Nouvel épisode dans la polémique opposant le candidat à la présidentielle Michel Moawad au président du Parlement Nabih Berry : le chef du département des relations extérieures des Forces libanaises (FL), Richard Kouyoumjian, a suscité un tollé dans les milieux chiites en prenant la défense de M. Moawad dans un tweet dans lequel il critique la pratique du "mariage temporaire" au sein de cette communauté musulmane.
Ce tweet a été dénoncé par le Conseil supérieur chiite, plus haute instance religieuse de cette communauté au Liban, ainsi que par le Hezbollah.
Les propos de M. Kouyoumjian interviennent alors que la classe politique est divisée depuis des mois autour du choix d'un successeur à Michel Aoun, dont le mandat présidentiel a pris fin le 31 octobre. Si le camp de l'opposition, notamment les FL, continue de soutenir M. Moawad tout en affichant son ouverture à l'élection du commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, le Hezbollah et son allié chiite, le mouvement Amal de M. Berry, soutiennent le chef du Courant des Marada Sleiman Frangié.
"L'expérience in vitro permet de donner naissance à un nouveau-né de père et de mère connus. Quant au mariage temporaire (ou "mariage de jouissance" à durée déterminée, pratiqué par certains musulmans chiites), même s'il est accepté par la religion reste un adultère qui donnera naissance à un bâtard (...)", a écrit M. Kouyoumjian.
L'ex-ministre FL s'en est également pris dans sa publication au "chiisme politique", qu'il a accusé de faire preuve de "condescendance".
زمن قحط الشيعية السياسية مهما بالغت بالفوقية
— Richard Kouyoumjian (@RKouyoumjian) March 2, 2023
تجربة الأنبوب تأتي بمولود شرعي من أب وأم معروفين
بينما زواج المتعة، ولو شرّعه الفقه، يبقى حالة زنى تأتي بلقيط تخجل به أمه، وأبوه الفعلي غير أبوه الإسمي
Jeudi, Nabih Berry et Michel Moawad se sont livrés à un échange tendu d'accusations après des déclarations du chef du Parlement au quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah.
"Notre candidat est connu, il s'agit de Sleiman Frangié. Le vote blanc le désignait sans le nommer", avait indiqué M. Berry . "Lors de la première séance électorale, le 29 septembre, il a obtenu 63 voix. Presque plus que la moitié. Il demeure notre candidat, et tout le monde le sait, nous l'avons assuré plus d'une fois". Le 29 septembre, 63 députés ont voté blanc. Le nom de M. Frangié n'est ressorti qu'une seule fois de l'urne au cours des onze séances électorales.
"Leur candidat, lui, n'est qu'une expérience in vitro", avait lancé le chef du Législatif, dans une critique du camp de l'opposition, qui soutient Michel Moawad.
Le député Moawad n'avait pas tardé à réagir à ces déclarations. "Le chef du mouvement Amal, qui accapare la présidence du Parlement depuis plus de 30 ans, nous a surpris par des propos qui ne correspondent pas à son statut de chef du Législatif mais à une position de milicien", a-t-il fustigé dans un communiqué virulent. Revenant sur les paroles qui le visent, il a dénoncé une "atteinte" à son père, l'ancien président de la République René Moawad, assassiné en 1989.
Le Conseil supérieur chiite menace de porter plainte
Réagissant aux déclarations de M. Kouyoumjian qui s'en prenaient directement à la communauté chiite, le Hezbollah a dénoncé vendredi dans un communiqué "une atteinte aux musulmans chiites au Liban et dans le monde" et des propos "qui montrent la décadence intellectuelle de certaines forces politiques dans le pays (...) et le mélange intentionnel entre les désaccords politiques d'usage et l'atteinte aux croyances religieuses".
"Ces propos devraient être dénoncés par toutes les instances religieuses et les forces politiques", a estimé le parti pro-iranien qui a appelé à des "mesures"à l'encontre de M. Kouyoumjian "de la part des responsables concernés".
Le Conseil supérieur chiite a pour sa part menacé de porter plainte contre Richard Kouyoumjian et dénoncé des "propos dangereux qui constituent non seulement une atteinte criante à la Constitution mais également une atteinte aux règles les plus élémentaires du vivre-ensemble".
Kouyoumjian présente des excuses
Lors d’une intervention dans un talk show politique sur la chaîne MTV jeudi soir, M. Kouyoumjian s’est expliqué : "Je ne voulais pas du tout offenser la communauté chiite. Ce que j'insinuais, en citant le mariage temporaire, c'est le "mariage politique" entre le duo chiite (Amal et Hezbollah) et le chef des Marada Sleiman Frangié". "Le contenu de mon discours se cantonnait au domaine politique uniquement" a-t-il dit. "Ceux qui me connaissent savent bien à quel point je respecte toutes les religions et croyances", a-t-il conclu.
Face au tollé provoqué par son tweet, Richard Kouyoumjian a finalement présenté des excuses vendredi à la communauté chiite. "J'ai employé le terme de +mariage temporaire+ dans mes propos pour décrire la relation entre le tandem Hezbollah-Amal et leurs alliés", a-t-il déclaré dans un communiqué.
"Il s'agit d'une expression employée en politique à l'instar de celle qui fait référence au +mariage maronite+ (une relation dont on ne peut pas se défaire, en référence à la difficulté d'obtenir un divorce chez la communauté maronite). Je m'excuse si mes propos ont été perçus comme une atteinte à la religion par certains chiites", a-t-il conclu.
"Nous ne sommes pas des élèves en classe"
En début d'après-midi vendredi, Michel Moawad est de nouveau revenu, lors d'une conférence de presse, sur son échange tendu avec le président de la Chambre. "Ce qu'a dit M. Berry est inacceptable. Venant de lui ou de n'importe qui d'autre, je n'accepterai pas ces attaques à ma dignité", a-t-il répété aux micros des chaînes locales. "Nous ne sommes pas des élèves en classe", a-t-il ajouté.
The comments of Mr. Kouyoumdjian are not only demeaning to Muslims, they’re also retrograde, and demeaning to women and children. Children born out of wedlock in the West, are given full rights, as they should be. No child should be bullied or remain unregistered and stateless simply because her/ his parents are not legally married, a human rights violation. Mr. Kouyoumdjian should apologize not only to the Chiite community that he has insulted, but also to women. This manifestation of toxic masculinity in our conservative, prudish society, should be contained and controlled. These comments also reflect badly on the LF, a major Party that Mr. Kouyoumdjian is supposed to represent. Our society has a long way to go before embracing progressive human values,
06 h 48, le 04 mars 2023