Une commission du ministère libanais des Affaires étrangères s’est rendue mardi à Paris pour mener une enquête au sein de l’ambassade du Liban en France concernant l’ambassadeur Rami Adwan, accusé de viol et de violences volontaires par deux ex-employées de l’ambassade, a confirmé à L’Orient-Le Jour une source du palais Bustros. La délégation, qui est menée par le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères Hani Chmaytelli, devrait remettre son rapport au ministre sortant des A.E. Abdallah Bou Habib, en vue d’une prise de décision dans cette affaire.
La France a demandé vendredi au Liban de lever l’immunité diplomatique de M. Adwan, mais les autorités libanaises n’ont pas donné suite à cette requête. Une source diplomatique française a indiqué à notre journal que l’expulsion de l’ambassadeur pourrait être la prochaine étape. Nous n’avons pas pu confirmer cette information par le palais Bustros.
Interrogé, l’avocat Antoine Sfeir, expert en droit international, estime que « le Liban ne va sans doute pas accepter de lever l’immunité de Rami Adwan. Si Beyrouth le fait, l’ambassadeur sera alors traduit devant la justice française ». Me Sfeir explique par ailleurs que « la commission dépêchée à Paris devrait suggérer de rappeler le diplomate ».
« Les autorités françaises pourraient bien décider d’expulser l’ambassadeur si le Liban ne lève pas son immunité, mais je pense que la solution sera de rappeler Rami Adwan à Beyrouth », souligne le juriste. « Au cas où l’expulsion finit par être décidée par Paris, M. Adwan sera alors considéré comme persona non grata et devra immédiatement quitter le territoire français », poursuit-il.
Un juriste qui a requis l’anonymat assure également que le Liban se contentera de rappeler l’ambassadeur, sans lever son immunité pour autant. Cette source explique par ailleurs que la commission dépêchée par le palais Bustros ne fait pas partie d’une procédure judiciaire quelconque, mais qu’elle s’inscrit dans le cadre d’une enquête purement interne.
Selon ce juriste, si Rami Adwan est rappelé à Beyrouth, cette action constituera un précédent au niveau des faits qui lui sont reprochés, aucun diplomate libanais n’ayant été démis de ses fonctions jusqu’à présent pour des accusations de viol.
Rami Adwan, qui est ambassadeur du Liban en France depuis 2017, est connu pour être proche du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil. L’ambassadeur fait l’objet d’une enquête des autorités judiciaires françaises, mais il échappe jusque-là à la justice de ce pays, un ambassadeur ne pouvant être arrêté, détenu ou poursuivi devant la juridiction du pays dans lequel il officie, sauf si l’État d’origine décide de lever son immunité, selon les textes réglementaires découlant de la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques.
Dans un communiqué publié samedi, le palais Bustros avait indiqué qu’il allait « envoyer une commission d’enquête dirigée par le secrétaire général du ministère et son directeur de l’inspection à l’ambassade à Paris pour enquêter sur l’ambassadeur et écouter les témoignages des employés de l’ambassade et de ses travailleurs administratifs ».
Les révélations de Mediapart
L’affaire des viols et violences présumés a été révélée au grand public par le site d’information français Mediapart vendredi dernier. Selon le site, une première femme, âgée de 31 ans, a porté plainte en juin 2022 pour un viol commis, selon son récit à la police, en mai 2020 dans l’appartement privé de l’ambassadeur Rami Adwan. Dans sa plainte consultée par l’AFP, cette femme déclare avoir signifié son refus d’un rapport sexuel, avoir crié et pleuré.
La jeune femme, employée comme rédactrice, avait déjà signalé à la police en 2020 que M. Adwan l’avait frappée lors d’une dispute dans son bureau, mais sans porter plainte pour ne « pas briser la vie de cet homme », marié et père de famille. Elle entretenait une « relation amoureuse » avec l’ambassadeur qui exerçait sur elle des « violences psychologiques et physiques avec humiliations quotidiennes ».
La seconde femme, âgée de 28 ans, qui avait noué aussi une relation intime avec le diplomate peu après son arrivée comme stagiaire en 2018, a porté plainte en février dernier pour dénoncer une série d’agressions physiques souvent commises après un refus d’un rapport sexuel. Elle affirme notamment que Rami Adwan a tenté de la percuter avec sa voiture lors d’une dispute en marge du Forum pour la paix à Caen, dans l’ouest de la France, en septembre. Elle accuse aussi l’ambassadeur d’avoir tenté de l’asphyxier chez elle en enfonçant son visage sur son lit, fin décembre.
« Mon client conteste toute accusation d’agressions sous quelque forme que ce soit : verbale, morale, sexuelle. Entre 2018 et 2022, il a eu avec ces deux femmes des relations amoureuses émaillées de disputes et de ruptures », a réagi à l’AFP l’avocat de Rami Adwan, Me Karim Beylouni.
Contacté vendredi par notre publication, l’avocat de M. Adwan a indiqué que son client s’est « largement expliqué sur ces allégations et conteste ces accusations de viol et de coups ». M. Adwan a « expliqué la nature de ces relations, parfois tumultueuses et émaillées de scènes et de disputes. Il est disposé à s’en expliquer le cas échéant », ajoute-t-il dans un message.
Quand on y pense: pourquoi l'affaire est sortie seulement maintenant si ces jeunes femmes ont porté plainte en 2022? Quelqu'un aurait-il intérêt à faire pression sur M. Bassil, via l'un de ses proches, avant la présidentielle?
17 h 12, le 07 juin 2023