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Économie - Interview

Cofondé par des Libanais, Tioopo Capital parie sur les PME européennes

Lancé en 2021 par un trio composé de deux Libanais, Cyril Abou Jaoudé et Shahan Sarkissian, et d’un Français, Grégoire Louisy, ce jeune fonds de capital-investissement privé mise sur des entreprises qui possèdent « un vrai savoir-faire » sur des marchés en croissance. Il a déjà investi 41 millions d’euros dans quatre sociétés et ne compte pas s’arrêter là, comme le confirment ses cofondateurs.

Cofondé par des Libanais, Tioopo Capital parie sur les PME européennes

De g. à d.: Grégoire Louisy, Cyril Abou Jaoudé et Shahan Sarkissian. Montage réalisé par P.H.B.

Cyril Abou Jaoudé, Grégoire Louisy et Shahan Sarkissian, vous avez lancé Tioopo Capital début 2021 en France et vous vous êtes déployés l’année suivante au Royaume-Uni. Qu’est-ce qui vous distingue des autres fonds de capital-investissement privés ?

C’est surtout lié à notre approche et au choix de nos cibles. Nous nous intéressons à un marché qui est relativement délaissé, du moins en Europe, par les fonds d’investissement publics ou privés, qui privilégient essentiellement les start-up ou les grandes entreprises.

De notre côté, nous nous concentrons sur les PME familiales positionnées sur des marchés de niche avec un vrai savoir-faire. Il faut que ces sociétés soient déjà rentables et qu’elles aient un besoin d’accompagnement pour orienter et accélérer leur développement. Ces entreprises sont souvent à vendre à cause d’un problème de succession – les enfants ne veulent généralement pas prendre la relève.

En résumé, il s’agit de leur permettre de passer avec succès à l’échelle supérieure, d’acquérir plus de parts de marché. Il ne s’agit pas de restructurer des sociétés qui vont mal pour leur éviter la faillite. Il ne s’agit pas non plus de modifier l’ADN de l’entreprise.

L’autre particularité de Tioopo est plus anecdotique. Nous figurons en effet parmi les plus jeunes fondateurs de ce type de fonds en Europe avec une moyenne d’âge inférieure à 30 ans pour l’ensemble du trio que nous formons.

Quel est votre modus operandi ?

Une fois que nous avons détecté le bon profil, nous rachetons les parts de la société pour en assumer la direction, le temps d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Nous en devenons les actionnaires et membres du board (conseil d›administration) pour accompagner nos dirigeants. Les investissements sont réalisés via des Leverage Buy-Out (LBO, ou rachat avec effet de levier), ce qui veut dire que nous empruntons une partie (environ 40 % de la valeur de l’entreprise) des fonds servant au rachat.

L’ancien CEO (chief executive officer, ou PDG selon la nomenclature française), qui nous a revendu ses parts, peut choisir de rester à bord pendant six mois à un an pour ensuite passer le flambeau. Et au bout d’une période totale qui peut atteindre 5 à 7 ans, nous revendons l’entreprise avec une plus-value à un repreneur intéressé.

Dans combien de sociétés Tioopo Capital a-t-il investi jusqu’à présent ?

Nous en comptons quatre pour l’instant pour un investissement total de 41 millions d’euros. Notre première acquisition a été finalisée durant l’été 2021. Il s’agit de CDV, ou Cuir du Vaudreuil, une entreprise française spécialisée dans la maroquinerie. En deux ans, la société a triplé de taille et emploie désormais 180 personnes au lieu des 60 qu’il y avait à notre arrivée. Les trois autres acquisitions ont été faites plus tard, et il est donc prématuré de dresser un premier bilan.

En décembre 2022, nous avons d’abord acquis un tandem français formé par Oury Guyé et Fils et la SMAO, pour Société marnaise d’applications orthopédiques. La première de ces deux entreprises a été créée il y a près de 115 ans, et conçoit et fabrique des pinces et outils sur mesure pour les opérations de chirurgie orthopédique, la seconde est également conceptrice et productrice d’outils coupants pour la chirurgie.

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Enfin, au Royaume-Uni, nous avons racheté fin 2021 les parts de Peter Jackson & Sons qui fabrique du textile destiné à la confection d’accessoires pour animaux en recyclant du plastique de bouteille.

Le point commun entre toutes ces entreprises est qu’elles produisent des biens très spécifiques qui répondent à des besoins qui le sont tout autant. Leur potentiel de croissance est réel, et le fait que l’Europe soit actuellement en train de penser à se réindustrialiser leur offre le créneau idéal pour réussir leur transition.

Sur quelles bases décidez-vous de racheter une entreprise plutôt qu’une autre et comment obtenez-vous le feu vert de vos actionnaires ?

Nous détenons 20 % du capital du fonds, et les 80 % restants sont assurés par des Family Offices (bureaux de gestion de patrimoine) et investisseurs privés majoritairement européens. Ce sont des partenaires avec qui nous entretenons une relation de confiance.

Les entreprises dans lesquelles nous jugeons opportun d’investir sont sélectionnées à l’issue d’un processus qui commence par des retours faits à travers nos réseaux, des banquiers et des avocats d’affaires, à l’écoute du marché.

Une fois que nous avons des candidats potentiels, nous effectuons les vérifications nécessaires pour confirmer les informations obtenues les concernant. C’est un travail minutieux d’égrenage. Pour vous donner un ordre d’idée, sur 100 entreprises dont les noms nous parviennent, nous finissons en moyenne par ouvrir des négociations avec 10 pour éventuellement aboutir à un ou deux rachats.

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Ça permet de limiter les mauvaises surprises, soit d’avoir mal évalué le potentiel de croissance de l’entreprise, soit d’être passés à côté d’une erreur manifeste d’appréciation sur la réalité du carnet de commande. Nous avons également une approche très conservatrice lors du volet investissement. Nous avions élaboré nos stratégies de financement en tenant compte du fait que les banques centrales allaient probablement augmenter leurs taux d’intérêt directeurs, comme elles ont commencé à le faire à partir de 2022, ce qui nous a permis de mitiger leur impact sur nos coûts.

Envisagez-vous d’autres acquisitions ou comptez-vous plutôt focaliser vos efforts sur celles que vous avez déjà rachetées ?

Les deux en même temps. Le développement de notre fonds se fait sur trois fronts : faire croître les entreprises que nous avons déjà acquises, en acquérir d’autres et créer de nouvelles stratégies d’investissement. Nous sommes enfin en train de préparer une levée de fond de 100 millions d’euros en vue de financer des acquisitions en suivant une approche similaire à celle que nous appliquons jusqu’à présent.

Cyril Abou Jaoudé, Grégoire Louisy et Shahan Sarkissian, vous avez lancé Tioopo Capital début 2021 en France et vous vous êtes déployés l’année suivante au Royaume-Uni. Qu’est-ce qui vous distingue des autres fonds de capital-investissement privés ? C’est surtout lié à notre approche et au choix de nos cibles. Nous nous intéressons à un marché qui est relativement délaissé,...

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