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Le voile : un siècle de controverses

Le voile : un siècle de controverses

D.R.

Ce petit ouvrage, au contenu très dense, a une vocation pédagogique et civique. La perspective choisie est géographique et historique avec quatre pays étudiés outre la France, l’Égypte, la Tunisie, l’Iran et la Turquie. Cela permet de faire partir la controverse à la fin du XIXe siècle, marquant la complexité des rapports entre les deux rives de la Méditerranée. Le fil conducteur du livre est celui de l’histoire du voile, mot utilisé entre la fin du XIXe et les années 1980, devenu foulard islamique dans les années 1990 jusqu’au début des années 2000, puis redevenu voile islamique et entré en concurrence, entre 2009-2011 avec le niqab et la burqa.

Le judaïsme dit orthodoxe impose aux femmes d’avoir la tête couverte dehors. Cette pratique a survécu dans certains courants qualifiés de traditionnalistes, orthodoxes, ultra-religieux, etc. Pour cacher leur chevelure ou leur tête rasée, les femmes ont recours à des perruques, des chapeaux, ou encore, à des « foulards ». Le christianisme, en particulier le catholicisme, a longtemps imposé aux femmes de couvrir leurs cheveux, au moins durant le culte. C’est largement tombé en désuétude aujourd’hui. Le Coran parle de trois pièces de vêtements différents. Il reste difficile de savoir à quoi ils ressemblaient précisément aux premiers siècles de l’islam. L’exégèse en est compliquée.

La pluralité des mots qui renvoient en langue française aux termes de « voile » et de « foulard » recouvre des réalités diverses tant par la forme, les lieux et les périodes historiques où ces vêtements sont portés, que par le statut des femmes qui les portent.

Contrairement aux clichés véhiculés par certains, les entreprises coloniales européennes ne se sont pas préoccupées de la question du voile. Ce problème s’est posé dans les débats de la seconde moitié du XIXe siècle entre modernistes et traditionalistes.

Le voile est alors perçu comme un signe de distinction sociale : ni les domestiques, ni les paysannes et, en général, les pauvres n’y sont tenues. Il apparaît, à la fois, comme un marqueur de classe et de religion. Autrement dit, la question concerne alors les couches supérieures de la société. Le dévoilement des femmes renvoie à un projet sociétal plus large car il implique, à la fois, la question de l’interprétation des textes religieux islamiques et le modèle de société, dans un contexte politique qui est celui de la colonisation. Ainsi, le modernisme autoritaire de la Turquie kémaliste et de l’Iran impérial impose le dévoilement.

Aux modernistes s’opposent un islam littéraliste. Il prend un tour politique et autoritaire à partir de la révolution islamique de Téhéran en 1979.

Réduire les « nouveaux » voiles uniquement à des signes religieux ou politiques, dans le sens de l’adhésion à une idéologie politique, serait réducteur. Ils renvoient aussi, pour celles qui le portent, à la spécificité de la femme musulmane, tant au niveau national qu’international, dans une démarche à la fois culturelle, symbolique et identitaire. Il reste difficile de plaquer un discours unique globalisant sur ces femmes voilées car chacune est dans l’accommodement et le compromis permanent au niveau vestimentaire, discursif et comportemental. Il s’agit aussi, pour certaines, de l’emblème de l’émancipation des femmes, par rapport à la subordination masculine, une émancipation pensée dans le cadre d’une nouvelle forme de conservatisme social. Pour d’autres, la question du mimétisme ou de la coercition sociale ne peut pas être exclue, sans pour autant qu’elle soit totalement conscientisée ou avouée.

C’est à la fin du XXe siècle que le débat commence dans la société française à un moment où un islam proprement français est en train de se constituer. Il renvoie à l’histoire de la laïcité à la française et à sa lutte contre le cléricalisme catholique. Rien d’étonnant alors qu’il part de l’école. Une fois cette question scolaire réglée pour l’essentiel, elle s’est étendue à l’espace public dans un contexte exacerbé par le terrorisme islamique et la problématique du « communautarisme ». Toute la problématique de l’intégration et de l’assimilation semble revenir à l’actualité, mais en fait le voilement doit être aussi vu comme une double opposition, celle avec le courant majoritaire de la société française, comme celle de la société dite d’origine. Autrement dit, il ne s’agit pas d’une importation mais bien d’une production interne à la société française.

Tout s’y recoupe puisque se trouvent posées les questions de l’expression de la modernité, les transformations de la condition féminine et l’intériorisation-individualisation de la pratique religieuse.

C’est un tour de force d’aborder en 200 pages environ toutes ces questions essentielles avec en plus le maximum de clarté. C’est donc un travail salutaire qu’il faut absolument lire.

Les Voiles « islamiques » dans les sociétés musulmanes et européennes. Histoire d’un débat XIXe-XXIe siècle de Oissila Saaidia, Éditions du Cerf, 2023, 236 p.

Ce petit ouvrage, au contenu très dense, a une vocation pédagogique et civique. La perspective choisie est géographique et historique avec quatre pays étudiés outre la France, l’Égypte, la Tunisie, l’Iran et la Turquie. Cela permet de faire partir la controverse à la fin du XIXe siècle, marquant la complexité des rapports entre les deux rives de la Méditerranée. Le fil conducteur...

commentaires (1)

Musulman progressiste dans la conservation, je ne vois pas pourquoi le foulard ou le voile gêne dans un monde occidental. Libre à la femme de porter le foulard telle notre bien bien aimée la sainte vierge Marie, et nos respectables sœurs aussi appelées nonnes. La laïcité pour un religieux monothéiste est une barbarie terroriste et tyrannique. Aussi bien pour une liberté d’expression, le respect d’autrui est de rigueur. Assez de diaboliser le voile, fut il intégral. Se voiler le visage est un autre problème à résoudre.

Mohamed Melhem

00 h 50, le 04 juin 2023

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Commentaires (1)

  • Musulman progressiste dans la conservation, je ne vois pas pourquoi le foulard ou le voile gêne dans un monde occidental. Libre à la femme de porter le foulard telle notre bien bien aimée la sainte vierge Marie, et nos respectables sœurs aussi appelées nonnes. La laïcité pour un religieux monothéiste est une barbarie terroriste et tyrannique. Aussi bien pour une liberté d’expression, le respect d’autrui est de rigueur. Assez de diaboliser le voile, fut il intégral. Se voiler le visage est un autre problème à résoudre.

    Mohamed Melhem

    00 h 50, le 04 juin 2023

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