Le mufti de la République Abdellatif Deriane, plus haute instance sunnite au Liban, ainsi que le mufti jaafarite Ahmad Kabalan, proche du Hezbollah ont mis en garde mercredi contre "le chaos" dans le pays et appelé à mettre fin à la vacance présidentielle. Le Liban est sans président depuis la fin du du mandat de Michel Aoun fin octobre 2022 et le gouvernement actuel se contente d'expédier les affaires courantes depuis mai 2022.
Dans un discours prononcé à l'occasion du début du ramadan et relayé par l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), le cheikh Deriane a lancé : "Il faut élire un président et former un gouvernement ou ça sera le chaos, dont on voit déjà les répercussions sur le pays et dont les citoyens paieront le prix".
Dar el-Fatwa, plus haute autorité religieuse sunnite du pays, a indiqué mardi que le jeûne du ramadan commencera le jeudi 23 mars. Dans sa déclaration de mercredi, Abdellatif Deriane appelle à "en recourir à la Constitution et à élire un président pour le pays, aujourd'hui et pas demain". "Nous ne pouvons plus attendre et nous devons répondre aux demandes et aux besoins du peuple, qui a commencé à manquer du minimum pour vivre", a affirmé le mufti Deriane. Il a également commenté les montagnes russes que la livre libanaise a connues mardi, lorsque la monnaie nationale a atteint son plus bas niveau historique à 143.000 LL pour un dollar sur le marché parallèle, avant de remonter brutalement à 110 000 LL après une intervention de la BDL. "Qu'attendez-vous pour agir alors que les gens souffrent de la faim, de la pauvreté et du coût élevé des hospitalisations ? Quel genre de personne êtes-vous ? Et quel genre de fonctionnaires êtes-vous ?", a lancé le cheikh en s'adressant aux hommes politiques.
Le mufti s'est également félicité de l'accord conclu le 10 mars dernier entre l'Arabie saoudite et l'Iran, en Chine, en vue de rétablir leurs relations diplomatiques. Téhéran et Riyad ont déclaré qu'ils rouvriraient leurs ambassades et missions diplomatiques dans un délai de deux mois et qu'ils mettraient en œuvre les accords de sécurité et de coopération économique signés il y a plus de 20 ans.
En 2016, l'Arabie saoudite avait rompu ses relations après une attaque de manifestants iraniens contre des missions diplomatiques saoudiennes à la suite de l'exécution par Riyad d'un religieux chiite vénéré, Nimr el-Nimr.
Compromis présidentiel
Côté chiite, le cheikh Kabalan a aussi mis en garde contre le chaos dans le pays, estimant que la solution réside dans l'élection d'un nouveau président de la République. La communauté internationale "veut qu'il y ait des réfugiés, des migrations, un chaos, un dérapage et des crimes au Liban", a fustigé le mufti la veille du début du ramadan. "La solution est entre les mains des forces politiques", a-t-il affirmé, estimant que "l'existence du Liban est en danger".
"Je dis à nos frères chrétiens et au patriarche maronite : certains veulent faire exploser le pays, le jeu international est très sérieux", a-t-il renchéri, quelques jours après que le chef de l'Église maronite Béchara Raï a convié les députés chrétiens à une journée spirituelle le 5 avril. "Nous ne compromettrons ni le partenariat international, ni la fraternité islamo-chrétienne, ni l'unité du Liban, ni la protection de la décision politique libanaise", a-t-il poursuivi. Pour le mufti Kabalan, "la solution réside dans un compromis présidentiel rapide qui est entre les mains des forces politiques, et dont la porte d'entrée est le Parlement". Ses propos font écho à ceux du tandem chiite Amal-Hezbollah qui appellent à un dialogue élargi en vue de la présidentielle.
Ahmad Kabalan a enfin prévenu que l'existence même du Liban est en jeu" et estimé que "se fier aux promesses internationales est inutile". "Il y a beaucoup d’espoir à la suite de l’accord saoudien-iranien. Le Liban a besoin du compromis des frères, la rupture des relations est le pire danger qui menace le pays", a-t-il conclu.
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