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Nos Lecteurs ont la Parole

Le temps ne nous appartient plus

À la fameuse question « quel est le taux de change aujourd’hui ? » s’ajoute dorénavant « quelle heure est-il chez toi ? » Entre le taux officiel, le taux Sayrafa, le taux du marché noir et maintenant deux fuseaux horaires, la confusion est totale. Vivons-nous dans un même pays ? Une décision prise quelques jours avant le passage à l’heure d’été lors d’une discussion frivole entre un Premier ministre premier de la classe et un chef du Parlement satisfait de son élève. Mais derrière ce choix de faire coïncider le passage à l’heure d’été avec la fin du ramadan se cache quelque chose de beaucoup plus grand. Un moyen de faire diversion alors que le pays est en voie de disparition, que l’économie est au bord de l’asphyxie, que la monnaie nationale s’évapore et que le peuple se meurt ou s’envole. Quoi de mieux que de diviser encore une fois les Libanais et de les occuper avec des histoires de religion pendant que d’autres travaillent en silence. Au plus grand plaisir des fanatiques des deux communautés qui s’en sont donné à cœur joie de commenter cette décision en apportant un grain de leur théorie fasciste. Comme si le fossé entre musulmans et chrétiens avait encore besoin d’être creusé. À quand la séparation des cultes et de l’État pour pouvoir condamner l’ingérence des religions en politique. Car au Liban, tout peut prendre une dimension confessionnelle.

Et pourtant il n’y a rien de religieux là-dedans. Si nous voulons suivre les préceptes du ramadan, il ne s’agit pas de confort ou de facilité. Bien au contraire, la mise à l’épreuve de l’homme dans sa spiritualité est demandée et la force mentale est sollicitée. De plus, le musulman qui auparavant a observé le jeûne durant les longues heures chaudes du mois d’août n’est en aucun cas affecté par le changement d’heure. Mais il est plus pratique de semer la zizanie communautaire autour d’un sujet aussi futile, le temps de faire oublier la construction de ce mystérieux terminal 2, l’explosion du 4 août et l’argent porté disparu des déposants. N’apprendrons-nous donc jamais ? « Diviser pour mieux régner » ou encore « La religion est l’opium du peuple ». Certains ont vu deux dirigeants « musulmans » faire ce choix en l’absence d’une autorité chrétienne. D’autres ont vu un chef de guerre et un corrompu embobiner le peuple pour leurs propres intérêts, une fois n’est pas coutume. Finalement, tout est une question de perspective. Cet échange a montré une fois de plus l’incompétence de la classe dirigeante et que l’avenir du Liban se joue désormais entre les mains des grandes puissances. Ces dernières doivent s’amuser de voir que les marionnettes au pouvoir se contentent de prendre des décisions insignifiantes qui ne feront qu’enfoncer le pays dans la misère. Depuis toujours, les ingérences étrangères sont permises sur le sol libanais mais dénoncées ailleurs. L’Arabie saoudite et la France ne se cachent pas de discuter du dossier libanais. La Syrie impose, encore et toujours, son président. L’Iran dicte la politique à suivre à sa milice locale. Décidément, nous vivons dans un semblant de souveraineté.

Il y a eu cette célèbre phrase « Vous les avez élus ! » du président français Emmanuel Macron quelques jours après l’explosion du 4 août. Supposons que certains les ont élus, par « choix du moins pire », par intimidation, par conviction, par intérêt… alors peut-être, oui, nous les avons élus. Mais aujourd’hui, qui les maintient au pouvoir ? Quand on sait que tous ces politiciens possèdent des comptes bancaires à l’étranger mais que les sanctions ne tombent pas. Alors qu’il a fallu moins d’une semaine pour bloquer les comptes des oligarques russes dès le début de la guerre en Ukraine. Que le président russe Vladimir Poutine est poursuivi pour crime contre l’humanité mais que Beyrouth a explosé en mille morceaux et que les criminels, toujours en liberté, négocient en coulisses. Faisons-nous les frais d’une justice à double vitesse ?

Nous pourrons toujours mettre la faute sur autrui mais nous sommes les principaux coupables. Nous sommes un peuple divisé en désaccord sur son identité nationale. Nous avons accepté des criminels de guerre au pouvoir. Nous avons laissé les familles des victimes du 4 août se battre seules oubliant que nous avons tous été victimes ce jour-là d’une manière ou d’une autre, à des degrés différents.

Est-ce donc un mariage que nous avons conclu avec cette classe dirigeante ? Pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce que la mort nous sépare ? À ce rythme-là, la mort n’est plus très loin. Après nous avoir pillés, tués et trahis, aujourd’hui, même le temps ils nous l’ont pris. Ce temps qui ne nous appartient plus.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

À la fameuse question « quel est le taux de change aujourd’hui ? » s’ajoute dorénavant « quelle heure est-il chez toi ? » Entre le taux officiel, le taux Sayrafa, le taux du marché noir et maintenant deux fuseaux horaires, la confusion est totale. Vivons-nous dans un même pays ? Une décision prise quelques jours avant le passage à l’heure d’été lors d’une...

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Vous avez tout dit !

RAPHAEL Charbel

07 h 32, le 30 mars 2023

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Commentaires (1)

  • Vous avez tout dit !

    RAPHAEL Charbel

    07 h 32, le 30 mars 2023

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