parvient à retrouver ce petit enfant qu’il était…Philippe Aractingi, comme dans une mise à nu, va mettre en exergue ses chutes, ses échecs, ses tentatives échouées, les fardeaux qu’il n’arrive pas à lâcher, mais raconter aussi les deuils qu’il n’arrive pas à faire. « C’est une dépossession progressive assez violente, soulève la metteuse en scène, on est d’abord en tête à tête avec soi-même et puis on va devoir le partager. » « Je vais confier au public combien de fois je suis tombé, enchaîne l’auteur-acteur. J’ai tenté la musique, j’ai tenté la photo, étant petit, j’ai été brimé, j’étais perdu dans les différentes langues que l’on parlait, et ce nœud que j’essayais au départ d’ignorer, aujourd’hui je le défais. Les histoires sont comme un oiseau extérieur qui se pose sur votre épaule et vous chuchote le narratif, et si vous n’arrivez pas à les raconter, elles vous possèdent et vous avez besoin de les arracher. »

Pour mémoire

Philippe Aractingi : quand la ligne de démarcation devient un trait d’union


Pour Lina Abyad, nous vivons dans un siècle où l’on n’évoque que les personnes qui ont réussi, qui ont amassé des richesses, du succès, de la notoriété, des terrains, des diplômes, alors que ce qui est plus intéressant, c’est le chemin que les gens parcourent qui est toujours plus riche que l’aboutissement. Combien de fois ont-ils été obligés de recommencer ? Combien de fois sont-ils tombés, comment sont-ils arrivés à réaliser de grandes choses avec peu de moyens, surtout dans cette partie du monde et à Beyrouth où tout se désintègre en permanence ? Mettre en scène un conflit, une lutte, voilà ce qui fait la richesse du théâtre. La démarche intimiste de l’artiste et l’unité entre l’auteur, le narrateur et le personnage qui s’exprime peuvent nous amener à qualifier son travail d’autobiographique. Le spectateur est amené à considérer cette œuvre comme les fragments de vie de l’artiste, qui signe ainsi avec son spectateur une sorte de « pacte autobiographique ».

Fiche technique

Sar wa’et el-haki avec Philippe Aractingi ; du 15 juin au 2 juillet (de jeudi à dimanche).

Auteur : Philippe Aractingi.

Mise en scène : Lina Abyad.

Scénographie : Hassan Sadek.

Coproduit par Fantascope Production- Philippe Aractingi & MFG Consulting Consulting - Michele Fenianos.

Chorégraphie : Mazen Kiwan.

Musique : Majed Kfoury| Joseph Haddad.

Directeur photographique : Marwan Ziadeh.

Billets en vente à la librairie Antoine.

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