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Culture - Musique

Quand oud, riq et violoncelle dialoguent sans traduction

Le groupe Stories Bridging Traditions a donné, il y a quelques jours, un concert à l’Assembly Hall de l’Université américaine de Beyrouth, une performance techniquement impressionnante. 

Quand oud, riq et violoncelle dialoguent sans traduction

Mounir Mahmalat au violoncelle et Ziad el-Ahmadie au oud. Photo DR

Assis devant un café et quelques viennoiseries sur une terrasse de Zaitunay Bay, Mounir Mahmalat affiche un sourire. Le violoncelliste évoque cette ambition et explique ce qui l’a poussé à fonder, avec Ziad el-Ahmadie (oud) et Bahaa Daou (riq), le groupe musical Stories Bridging Traditions.

« Tout a commencé en 2018, raconte-t-il. Ziad et moi étions invités à une résidence d’artistes en Allemagne par le German Academic Exchange Service, dans le but de construire des ponts entre la musique classique européenne et orientale. » À ses débuts, le projet se basait plus sur un travail de recherche minutieux que sur une réelle performance. Une bonne occasion de parfaire les liens entre deux mondes musicaux. Bien que l’exercice semble en apparence simple, compte tenu de l’utilisation du violoncelle dans les performances est-méditerranéennes, il n’en est rien. Cet instrument se doit de rappeler l’Occident, car la prédominance du oud dans la sonorité globale peut faire pencher la balance musicale vers ce que l’on a l’habitude d’entendre au Moyen-Orient. Trouver un équilibre semble alors important, c’est ce que l’on retrouve dans le travail des deux musiciens à leurs débuts. Après un franc succès, ils sont invités quelques mois plus tard par le Zaki Nassif Music Program de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) pour continuer sur leur lancée. C’est à ce moment que Bahaa Daou rejoint le groupe.

Mais pandémie de Covid-19 oblige, ils se voient tous obligés de prendre une pause. « La pandémie était très difficile pour les musiciens, surtout au Liban. Il n’y avait aucun moyen offert par le gouvernement, explique Mounir Mahmalat. Pour les personnes comme Ziad, Bahaa et moi dont le principal revenu vient principalement de leur passion, ça a été très difficile pour nous de continuer à jouer ensemble et de subvenir à nos besoins. » Pour le groupe, les concerts sont l’âme de leur travail, et ne plus pouvoir en organiser a été un coup très dur. Pour pallier l’absence, ils ont sorti en 2022 un album live intitulé Ibhar (Live in Beirut). Pour le moment, Stories Bridging Traditions ne comptabilise qu’une vingtaine d’auditeurs par mois sur les plateformes de « streaming mainstream », en attendant peut-être un gain de popularité lorsque leur premier album studio paraîtra. En attendant, le groupe privilégie les apparitions en live, et le concert du 24 mai a constitué l’occasion pour eux de proposer l’une de leurs performances techniques les plus impressionnantes.

1h30 sans mi-temps

À l’Assembly Hall de l’AUB, le public a pu assister à un savoureux mélange de cultures. El-Ahmadie, d’un geste précis, courbe ses doigts en forme de « C » et pince avec douceur et délicatesse les cordes de son oud. Les yeux rivés sur lui, le violoncelliste n’attend qu’une chose, la note libératrice de sa main anxieuse pour initier sa partie. Lorsqu’elle résonne enfin, il s’empresse de frotter, d’un mouvement de l’avant-bras, les cordes de son instrument qui lui a permis de prendre le large musical.

Le groupe Stories Bridging Traditions sur la scène de l’Assembly Hall de l’AUB. Photo DR

C’est, néanmoins, avec beaucoup d’énergie que la mèche de son archet navigue au-dessus de son chevalet. Daou ne tarde pas à rejoindre le duo voguant sur les eaux, en apparences calmes, de leurs partitions. La peau de ses percussions s’illumine littéralement, une petite lumière est cachée dans la caisse de résonance, rendant cet instant plus magique qu’il ne l’est déjà. « Il ne se trompe jamais », confie Mounir Mahmalat en parlant de son acolyte. Daou, pour sa part, ne se considère pas percussionniste. Étant professeur de musique, son expérience et ses connaissances lui donnent une vision des percussions comme accompagnatrices de la symphonie. Pour lui, elles ne doivent pas prendre trop de place et se doivent d’être discrètes par rapport à elle. Cependant, rien ne peut empêcher un grand artiste de laisser sa passion se déchaîner. Lors de leur dernier morceau s’intitulant 7/8, le professeur se lâche totalement en proposant un solo de riq, qui suscite un tonnerre d’applaudissements dans la salle. La salle, justement. L’orgue situé derrière les musiciens rassure le public de la chapelle de l’AUB. Elle donnerait presque l’impression de se retenir de rejoindre le flot acoustique et rythmique du groupe. L’assistance n’est pas restée de marbre. Elle essaie tant bien que mal d’applaudir en adéquation avec la musique… Ce qui occasionne une certaine discordance, facilement excusable cependant, vu la complexité structurelle de la mélodie changeant de tempo et de signature rythmique, laissant difficilement la place à l’improvisation.

Essayer de se caser sur un rythme impair n’est pas une mince affaire. Après 1h30 minutes de jeu sans prendre ne serait-ce que 5 secondes de pause, et cela, même entre les chansons, Stories Bridging Traditions termine sur une note très positive, malgré le désistement de quelques personnes visiblement épuisées par l’interprétation, qui, disons-le, sollicite une énorme concentration. Le trio reste globalement satisfait de sa performance et exprime sa reconnaissance de la réception accordée par les organisateurs. Reste à souhaiter à Ziad el-Ahmadie, Bahaa Daou et Mounir Mahmalat de franchir le pont Orient-Occident, avec le même succès, dans les deux sens.

Assis devant un café et quelques viennoiseries sur une terrasse de Zaitunay Bay, Mounir Mahmalat affiche un sourire. Le violoncelliste évoque cette ambition et explique ce qui l’a poussé à fonder, avec Ziad el-Ahmadie (oud) et Bahaa Daou (riq), le groupe musical Stories Bridging Traditions.
« Tout a commencé en 2018, raconte-t-il. Ziad et moi étions invités à une résidence...

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