Prévention et complémentarité au cœur de la nouvelle stratégie nationale contre les incendies

Alors que l’approche de la saison des incendies est généralement prétexte au fatalisme et aux vœux pieux, elle s’accompagne cette année du lancement d’une « Stratégie nationale pour limiter le risque des feux de forêt au Liban », annoncée mercredi à la Bibliothèque nationale. Ce texte se fonde sur des principes censés améliorer la prévention et la lutte contre les incendies, qui ravagent chaque année des milliers d’hectares de forêt et d’espaces verts au Liban.

Cette nouvelle stratégie nationale, qui a été rendue publique, est une version développée de la stratégie précédente de 2009. Le texte fait la part belle à la prévention ainsi qu’à la bonne préparation des différents acteurs pour un éventuel combat efficace contre les flammes. L’une de ses caractéristiques est de définir les rôles des acteurs civils et officiels, en vue d’une complémentarité au niveau de la protection des forêts (les conflits de prérogatives ayant souvent freiné les efforts par le passé).

L’implication et la formation d’acteurs très locaux (municipalités, population locale…), qui ont l’avantage de la proximité et de l’intérêt à préserver l’environnement direct, sont très présentes dans la stratégie. Toujours dans le cadre de la prévention, la mise en place d’un réseau de détection précoce des incendies sur l’ensemble du territoire est prévue. L’objectif est de réduire le temps d’intervention à 20 minutes maximum, en vue d’optimiser les chances de vaincre le feu à ses débuts et de réduire les risques de sa propagation. Le renforcement des capacités de tous ceux qui se trouvent en première ligne de défense contre le feu ainsi que la sensibilisation de la population aux facteurs de risque d’incendie sont également mis en évidence.

Pour mémoire

Les forêts du Liban perdent leurs arbres centenaires à la vitesse grand V

Au niveau de l’action pratique, la stratégie prévoit la création d’une liste de directives et de formations adéquates en vue d’une lutte réussie contre les flammes au besoin, ainsi que des techniques adaptées de recensement des dégâts et de réhabilitation des zones incendiées. Le texte parle aussi de renforcement des lois et des capacités administratives. La stratégie présente en détail le rôle de chaque organisme concerné et les méthodes adaptées, à toutes les étapes de sa mise en place.

À en croire le ministre de l’Environnement Nasser Yassine, qui s’exprimait hier au cours de la conférence de presse, de telles mesures commencent à être mises en place sur le terrain et ont déjà donné des résultats probants en 2022. Cette année-là, en effet, a enregistré 91 % d’incendies en moins (et de superficies incendiées) que 2021, a-t-il dit. « Peut-être que, comme diraient certains, le climat a été plus clément en 2022 qu’en 2021, a-t-il poursuivi. Mais nos études montrent que les circonstances climatiques étaient similaires à celles des années précédentes. »

L’ensemble des intervenants au lancement de la stratégie mercredi, à la Bibliothèque nationale. Photo DR

Un fonds d’urgence pour la lutte contre les feux

« Cette diminution de 91 % des incendies en 2022 est une success story en elle-même, mais il faut attendre de voir comment se passera cette saison pour s’assurer qu’il s’agit d’une tendance qui se confirmera. » Contactée par L’Orient- Le Jour pour plus de détails sur la stratégie et ses chances de mise en application, Sawsane Bou Fakhreddine, directrice de l’Association de développement et de conservation des forêts (AFDC), l’un des partenaires de ce projet, explique que cette initiative sera suivie d’ici à fin juin de la création d’une commission regroupant tous les partenaires concernés, qui sera chargée de mettre au point un plan d’application d’ici à fin août doublé d’une plateforme qui permettra de noter les progrès enregistrés. Les partenaires dont parle Mme Fakhreddine étaient présents à la conférence de presse, notamment les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture, la Défense civile, la Commission nationale de gestion des risques, les Forces de sécurité intérieure, le Conseil national de la recherche scientifique ainsi que diverses organisations nationales et internationales.

Pour mémoire

Massacre à la tronçonneuse : des genévriers centenaires abattus au Ftouh-Kesrouan

« Ce qui différencie cette stratégie de la précédente, c’est qu’elle est reliée aux différentes stratégies de développement et conventions signées par le Liban (comme l’accord de Paris sur le changement climatique par exemple), ce qui mettra la lutte contre les incendies de forêt au cœur des priorités nationales et la rendra d’autant plus efficace », explique-t-elle.

Autre atout, l’engagement des communautés locales, qui a fait d’immenses progrès selon cette activiste de longue date. « Il n’y a plus de souci au niveau de la sensibilisation des municipalités, le grand problème actuel est la diminution des ressources due à la crise », déplore-t-elle.

Au niveau financier justement, le ministre Yassine a annoncé hier la création d’un fonds d’urgence pour soutenir les efforts de lutte contre les feux. Serons-nous face à de réels progrès ou à des textes qui resteront, une nouvelles fois, lettre morte ?