Le bassin d’eau situé en face du Mémorial Samir Kassir, dans le centre-ville de Beyrouth, a été vidé un jour seulement après que des images d'enfants nageant dans cette piscine aient été diffusées en ligne. Mercredi, une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux montrait trois enfants en train d’y jouer. Une scène qui aurait pu être quelconque ailleurs, mais qui au Liban a suscité l’indignation de certains internautes. « La place Samir Kassir se transforme en un lac de chaos ! ... La caméra de Ici le Liban a capturé une scène d'un groupe d'enfants syriens sautant et nageant dans un étang au milieu de la place » écrit un utilisateur dans un tweet devenu viral.
#خاص ?? - برسم بلدية بيروت.. ساحة سمير قصير تتحوّل لبحيرة فوضى!
— هنا لبنان (@thisislebnews) April 19, 2023
التقطت كاميرا "هنا لبنان" مشهداً لمجموعة من الأطفال من التابعية السورية وهم يقفزون ويسبحون في البركة وسط ساحة سمير قصير.
هذا المشهد يطرح تساؤلات حول دور #بلدية_بيروت في حماية هذه الأماكن من العشوائية.
يذكر أنّ ساحة… pic.twitter.com/SfI0py5DNm
Un message ouvertement hostile à l’encontre de la présence de réfugiés syriens au pays du Cèdre qui a, à son tour, déclenché de vives réactions en ligne. De nombreux internautes se sont notamment empressés de remettre en question les sous-entendus racistes du post.
this is what public spaces are made for anyway https://t.co/oUaDZF1lae
— Samer el Khoury (@SamerELKhoury11) April 20, 2023
Jeudi matin, un jour seulement après la diffusion de la vidéo, l’eau avait été entièrement évacuée. Seuls quelques résidus de calcaire étaient encore visibles au fond du bassin. Il n'a pas été possible de déterminer si la vidange était directement liée ou non à la polémique, des ouvriers présents sur les lieux ayant expliqué à L'Orient Today que la fontaine est vidée tous les mois pour un nettoyage de quelques jours. Ils n'ont pas précisé si cette dernière vidange était liée aux images d'hier, mais ont ajouté que le nettoyage s’était fait dans l'urgence.
Le gouverneur et le président de la municipalité de Beyrouth n'ont pas répondu à nos sollicitations. La place tient lieu de mémorial pour le journaliste libano-palestinien Samir Kassir, assassiné en 2005. Elle est adjacente aux bureaux du journal Annahar, où Kassir travaillait en tant que chroniqueur. Il était également rédacteur en chef de L'Orient-Express, un supplément mensuel de L'Orient-Le Jour. « La place est à tout le monde, à tous les enfants », a quant à elle rétorqué la journaliste Gisèle Khoury, veuve de M. Kassir, sur Twitter.
28 degrés
« Il est lassant de constater que l'action municipale ne vise qu'à restreindre le domaine public et à empêcher les gens d'exercer leurs droits sur la ville », a déclaré à L'Orient Today Mona Harb, professeur d'études urbaines et de politique à l'Université américaine de Beyrouth. Pour l’universitaire, il est du devoir de la municipalité de protéger les espaces partagés et de faciliter l'accès à tous les citadins « y compris les groupes les plus vulnérables, en particulier les jeunes et les enfants ».
If the kids were Lebanese, they will pick on them being poor, if they weren’t poor (enough), they will pick on the being from a certain sect/area. These people don’t have their priorities straight, that’s how we have reached to our crisis. https://t.co/uaxznqxSwg
— AbdulRahman Deeb - عبدالرحمن ديب (@AMDeeb90) April 20, 2023
Au cours des dernières années, la question de l’accès aux espaces publics a pris une tournure raciste à travers le pays et dans la capitale en particulier. D'innombrables incidents ont été documentés à Beyrouth, où des enfants syriens n'ont pas été autorisés à jouer dans certains parcs, malgré le peu d'espace public disponible dans la ville. Il n’existe pas non plus de piscine publique. Une grande partie du littoral de Beyrouth a été envahie par des stations balnéaires qui imposent des frais d'accès élevés. Beyrouth a enregistré une température inhabituellement élevée de 28 degrés Celsius à midi hier, contre 21 degrés Celsius l'année dernière à la même date.
Selon Nahnoo, une ONG qui milite pour la préservation des espaces publics, le développement privé du littoral de Beyrouth est illégal en vertu d'une loi de 1925. Selon cette dernière, « le bord de mer – s'étendant jusqu'au point le plus éloigné que les vagues atteignent en hiver, ainsi que les plages de sable et de gravier » représente une propriété publique.
Ronnie Chatah, journaliste auteur du podcast The Beirut Bayan, ancien guide touristique à Beyrouth, s'est fait l'écho de la situation. « Dans un monde idéal, Beyrouth aurait des fontaines où les enfants s'éclabousseraient à l'infini. » « Mais puisque nous ne sommes pas dans une situation idéale et que nous nous sommes éloignés d'une ville rafraîchissante qui peut se rafraîchir naturellement sous la chaleur, la dernière chose à laquelle tout le monde devrait penser ou se préoccuper est de retirer les enfants de cette fontaine, qu'ils soient Libanais, Syriens, Palestiniens ou qu’ils viennent de la planète Mars, peu importe, laissons ces enfants sauter, laissons-les se rafraîchir et concentrons-nous sur ce qui ne va pas », a-t-il poursuivi.
commentaires (4)
Y verrait on, par exemple, des jeunes Français se baigner dans la Fontaine Charles Buls à Bruxelles ? N'en déplaise à certains, ces édifices doivent être respectés, on voit mal par exemple des enfants s'adonner à des loisirs aquatiques dans la fontaine de la place des Omeyyades à Damas et si nous devons nous concentrer sur ce qui ne va pas, il faut bien commencer par quelque part. En quoi y voit on du racisme, cette doctrine politique fondée sur le droit pour une race d'en dominer une autre, précepte que longtemps ont appliqué nos "frères" syriens (terminologie aisément employée par un ancien président de triste mémoire)... Ces moralisateurs devraient chercher une autre cause.
C…
13 h 45, le 21 avril 2023