Quarante-huit heures après une réunion à Paris avec le président français Emmanuel Macron axée sur l'impasse présidentielle au Liban, le patriarche maronite Béchara Raï a annoncé jeudi avoir été chargé par le Vatican et Paris de dialoguer avec toutes les parties libanaises impliquées, y compris le Hezbollah. Selon une source diplomatique, le cardinal Raï a informé le président français "d’une entente interchrétienne de principe qui semble aller bon train", sans toutefois évoquer le nom de l'ex-ministre des Finances et actuel responsable pour la région Moyen-Orient au sein du Fonds monétaire international, Jihad Azour, autour duquel les formations de l'opposition se seraient en principe entendues.
Ces développements interviennent alors qu'aucune séance électorale ne s'est tenue depuis janvier. Le Liban est sans président de la République depuis octobre 2022, après la fin du mandat de Michel Aoun.
Jeudi également, le président du Parlement Nabih Berry s'est déclaré prêt à convoquer une séance électorale "si au moins deux candidatures sérieuses sont annoncées". Le mouvement Amal, parti de M. Berry, ainsi que son allié, le Hezbollah, soutiennent tous deux le chef des Marada Sleiman Frangié.
"Même avec le Hezbollah"
"Le Vatican et la France m'ont demandé de travailler avec le reste des composantes sur la scène locale", a affirmé le patriarche maronite devant une délégation de l'Ordre des journalistes. "Nous parlerons à tout le monde sans exception, même avec le Hezbollah. Notre activité commencera dès aujourd'hui", a-t-il poursuivi. Béchara Raï a par ailleurs rappelé que "le président du Parlement devait convoquer à une séance électorale deux mois avant la fin du mandat présidentiel" de Michel Aoun. "Mais nous brillons par notre violation de la Constitution", a-t-il critiqué. "Nous sommes devenus la risée des autres pays à cause de certains politiques", a-t-il regretté.
Réagissant aux propos du patriarche, le mufti jaafarite chiite Ahmad Kabalan, réputé proche du Hezbollah, s'est adressé directement à Mgr Raï, "notre frère dans l'humanité et notre partenaire dans le pays" : "Nous sommes des faiseurs de souveraineté, des garants de l'Etat et non des esclaves". "Le Liban se fait au Liban et pas à l'étranger", a-t-il poursuivi dans une critique implicite aux déplacements du patriarche au Vatican et à Paris. Prenant la défense de Nabih Berry, il a affirmé que "le chef du Législatif veille sur les intérêts des chrétiens bien avant ceux des musulmans".
Mardi, le président français Emmanuel Macron avait affirmé lors d'une réunion avec Mgr Raï, soutenir les efforts que ce dernier fournit pour "faire face à l'impasse politique", appelant toutes les forces du pays à en sortir "sans délai". M. Macron avait également estimé que "le blocage de l'élection d'un chef de l'Etat faisait obstacle aux réformes sans lesquelles il ne peut y avoir de redressement et de stabilité durable dans le pays". Face à l'impasse présidentielle, la secrétaire d'État adjointe aux affaires du Proche-Orient Barbara Leaf avait annoncé pour sa part mercredi que l'administration Biden envisageait la possibilité d'imposer des sanctions aux responsables libanais, si un chef d'État n'est pas élu.
"Candidatures sérieuses"
De son côté, Nabih Berry a réaffirmé jeudi dans un communiqué que "les portes de la Chambre ne sont et ne seront pas fermées devant une séance pour élire un président de la République au cas où au moins deux candidatures sérieuses sont annoncées". "Tout parasitage suggérant le contraire et toute menace ne serviront à rien, notamment avec le chef du Législatif", ajoute le texte.
De son côté, le député de Aley relevant du mouvement de la contestation populaire Marc Daou a estimé que "le président du Parlement bloque intentionnellement l'élection d'un président du fait qu'il ne convoque pas à une séance électorale en arguant de jurisprudences qui n'ont aucun fondement constitutionnel, afin de servir ses propres intérêts et imposer le candidat du tandem chiite". L'élu a a ainsi appelé M. Berry "à convoquer le Parlement à une séance électorale conformément aux normes constitutionnelles, estimant qu'"il relève de la responsabilité des députés de décider qui sont les candidats sérieux".
Surtout, surtout ne pas déserter le parlement jusqu’à ce que le président soit élu.
19 h 44, le 02 juin 2023