Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, a annoncé jeudi dans une interview accordée à la chaîne pan-arabe al-Hadath, qu'il était prêt à démissionner de son poste si un jugement était émis à son encontre dans les affaires de corruption le visant.
C'est la première fois que M. Salamé s'exprime depuis qu'il fait l'objet d'un mandat d'arrêt international émis le 16 mai par la justice française dans le cadre d'une enquête pour soupçons de corruption concernant son patrimoine. C'est aussi la première fois qu'il évoque la possibilité d'une démission, alors que son mandat arrive à expiration au mois de juillet.
"Je ne resterai pas à mon poste après la fin de mon mandat", a déclaré à ce sujet Riad Salamé, alors que de nombreuses rumeurs évoquaient la possibilité d'une extension temporaire de son mandat. "Le vice-gouverneur me remplacera à la fin de mon mandat", a-t-il ajouté. Le poste de vice-gouverneur de la BDL est occupé par un chiite, Wassim Mansouri. Son accession à la tête de l'institution financière risque de provoquer des remous sur la scène politique, en particulier du côté des partis chrétiens, dans un contexte de vacance présidentielle. La magistrature suprême comme le gouvernorat de la banque centrale sont traditionnellement des postes réservés à la communauté maronite.
Concernant la démarche de la juge française Aude Buresi et le mandat d'arrêt le visant, le gouverneur a déclaré que "si un jugement est émis à mon encontre je démissionnerai". Dénonçant un cours "injuste" de la justice, il s'est toutefois dit prêt "à l'affronter" et à "coopérer". "Je me présenterai à toute séance à laquelle je serai notifié conformément aux normes. Nous avons demandé à la juge française de nous notifier conformément aux normes mais elle a refusé", a-t-il encore assuré, dénonçant des vices de procédure commis par la juge Buresi dans sa façon de lui notifier de l'audience à laquelle il était convié le 16 mai à Paris.
Des policiers libanais se sont rendus pendant quatre jours consécutifs la semaine dernière au siège de la BDL pour délivrer la convocation, sans succès, avait précisé à l'AFP lundi une source judiciaire libanaise.
"Peur de cibler les politiques"
Mis sous pression par les affaires judiciaires le ciblant, M. Salamé a semblé vouloir contre-attaquer en redirigeant l'attention de la justice vers la classe politique. "Je conseille au pouvoir judiciaire de commencer par les politiques et non pas le gouverneur de la banque centrale, a-t-il déclaré. Ils ciblent le gouverneur parce qu'ils ont peur de de cibler les politiques".
A la tête de la BDL depuis 1993, M. Salamé, 72 ans, est accusé au Liban de corruption et d'être l'un des principaux responsables de la grave crise financière qui frappe le pays depuis l'automne 2019. Dans ce dossier, qui fait l'objet d'enquêtes dans plusieurs pays européens, il est soupçonné de s'être constitué un riche patrimoine immobilier et bancaire en Europe via un montage financier complexe et un détournement massif de fonds publics libanais.
Se penchant par ailleurs sur les questions économiques et financières, M. Salamé a affirmé que "la banque centrale va intervenir et n'acceptera pas que le taux de change fluctue davantage". Il a aussi affirmé être prêt à racheter toutes les liquidités en livres libanaises en circulation sur le marché. Ces derniers mois, la BDL a permis à plusieurs reprises aux particuliers et aux entreprises d'échanger leurs devises au taux de la plateforme Sayrafa, ce qui a permis de stabiliser le taux du marché parallèle.
"Le rapport de la Banque mondiale concernant la plateforme Sayrafa est +stupide+", a-t-il encore souligné. Ce rapport indiquait que grâce à l'ouverture des vannes de Sayrafa via les banques, les particuliers ont pu bénéficier d'un arbitrage entre le taux de change de cette plateforme et celui du marché parallèle et donc engranger 2,5 milliards de dollars de bénéfices.
Riad Salamé a ajouté qu'il "n'acceptera pas que les banques fassent faillite", soulignant qu'il est selon lui possible que "les dépôts soient restitués aux déposants tels qu'ils sont", se défendant de "tout populisme". "Certains voulaient que le pays s'effondre quelques mois après le début de la crise, mais il ne s'effondrera pas", a-t-il encore lancé.
commentaires (8)
Il est temps de démasquer tous ceux qui ont volé les braves libanais et l’économie de leurs vie.
Wow
21 h 41, le 18 mai 2023