Dans le charivari sur la question du changement d’heure, ce qui m’a le plus frappé est l’accent mis par certains partis et médias libanais sur les incommodités relatives à l’aspect technique, à savoir les problèmes de synchronisation, de configuration des routeurs, de mises à jour des plateformes numériques, de facturation en ligne, etc., et sur le caractère improvisé, unilatéral et illégal de la décision prise par le numéro 3 sortant de la république anachronique et bananière à la demande expresse du sempiternel numéro 2.
Comme si, n’eussent été les inconvénients techniques et le caractère tardif de la décision, cette manipulation éhontée du temps serait passée comme une lettre à la poste.
Aucun mot des politiciens et journalistes sur l’accommodement déraisonnable, de nature religieuse et donc antilaïque, à l’origine de cette décision.
Car tout ce raffut est causé par la volonté de retarder le prolongement du jour, de maintenir le couchant à une place convenable pour une rupture confortable du jeûne du ramadan.
Qui a osé être politiquement incorrect et dénoncer cet accommodement religieux dans un État – en principe – laïc ? Tous se sont réfugiés derrière les incommodités techniques et ont sciemment ignoré ou passé sous silence l’accommodement religieux.
Est-ce possible que tous les citoyens d’un pays se voient obligés de vivre au rythme et à l’heure d’une partie de la population pour une question de jeûne ? Lequel touche uniquement les pratiquants de la religion concernée ? Que tout un chantier de développement technique doive être lancé, tout un système réinitialisé par convenance confessionnelle ? Sommes-nous encore aux temps nuageux moyenâgeux ?
Est-ce qu’il manquait aux Libanais, transis économiquement et socialement, cette pomme « temporelle » de discorde ? Ce clivage de plus entre les partisans de l’heure d’hiver et ceux de l’heure d’été ? Si le ridicule, dans ce pays, est devenu inoffensif et ne tue plus, ce n’est pas une raison pour s’en repaître à satiété !
Par ailleurs, comment certains fidèles se permettent-ils de ruser avec Dieu ? De jouer avec le temps pour jeûner moins ? Qu’est-ce que cette hypocrisie ? Jeûnent-ils par obligation ou par conviction ? Au lieu de faire preuve de zèle pour Lui plaire, Lui donner autant qu’Il demande, si ce n’est plus pour mériter la récompense, ils s’appliquent à contourner Son soleil pour se gaver de ténèbres. Au lieu de penser à leurs coreligionnaires dans les pays laïcs où cette manipulation du temps n’est pas possible, qui doivent jeûner sans tricher ; au lieu de faire preuve de solidarité avec eux, de jeûner autant qu’eux ou le temps qu’il faut, ils cherchent à écourter leur privation et répondre à l’appel du ventre plutôt qu’à l’appel de Dieu.
Comment les fidèles et leurs dignitaires acceptent-ils un tel artifice qui porte atteinte à leur piété et à leur pratique religieuse... pour une économie d’une heure ? Comment laissent-ils leurs dirigeants, soi-disant croyants en Dieu, se prendre pour des dieux au point de vouloir reculer, avancer ou figer les aiguilles de l’horloge ?
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