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Moyen-Orient - Elections en Turquie

Muharrem Ince, le candidat qui gêne la coalition anti-Erdogan

Représentant moins de 10% de l’électorat, l’ancien membre du CHP met en péril les objectifs électoraux de l’opposition face au président turc. 

Muharrem Ince, le candidat qui gêne la coalition anti-Erdogan

Le candidat à la présidentielle turque Muharrem Ince et son concurrent du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, lors d\'une conférence de presse conjointe à Ankara, le 29 mars 2023. Photo Reuters

« Je ne me positionnerai jamais contre Kiliçdaroglu. Je ne suis pas une personne déloyale », lançait Muharrem Ince sur un plateau de télévision, quelques semaines avant l’élection présidentielle de juin 2018 pour laquelle il concourait sous la bannière du Parti des républicains du peuple (CHP). Une sortie qui visait alors à calmer les soupçons de guerres intestines entre cet ancien professeur de physique, entré au parti kémaliste de centre-gauche en 1990 et Kemal Kiliçdaroglu, leader du CHP depuis 2010. Ce dernier s’était retiré de la course à la présidentielle après avoir essuyé de nombreuses critiques quant à son bilan à la tête du parti, laissant ainsi la place à cet ancien député, estimé plus populaire, notamment auprès du jeune électorat. Face à Recep Tayyip Erdogan, l’homme n’avait toutefois pas réussi à s’imposer.

Cinq ans plus tard, la question de la loyauté de Muharrem Ince ne se pose plus. L’homme de 59 ans a pris tout le monde de court le 25 mars, en annonçant avoir obtenu les 100 000 signatures nécessaires à sa candidature à la présidentielle du 14 mai prochain, en tant que représentant du Memleket Partisi (Parti de la patrie), une formation politique qu’il fonde en 2021 et décrit comme « pro-Atatürk ». La troisième voie dessinée par ce candidat de dernière minute est perçue comme une menace par les sympathisants de la coalition anti-Erdogan, menée cette fois-ci par Kemal Kiliçdaroglu.

Muharrem Ince était candidat du CHP en 2018 contre l'actuel chef de l'État, Recep Tayyip Erdogan. Photo AFP

Trouble-fête
« Je pense que son soutien est assez faible, peut-être autour de 10%, mais cela suffirait à priver l'opposition d'une victoire absolue au premier tour », analyse Soner Cagaptay, directeur du programme de recherche turc du Washington Institute, et qui qualifie le candidat de « centriste et populiste ». Une projection confirmée dans les sondages. Avant la candidature de l’outsider, Kemal Kiliçdaroglu, crédité à plus de dix points d’avance sur son principal rival, avait des chances de passer la barre des 50% de voix dès le premier tour. L’arrivée du troisième candidat le situe dans une position plus délicate. Selon l’institut de sondage Metropoll Turkey, estimé fiable, le chef de l’opposition bénéficie désormais d’une mince avance (42,6%) face à Recep Tayyip Erdogan (41,1%). Quant à Muharrem Ince, il obtiendrait 5% des voix selon ce même sondage alors qu’une autre prévision, publiée par Yoneylem, le situe à 8,6%.

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« Personne ne gagnera au premier tour. (...) Je gagnerais au premier tour si la majorité électorale était de 15 ans », affirme Muharrem Ince le 4 avril, à la chaîne de télévision turque Habertürk. Celui qui a conquis une partie du jeune public à travers des vidéos de lui en train de danser, publiées à dessein sur le réseau social TikTok, le sait : ses chances de s’imposer face aux deux poids lourds de l’élection présidentielle du 14 mai sont minces.

Mais l’ancien du CHP veut se présenter en alternative à une offre politique vieillissante. Un mois avant les élections, celui qui entend moderniser la Turquie à travers « la technologie, la science, la raison », multiplie les attaques en pointant d’un côté les déboires économiques du reis et en prévenant, de l’autre, qu’une victoire de l’opposition ne ferait que « sortir (le pays) d’une obscurité pour entrer dans une autre ». « Ince sait que Kiliçdaroglu n'est pas un candidat très populaire et que de nombreux électeurs du camp de l'opposition ne sont pas satisfaits de lui, avance Berk Esen, professeur de sciences politiques à l’université Sabanci. Sa stratégie consiste à dire : “Oui, Erdogan ne gère pas bien le pays, mais Kiliçdaroglu, en tant que chef de file du principal parti d'opposition depuis 13 ans, a une grande part de responsabilité dans cette situation. Alors si vous n'aimez pas Kemal, votez pour moi, n'est-ce pas ?” » Un scénario qui a de quoi inquiéter le chef de l’opposition, qui entame alors une série de négociations avec son ancien allié pour le convaincre de rejoindre son camp, en vain.

