Nouveau revers au sein de l'Ordre des ingénieurs de Beyrouth pour les forces de la contestation : après avoir été balayés par les groupes de la thaoura en 2021, les partis traditionnels ont remporté samedi la victoire face aux candidats de la contestation, à l'issue d'une longue journée d'élections. Les partis au pouvoir qui se sont alliés dans le cadre du scrutin ont raflé quatre des cinq sièges à pourvoir au sein du conseil de l'Ordre, alors que la société civile n'est parvenue à faire élire qu'un seul membre.
Bassam Ali Hassan, soutenu par le tandem chiite Amal-Hezbollah, le Courant du Futur et le Courant patriotique libre (CPL), a été élu président de la deuxième branche de l'Ordre, avec 2.134 voix, face à Hala Younès, candidate indépendante de la contestation, qui a récolté 2.081 suffrages. Salman Sobeh (1.932 voix), soutenu par le mouvement Amal, a lui remporté la présidence de la sixième branche du conseil de l'Ordre. Les partis traditionnels sont également parvenus à faire élire deux membres de l'Assemblée générale du conseil de l'Ordre qui leur sont affiliés : Hassan Damej (Courant du Futur, 2.505 voix) et Jihad Chahine (CPL, 1.994 voix). Face aux candidats de l'establishment politique, la société civile n'a effectué qu'une seule percée : Roy Dagher, candidat sur la liste "Nous persévérons", a été élu membre de l'Assemblée générale avec 1.724 voix.
Participation timide
Environ 4.000 ingénieurs (sur près de 39.000 pouvant voter) ont participé au scrutin de vendredi, soit un taux de 10%, indique à L'Orient-Le Jour Divina Abou Jaoudé, présidente sortante de la branche des architectes au conseil de l’Ordre. Ce taux est toutefois plus élevé que celui enregistré lors des dernières élections partielles en 2022, indique de son côté Hala Younès.
"Une grande partie des ingénieurs se désintéresse aujourd'hui de la mission de l'Ordre et est davantage concernée par la couverture sociale qu'il assure", précise-t-elle. Selon la candidate de la contestation, la participation timide s'explique aussi par l'émigration de certains ingénieurs et le fait que d'autres n'aient pas acquitté les cotisations nécessaires.
Nouveau paysage
Aujourd'hui, un nouveau paysage se dessine au sein du Conseil de l'Ordre, où les membres issus de la contestation sont devenus minoritaires. Le conseil est ainsi composé de Ali Darwiche, Youssef Abou Karam, Joseph Mchayleh, Camille Hachem et Nazih Hleil, tous issus de la liste de la contestation "L'Ordre se révolte", mais aussi de Youssef Ghantous (indépendant), Toufic Snein (indépendant, réputé proche du Hezbollah, selon une source du Conseil), Walid Jebbaoui (candidat du Hezbollah), Salman Sobeh (candidat du mouvement Amal, réélu) et Charles Hajj (candidat des Forces libanaises desquelles il s'est par la suite écarté). A ceux-là s’ajoutent les nouveaux noms élus samedi.
"Les nouveaux résultats impacteront, certes, la marge de manœuvre du président de l'Ordre Aref Yassine, mais il ne faut pas oublier que des divergences étaient également présentes entre les membres du Conseil élus en 2021, notamment sur les questions relatives au budget de l'Ordre", souligne Divina Abou Jaoudé. "Nous étions très motivés et nous avons fait de notre mieux, malgré les différents taux de change de la monnaie sur le marché. Nous n'avons pas abouti à tous les résultats voulus, mais nous avons réussi à résoudre de nombreux problèmes", poursuit-elle. Mme Abou Jaoudé reconnaît toutefois qu'il "fallait qu'il y ait davantage de concertations avec des experts en budget et assurances".
Hala Younès estime qu’il y a eu "un relâchement au début de l'effondrement financier qui s'est exacerbé à la suite de la thaoura, après que l'argent de l'Ordre a été bloqué dans les banques". Pour la candidate, l’enjeu principal dans le cadre des élections était de débloquer cet argent, qui s'élevait à 400 millions de dollars avant la crise, pour couvrir les pensions de retraite. Comme Divina Abou Jaoudé, elle souligne la nécessité de "recourir à des spécialistes, notamment pour la gestion du budget de l'Ordre, des cotisations, de l'assurance médicale et des pensions de retraites". "Le syndicat ne disposait peut-être pas des moyens au vu des restrictions bancaires en vigueur", estime-t-elle.
Le conseil de l’Ordre des ingénieurs était accaparé depuis plus de trois décennies par les partis traditionnels avant que l'opposant Jad Tabet n'accède à sa présidence en 2017. Ce dernier s'est toutefois retrouvé contraint de coopérer, pendant 4 ans, avec 14 membres partisans sur les 16 membres que comporte l’instance. Son successeur Aref Yassine sera-t-il confronté au même sort ?
commentaires (5)
Arrêtons de dire que rien ne changera dans ce pays svp! Le point cardinal de ces élections c’est le faible taux de participation. A chaque fois que le taux de participation est faible à des élections (parlementaires, universitaires, des ordres, etc.) ce sont les partis traditionnels qui gagnent. Les choses ne changent pas parce que la majorité reste silencieuse. Le reproche nest donc pas à faire au pays mais spécifiquement à ceux qui sont restés le cul vissé à leur canapé au lieu de se lever et d’aller voter. Ce n’est pourtant pas compliqué! C’est le jeu de la démocratie.
K1000
11 h 00, le 18 avril 2023