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Nos Lecteurs ont la Parole

À propos de Baudelaire, des « Fleurs du mal » et de l’intelligence artificielle

Certains poèmes sont d’une telle sublimité qu’ils nous transposent vers un univers parallèle où nous sommes capable de ressentir pleinement les passions ardentes et les émotions ferventes de leurs auteurs. Cependant, pour que cette transposition transcendantale se produise réellement et effectivement, le poète devrait exprimer ses pensées les plus frénétiques et les plus énigmatiques avec élégance et brillance, précision et attention, justesse et adresse.

Prenons l’exemple des Fleurs du mal de Charles Baudelaire, l’un des recueils les plus illustres de l’histoire de la poésie. La genèse des Fleurs du mal est le fruit d’un processus extrêmement laborieux et tumultueux. L’ouvrage a nécessité plus de vingt ans de travail assidu. Sa dimension sulfureuse a choqué le public, déclenchant des scandales tonitruants et des procès retentissants. Cependant, cette œuvre a révolutionné le monde de la littérature et a hissé son auteur au rang des plus grands génies de la poésie française.

Le recueil révèle de manière poignante et probante la nature embrouillée et tourmentée de son auteur. En effet, Baudelaire est désespérément en quête d’adoration et d’affection. Cependant, il est consumé par des sensations d’isolation et de désolation. Pour exprimer au mieux ses sentiments nébuleux et ténébreux, Baudelaire annotait et rectifiait inlassablement chaque infime détail de son œuvre. Cette tâche ardue s’étendait sur de longues et interminables années. Le poète était si méticuleux qu’il en était cérémonieux. Dans l’une de ses corrections, il écrivit la chose suivante : « Enlevez donc cette maudite virgule. » Au final, les mots du poète s’entremêlent divinement pour créer une explosion magistrale d’illusions et d’évasions.

Mais au-delà des détails, Baudelaire était également préoccupé par l’aspect global de son œuvre. Si chaque poème peut être lu de manière indépendante, le message sous-jacent ne se dévoile que si l’on lit l’ouvrage dans son intégralité. C’est dans cette perspective que l’auteur réorganise les différentes parties de son recueil, non pas selon leur production chronologique, mais selon leur évolution thématique. En quelque sorte, il nous raconte son parcours enchevêtré dans la vie, avec ses frustrations, ses tribulations, ses inspirations et ses aspirations. L’aboutissement de ce long processus est la fatalité, en l’occurrence la mort.

La mélodie qui émane des Fleurs du mal reflète le sentiment captivant et pénétrant d’affliction, d’agitation et d’inadaptation qui ébranle le poète au plus profond de son âme. Il se sert donc du spleen (ou le mal de vivre) pour sublimer sa malédiction et la métamorphoser en une extase mystique, à l’instar de l’alchimiste qui manipule la boue pour la transformer en or. D’ailleurs, le titre Les Fleurs du mal suggère que même à partir du mal, on pourrait trouver et cultiver quelque chose de sublime. Donc la beauté est omniprésente, même dans la laideur, la noirceur, la perversion et la dépravation. Il suffit de puiser divinement dans la verve poétique pour lui conférer une transcendante dimension esthétique et extatique, et ainsi atteindre l’idéal tant convoité. On peut également en déduire que la beauté est imperceptible et invisible. C’est sous cette optique que Saint-Éxupéry rejoint la pensée de Baudelaire lorsqu’il énonce la chose suivante dans son délicieux recueil Le Petit prince : « Ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part. »

Il est difficile de concevoir qu’une verbosité produite par l’intelligence artificielle puisse un jour émuler l’élégance et l’éloquence d’une verve issue de la virtuosité humaine. Par analogie, il est difficile d’imaginer qu’une fleur artificielle puisse répliquer la grâce et la classe d’une fleur des champs. L’une est fabriquée par une machine minutieuse, tandis que l’autre est façonnée par une nature capricieuse. L’une est synthétique et classique, tandis que l’autre est authentique et unique. Incontestablement, l’artificiel et le naturel appartiennent à deux univers aussi distincts que lointains l’un de l’autre. C’est pourquoi une œuvre aussi féerique et magnifique que Les Fleurs du mal ne pourrait s’épanouir que dans les tréfonds d’un cœur humain.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Certains poèmes sont d’une telle sublimité qu’ils nous transposent vers un univers parallèle où nous sommes capable de ressentir pleinement les passions ardentes et les émotions ferventes de leurs auteurs. Cependant, pour que cette transposition transcendantale se produise réellement et effectivement, le poète devrait exprimer ses pensées les plus frénétiques et les plus...

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