Cheval de troie
Pour les partisans de l’Alliance nationale, la coalition de Kiliçdaroglu allant de la gauche à l’extrême-droite, la persistance de Muharrem Ince à ne pas se retirer de la course suscite un vif mécontentement, certains soulignant un égo surdimensionné quand d’autres le taxent d’irresponsable, aveugle aux enjeux historiques que présentent ces élections, parmi lesquels, la chute d’un président fortement contesté. Car le candidat entend prendre sa revanche sur la présidentielle de 2018, durant laquelle il avait perdu face au président turc, avec 25% des voix. Une performance que beaucoup ont qualifié de lamentable et qui avait signé la fin du candidat au sein du CHP.

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« Compte tenu de son passé et de ses relations avec le CHP, c'est tout simplement inacceptable, déplore Yeliz, 35 ans. Il y a tellement à perdre… Les votes divisés seront en faveur d'Erdogan », juge-t-elle, relayant certaines théories qui voient dans M. Ince un « cheval de Troie » du Parti de la Justice et du développement (AKP), la formation présidentielle. Pour Soner Cagaptay, s’« il n’existe pas de lien organique entre Ince et Erdogan », il est certain que ce dernier voit d’un bon œil la perspective d’une opposition divisée, et n’hésite pas à lui laisser « un espace médiatique important, particulièrement sur les chaînes pro gouvernementales ».

« Il va probablement rester dans la course pour jouer les trouble-fêtes jusqu'au second tour », envisage Soner Cagaptay. Car avec sa candidature, Muharrem Ince entend surtout prouver qu’il incarne une « présence » indéniable dans le paysage politique, estime Berk Esen. Une posture dont il pourrait user pour imposer ses conditions après le premier tour, notamment en vue d’un report de voix. Selon une étude menée par Metropoll Turkey, à la question « Pour qui voteriez-vous si Muharrem Ince retirait sa candidature ? », 30,5% des répondants donnent leurs voix à Kemal Kiliçdaroglu, contre 23,4% pour Recep Tayyip Erdogan et 24,3% pour Sinan Ogan, chef d’un petit parti d’extrême droite et quatrième candidat, crédité à 2% des intentions de vote.

« Si Ince est un politicien rationnel, il négociera probablement directement avec le chef de l’opposition », suggère Berk Esen. Et pourrait troquer son soutien contre « un cabinet ministériel » par exemple. « C’est un jeu très risqué », insiste tout de même le professeur. Car si l'AKP gagne les élections, il « sera accusé par l’opposition d’avoir mené Erdogan au pouvoir ». 

« Je ne me positionnerai jamais contre Kiliçdaroglu. Je ne suis pas une personne déloyale », lançait Muharrem Ince sur un plateau de télévision, quelques semaines avant l’élection présidentielle de juin 2018 pour laquelle il concourait sous la bannière du Parti des républicains du peuple (CHP). Une sortie qui visait alors à calmer les soupçons de guerres intestines entre...

commentaires (2)

Chaque pays a ses traîtres et un joker aux mains des corrompus au pouvoir pour torpiller les projets des patriotes honnêtes. Ils l’utilisent lorsqu’ils voient qu’ils sont sur le point de perdre la manche et sont prêts à tout pour instaurer le chaos qui aurait raison de leur pays s’ils ne parviennent pas à rester au pouvoir. Nous avons malheureusement eu l’amère expérience avec plus d’un traître dans notre pays qui ont fait que le pays n’est plus puisqu’ils l’ont troqué contre des dollars et des titres pompeux. Ils restent en mission jusqu’à sa totale disparition et nous gavent de leur patriotisme simulé et leur discours fallacieux pour convaincre alors que leurs actes prouvent le contraire de leurs dires.

Sissi zayyat

12 h 27, le 16 avril 2023

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Commentaires (2)

  • Chaque pays a ses traîtres et un joker aux mains des corrompus au pouvoir pour torpiller les projets des patriotes honnêtes. Ils l’utilisent lorsqu’ils voient qu’ils sont sur le point de perdre la manche et sont prêts à tout pour instaurer le chaos qui aurait raison de leur pays s’ils ne parviennent pas à rester au pouvoir. Nous avons malheureusement eu l’amère expérience avec plus d’un traître dans notre pays qui ont fait que le pays n’est plus puisqu’ils l’ont troqué contre des dollars et des titres pompeux. Ils restent en mission jusqu’à sa totale disparition et nous gavent de leur patriotisme simulé et leur discours fallacieux pour convaincre alors que leurs actes prouvent le contraire de leurs dires.

    Sissi zayyat

    12 h 27, le 16 avril 2023

  • Une Turquie démocratique et bien moderne n'a pu se réaliser avec Erdogan qui a usé de ses performances anti démocratiques et agressives.

    Esber

    05 h 23, le 16 avril 2023

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