Raï : "Jusqu'à quand le Liban restera-t-il le théâtre de tous les hommes armés ?"

Le patriarche maronite Béchara Raï a dénoncé, samedi, le fait que le Liban soit "le théâtre de tous les hommes armés", après la dégradation militaire jeudi à la frontière sud, lorsqu'une trentaine de roquettes avaient été tirées en direction d'Israël, blessant une personne et causant des dégâts matériels. En riposte, les forces israéliennes ont attaqué vendredi le Liban-Sud et la bande de Gaza, affirmant viser des positions du mouvement palestinien Hamas.

Dans son homélie prononcée le Samedi saint, veille de la Pâque catholique, Mgr Raï a dénoncé "des armes illégales et non contrôlées qui amènent le Liban et son peuple à subir des frappes et des guerres qu'ils n'ont ni décidées, ni voulues, comme ce qui s'est passé hier à la frontière sud".

Cité par l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), le chef de l'Eglise maronite a déploré les récentes tensions avec Israël qui surviennent "malgré les décisions du Conseil de sécurité de l'ONU, notamment la résolution 1701", qui avait mis fin en 2006 à une guerre entre Israël et le Hezbollah, parti-milice affilié à l'Iran. "Jusqu'à quand le territoire libanais restera-t-il le terrain de tous les hommes armés ?", a-t-il dénoncé.

L'escalade des tensions sur le front israélo-libanais observée ces derniers jours est en effet sans équivalent depuis 2006. Les tirs de roquettes depuis le Liban se sont produits au lendemain de l'irruption violente mercredi de la police israélienne dans la mosquée al-Aqsa à Jérusalem, troisième lieu saint de l'islam, afin d'en déloger des Palestiniens qui s'y étaient barricadés.

Israël a riposté aux tirs de roquettes et affirmé y avoir frappé trois "infrastructures" appartenant au Hamas, dans la zone de Rachidiyé, où se trouve un camp de réfugiés, près de Tyr. Ces raids aériens ont débuté vendredi à 4h (heure locale), mais ont été brefs. Vendredi matin, la situation était revenue à la normale au Liban-Sud, et un calme précaire prévalait dans les zones touchées par les frappes. Mais en début de soirée, l'Etat hébreu a annoncé avoir abattu un drone ayant survolé son territoire depuis le Liban.

Evoquant la situation politique bloquée au Liban, le cardinal Raï a estimé que les députés libanais doivent "élire un président de la République qui bénéficie de la confiance à l'intérieur et à l'extérieur du pays, sans quoi leur Parlement restera bloqué et ne pourra légiférer". Depuis septembre dernier, onze séances électorales se sont tenues, mais les députés ne sont parvenus à élire un candidat pour succéder à Michel Aoun, le Liban se retrouvant sans président.

"Ils (les députés) occupent un poste vidé de son contenu, avec un Etat sans gouvernement de pleins pouvoirs, des ministères et des institutions publiques entravées, une justice à l'arrêt et soumise à l'influence politique, la catastrophe de l'explosion au port de Beyrouth et des victimes tombées dans l'oubli", a listé le patriarche. L'explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth a fait plus de 220 morts, blessé au moins 6.500 personnes et ravagé des pans entiers de la capitale, alors que l'enquête piétine depuis des mois en raison d'ingérences politiques, judiciaires et sécuritaires flagrantes.

Mgr Raï a également évoqué un sujet qu'il aborde souvent : "La présence de 2,3 millions de déplacés syriens qui épuisent les capacités de l'Etat, perturbent la paix sociale et prennent aux Libanais leur pain quotidien". "Ils vont en Syrie et reviennent par des points de passage, légaux ou non, de façon continue et ostensible", a-t-il dit. Et d'insister ainsi : "La communauté internationale les protège aux dépens du Liban pour des raisons politiques, qu'elles soient visibles ou cachées."