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Lifestyle - Histoires de thérapie

L’anorexie mentale est la maladie de la fille et de la mère

Le moment est sacré, intime, personnel. Un face-à-face entre le psychanalyste et son patient, qui se fait dans la colère, les larmes, les fous rires et les silences. Dans cette rubrique bimensuelle, le Dr Chawki Azouri partage des histoires et des cas qu’il a vécus tout au long de sa carrière, avec des interlocuteurs qui resteront anonymes, sur un chemin emprunté à deux pour arriver à y voir clair.

L’anorexie mentale est la maladie de la fille et de la mère

Illustration Noémie Honein

Comme l’amour d’une mère est souvent équivalent de donner à manger, une fille anorexique sait que si sa mère veut lui en donner encore, ce n’est pas pour la nourrir, mais pour se prouver qu’elle est une bonne mère. À son corps défendant, c’est le cas de le dire, elle va chercher à lui prouver le contraire. L’exemple le plus fréquent est le suivant : une mère veut servir une deuxième fois sa fille qui n’a plus faim. Devant le refus de la fille, la mère dit : « Fais-le pour moi. »

Lors de notre première rencontre, Ibtissam* débarque avec sa mère. Ce n’est pas du tout mon habitude de recevoir ainsi une personne adulte accompagnée, mais comme c’est la mère qui avait pris le rendez-vous, j’ai accepté. Et cela a été utile pour la suite de la thérapie d’Ibtissam. Contrairement aux mères de patientes anorexiques que j’ai eu l’occasion de rencontrer, sa mère était bienveillante, ne faisait aucun reproche à sa fille et la soutenait dans sa maladie. À 23 ans, elle souffrait d’anorexie légère, plus inquiétante pour sa famille que pour elle-même. Elle mangeait très peu, se nourrissait de Pepsi Cola, de chewing-gum et avait toujours quelque chose à mâcher dans la bouche. Elle avait entre 4 et 5 mois quand son grand-père maternel est mort. Ces informations, révélées par la mère, me faisait penser à l’adage médical : « L ’anorexie mentale est la maladie de la fille et de la mère. »

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Très intelligente, belle, Ibtissam a des yeux pétillants de malice. Pour ainsi dire, elle parle avec ses yeux. Dans les séances suivantes, elle poursuit le récit de sa mère et me raconte qu’à 18 ans, après un séjour à Paris pour un stage, elle n’avait pratiquement plus de symptômes. Elle remarque que dès son retour à Beyrouth, les symptômes ont repris de plus belle. De même, quant au bout d’un an de résidence à Dubaï pour son travail, ses symptômes ont diminué. Et de retour à Beyrouth pour des vacances, de nouveau, ses symptômes ont repris. Perspicace, elle fait le lien entre ses retours à Beyrouth et sa mère. De Dubaï, les séances se sont poursuivies au téléphone. Elle était si enthousiaste pour son analyse que cela allait de soi. Son intelligence et son côté espiègle facilitaient les choses. Lorsqu’elle tombe amoureuse d’un jeune homme, d’un amour qui était réciproque, elle éprouve tout de même une certaine ambivalence à son égard, qu’elle relie très vite à son anorexie. Son retour à Beyrouth, pour un travail valorisant, haut cadre à l’ONU, complique sa relation avec le jeune homme. Nous reprîmes les séances comme avant. Au bout de quatre ans d’analyse, elle constate une nette amélioration de son état. Et remarque également que sa mère allait mieux. « On dirait qu’elle profite elle aussi de mon analyse », dit-elle, amusée et satisfaite. L’intelligence d’Ibtissam, sa lucidité et la bonne volonté de sa mère, dès la première séance, m’avaient déjà convaincu que j’arriverais à l’aider. Cela n’est pas fréquent dans l’aide que l’on peut apporter aux jeunes filles anorexiques. La mère de l’anorexique n’est en rien une mauvaise mère. Mais quelque chose qui s’est passé dans son enfance et s’est répété dans sa vie d’adulte fait qu’elle a besoin de le prouver. Et avec l’une de ses filles, pas avec les autres, si elle en a plusieurs. C’est ce que cette fille va en particulier ressentir. Elle devient anorexique pour montrer à sa mère que l’amour ne se résume pas à nourrir son enfant. Ainsi, ce qui est accepté de la part d’une grand-mère ou d’une vieille tante n’est pas accepté de la part de la mère.

*Le prénom a été modifié par souci de confidentialité.

Comme l’amour d’une mère est souvent équivalent de donner à manger, une fille anorexique sait que si sa mère veut lui en donner encore, ce n’est pas pour la nourrir, mais pour se prouver qu’elle est une bonne mère. À son corps défendant, c’est le cas de le dire, elle va chercher à lui prouver le contraire. L’exemple le plus fréquent est le suivant : une mère...

commentaires (1)

Il y aurait tellement plus à dire dans ces rubriques. Trop court et en surface, ça nous laisse sur notre faim. Dommage.

Michael

14 h 54, le 24 avril 2023

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Commentaires (1)

  • Il y aurait tellement plus à dire dans ces rubriques. Trop court et en surface, ça nous laisse sur notre faim. Dommage.

    Michael

    14 h 54, le 24 avril 2023

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