
Le Premier ministre sortant Nagib Mikati, au cours d’une réunion consacrée à la crise financière mardi au Grand Sérail. Photo Dalati et Nohra
Le Premier ministre sortant Nagib Mikati a pris les devants hier pour tenter de mettre fin définitivement au bras de fer qui oppose la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban Ghada Aoun et plusieurs banques libanaises. Au lendemain d’un passage sur la chaîne al-Jadeed au cours duquel il a affirmé s’attendre à ce que les banques mettent fin à leur grève « dans les prochaines 48 heures », le chef du gouvernement a demandé hier par écrit au ministre sortant de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, de prendre des « mesures appropriées aux circonstances » concernant le dossier. La réponse de Ghada Aoun à cette décision ne s’est pas fait attendre puisqu’elle a accusé sur son compte Twitter M. Mikati de « s’ingérer » dans le travail de la justice. La présidence du Conseil des ministres a ensuite rejeté ces accusations dans un communiqué publié en fin d’après-midi.
Des mesures « déviantes »
Dans sa lettre initiale, le Premier ministre sortant souligne que la juge ne devrait plus être chargée des dossiers concernant les banques, faisant notamment valoir le fait qu’elle est visée par un recours déposé par des représentants de ce secteur afin qu’elle soit dessaisie de ces affaires, et ce malgré le fait qu’elle ait « refusé d’être notifiée » de cette procédure.
Le fait que la procureure « continue de mettre la main sur l’enquête » visant les banques « viole la loi », a insisté le Premier ministre, qui a été jusqu’à qualifier de « déviantes » les différentes mesures prises par Ghada Aoun. Il a enfin cité l’article 751 du code de procédure civile qui prévoit que si un juge fait lui-même l’objet d’une plainte, il ne peut mener aucune action envers celui qui a porté plainte contre lui.
En réaction à cette lettre, le ministre sortant de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, a enjoint dans la même journée les forces de sécurité de ne plus donner suite aux décisions provenant de la procureure générale, dans un courrier signé de sa main et estampillé « très urgent » adressé à la direction générale des Forces de sécurité intérieure ainsi qu’à celle de la Sûreté générale.
Le bras de fer opposant la juge Ghada Aoun, d’un côté, les banques libanaises et la Banque du Liban, de l’autre, constitue l’un des principaux feuilletons politico-financiers qui ont accompagné la crise qui ravage le pays depuis 2019. La magistrate a récemment engagé des poursuites contre la Société générale de banque au Liban (SGBL) et son PDG Antoun Sehnaoui, ainsi que contre la Bank Audi, pour « blanchiment d’argent », après le non-respect d’un délai qu’elle leur avait fixé vendredi dernier pour remettre des documents requis dans le cadre de son enquête sur de nombreuses enseignes du pays. Mardi, la procureure a aussi fait apposer des scellés sur les locaux du centre de données de Bank of Beirut à Mansourié dans le Metn.
Le mandat de Salamé
En grève ouverte depuis le 6 février, les banques exigent l’abandon de ces procédures et l’adoption par le Parlement d’une loi régulant le contrôle des capitaux, trois ans après le début de la crise dans le pays et les sévères restrictions illégales sur les dépôts. Elles dénoncent également un récent jugement rendu contre la Fransabank dans une affaire contre des déposants et demandent « l’abolition pure et simple du secret bancaire au Liban avec effet rétroactif expressément indiqué dans le texte de la loi (n° 306/2022, votée en octobre dernier) », selon les explications fournies par l’Association des banques du Liban dans nos pages le 9 février.
Lundi, le Premier ministre sortant avait exhorté les banques à « calmer le jeu, à cause du danger auquel le pays est confronté », selon des informations communiquées par son porte-parole, Farès Gemayel, à L’Orient-Le Jour. Selon ce dernier, Nagib Mikati a rencontré le président du Conseil supérieur de la magistrature Souheil Abboud et le ministre sortant de la Justice Henri Khoury, pour leur demander de « trouver des solutions ».
Lors de son passage à al-Jadeed, le chef du gouvernement a aussi établi un lien entre la fluctuation du dollar et la grève des banques, et estimé que le taux de change, qui gravite actuellement au-dessus de 80 000 livres pour un dollar, pourrait retomber aux environs de 30 000 si un président de la République était élu. Enfin commentant la possibilité de renouveler le mandat du gouverneur de la BDL Riad Salamé, qui arrive à son terme en juillet prochain, M. Mikati a déclaré qu’il « ne suggérera pas » une prolongation, une éventualité qu’« aucun des ministres n’acceptera ».
Le Premier ministre sortant Nagib Mikati a pris les devants hier pour tenter de mettre fin définitivement au bras de fer qui oppose la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban Ghada Aoun et plusieurs banques libanaises. Au lendemain d’un passage sur la chaîne al-Jadeed au cours duquel il a affirmé s’attendre à ce que les banques mettent fin à leur grève « dans...
commentaires (10)
@K1000 Vous avez 100% raison, mais malheureusement, ce n'est pas quand tout part à vollo qu'on peut la réformer. Cette réforme de la Justice, c'est avant qu'il fallait la faire. Maintenant, c'est trop tard.
Gloups
15 h 19, le 23 février 2023