
Les évêques Maroun Ammar et Boulos Abdel Sater s’entretenant avec le président de la Chambre, Nabih Berry, à Aïn el-Tiné, vendredi. Photo Hassan Ibrahim/ Parlement libanais
Plus que quatre jours. Dans la perspective de la douzième séance parlementaire consacrée à l’élection du président de la République, prévue mercredi 14 juin, tous les protagonistes sont engagés dans une bataille pour les scores, au moment où Bkerké poursuit ses efforts afin de paver la voie à un dialogue élargi autour de la présidentielle, comme l’avait annoncé le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, à l’issue de son déplacement au Vatican et à Paris, il y a une dizaine de jours.
C’est dans le cadre de cette initiative qu’il convient d’inscrire la réunion, vendredi à Aïn el-Tiné, entre le président de la Chambre, Nabih Berry, et les évêques maronites de Beyrouth et de Saïda, Boulos Abdel Sater et Maroun Ammar. Un entretien qui est intervenu quelques jours après les piques lancées par le chef de l’Église maronite contre M. Berry et sa gestion du dossier présidentiel. La réunion est également intervenue une semaine après une rencontre entre Mgr Abdel Sater et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Ce dernier en avait saisi l’occasion pour réaffirmer devant son hôte le soutien du parti de Dieu au chef des Marada, Sleiman Frangié. Une position que M. Berry aurait réitérée hier. Le tandem chiite s’était d’ailleurs engagé à prendre part à la séance de mercredi et glisser le nom du zaïm de Zghorta dans l’urne.
L’opposition : 62 voix pour Azour ?
En face, le camp de l’opposition – qui est parvenu à une entente avec le Courant patriotique libre autour du nom de Jihad Azour, ancien ministre des Finances et haut cadre au sein du Fonds monétaire international – dit avoir le vent en poupe, surtout après la décision du rassemblement joumblattiste de soutenir l’option Azour. Une décision prise quelques heures après une réunion du leader druze Walid Joumblatt avec les deux émissaires de Bkerké, jeudi, en présence de Taymour Joumblatt, député du Chouf. « Les discussions ont porté sur la nécessité de parvenir à un dialogue autour de la présidentielle », confie à L’Orient-Le Jour une personnalité présente à la réunion qui a requis l’anonymat.
Le choix joumblattiste a sans doute musclé le score du haut responsable du FMI. Le porte-parole des Forces libanaises, Charles Jabbour, va même jusqu’à estimer que M. Azour obtiendrait les voix de 62 députés, dont « 15 du CPL (sur 17) », dit-il, alors que le flou semble entourer encore la décision des députés rangés parmi les frondeurs du bloc de Gebran Bassil.
Autre grosse inconnue de la séance : le choix des députés de la Modération nationale (majoritairement sunnites ex-haririens). Ils devraient se réunir aujourd’hui pour annoncer leur décision. Lundi ils se réuniront avec leurs collègues indépendants, Nabil Badre, Imad el-Hout, Neemat Frem et Jamil Abboud pour officialiser la décision.
Parallèlement, un autre groupe de députés indépendants mène des contacts dans la perspective de la séance. Contacté par L’OLJ, Abdel Rahman el-Bizri indique que plusieurs députés indépendants se sont réunis hier avec Ziyad Baroud (ancien ministre de l’Intérieur) en vue de voter pour lui. Selon M. Bizri, Neemat Frem serait également une des options pour ces députés indépendants hostiles tant à Sleiman Frangié qu’à son adversaire Jihad Azour. Sauf que le parlementaire du Kesrouan semble avoir fait son choix, selon une source proche de lui : il votera avec son collègue Jamil Abboud, pour Jihad Azour mercredi. Ce qui pousse Mark Daou, député de la contestation qui avait annoncé l’entente autour de l’ancien ministre des Finances à faire état d’une « atmosphère très positive » après le ralliement de M. Frem. Un constat qui s’applique aussi à « certains parlementaires de la thaoura », selon M. Daou. Il fait fort probablement référence à ses collègues Paula Yacoubian, Ibrahim Mneimné, Firas Hamdane, Yassine Yassine, Melhem Khalaf et Najate Aoun-Saliba, qui devraient officialiser leur position à l’issue d’une réunion dimanche soir, alors que dans certains milieux proches des intéressés on exclut la possibilité de les voir aller à l’encontre de la quasi-unanimité chrétienne autour de Azour. Dimanche aussi, Sleiman Frangié sortira de son silence dans un discours qu’il prononcera à l’issue de la messe commémorant le massacre d’Ehden (13 juin 1978).
Le ralliement des joumblattistes n'était pas gagné. C'est un geste saluable, peut-être à l'initiative de Teymour. Même s'il reste un doute que dans les motivations de ce ralliement figure aussi l'ego du zaïm, à l'instar de Gebran Bassil. Le Hezb a sans doute sous-estimé cet ego de ses chevaux de Troie qui est plus fort (pour les aounistes en tous cas) que leur allégeance au Hezb et à son entité étrangère ennemie NUMÉRO UN du Liban. Bassil (comme Joumblatt) avaient été les premiers à évoquer la candidature de Azour EN TANT QUE candidat de compromis avec le Hezb. Les FL, le bloc du renouveau, les trois députés véritablement "17 octobre" ayant enterré le kellon ya3né kellon et les Kataëb, ont conféré à sa candidature une toute autre portée en l'érigeant en rempart face au dhimmi du tandem chiite. Gebran Bassil ne pouvait plus dire qu'il refuse de soutenir un candidat qu'il a lui-même poussé pour le seul prétexte que le Hezb n'en veut pas. Lui (et peut-être Joumblatt) n'avaient d'autre choix que de rentrer malgré eux en confrontation avec le Hezb ou de perdre leur honneur (et honneur = popularité dans le cas de tels zaïms..) Si Teymour Joumblatt est vraiment à l'origine de l'accord des opposants pour Azour CONTRE Frangié alors c'est un bon premier pas pour que le PSP rentre dans le camp des vrais patriotes et plus des complices inavoués du Hezbollah.
20 h 40, le 10 juin 2023