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Nos Lecteurs ont la Parole

Quelles arrivées sans points de départ ?

« Au point de départ du film, nous avons le conflit entre une jeune femme et ses parents. Des parents forcément d’une autre génération et qui ont vite fait de juger “anormal” tout ce qui n’entre pas dans leur conception du moralement acceptable... Loach réussit le pari de faire un film vivant, captant une réalité vivante, et une œuvre très construite, structurée autour d’un paradoxe... C’est en voulant la rendre “normale” que les parents vont faire de Janice une inadaptée irrémédiable. » Family Life, de Ken Loach : l’insoutenable pression de la « normalité », Herve Aubert, rédacteur en chef de LeMagduCiné, 2020

La norme concerne bien plus qu’un rôle accompli. Elle signifie surtout la disposition à se mettre en échange avec soi lorsque l’habitude prend le pas sur le mouvement interactif. La reconnaissance de la différence en tout lieu et l’effort de bâtir des troncs communs au lieu des conflits sous-jacents peuvent nous servir autant dans l’éducation de l’enfant, et celle des parents et de toute personne chargée de composer avec les autres. Après l’avoir tant attendu, le couple va aimer le nouveau-né pour ce qu’il présente. Papa explore l’arrivée de son fils et maman va improviser avec lui un quotidien inhabituel. Ils vont mettre de côté de précieux rêves et reconnaître ce qu’ils n’arrivent ni à saisir ni à répondre, car bébé André pleure plus souvent malgré les bons gestes de maman. Elle va devoir patienter pour chantonner plus longtemps sa mélodie. Cependant, c’est lorsque le jeune commence à parler qu’il vous répond autrement que la communication perd parfois de son souffle.

Cela ressemble étrangement au monde de tant de responsables qui ne cohabitent pas avec les adaptations nécessaires propices aux électeurs. Cela nous rappelle le politicien en déperdition qui se refuse de se dégager de ses préjugés afin de pallier aux colères des gens. Il va découvrir une inquiétude semblable aux parents qui ne répondent pas à ses attentes. C’est probablement là où l’on retient les inconvenances générationnelles de tant de Libanais à tout âge. Eux acceptent de subir le silence de leur non-progression en faisant taire des convictions cohérentes. Les milieux implicites prennent leur part, vu que le supposé-faire prévaut. C’est ainsi que des « normes » anormales confirment « ce qui n’entre pas dans leur conception du moralement acceptable ».

L’expérience d’une autonomie déjà acquise avant l’âge adulte instruit tout parent sur l’importance du processus entrepris depuis la découverte du nouveau-né jusqu’à l’exploration de toutes les formes de communication qui favorisent l’harmonie et l’évolution des liens. Si le choix spontané et délibéré est freiné en faveur de ce qui devrait être énoncé ou pas, retenu ou censuré, le regard de l’autre, de sa verticalité, de ses susceptibilités et de ses dépendances persistantes tout au long d’une vie va façonner des prises de position cloîtrées et rigides. Ainsi, quand la tutelle sécurisante en premier domine contrairement à l’évolution proprement indépendante d’un individu, la prise de conscience civile demeure une aspiration et une projection strictement mentale, étrangère à la pratique d’une indépendance vécue effectivement. Le Libanais souffre de cet abîme non expressif qui finit par concevoir l’autre comme l’interprète et le responsable de la misère relationnelle alors que le pays s’effondre à tant de niveaux, socio-économique et politique. Des générations durant jusqu’aux dernières élections parlementaires, la majorité du choix est restée la même. Après avoir reconduit une majorité d’élus, beaucoup s’en plaignent sans plus. On a chaque jour les réponses semblables des mêmes, alors que le changement peut déjà être initié en nos lieux de vie afin que les aînés sortent de la léthargie du préconçu. Il s’agira de pratiquer ensemble en nos divers contextes des comportements affranchis des craintes et des angoisses traditionnelles.

Un message à tant de Libanais qui évitent la révision du fait accompli : le plus urgent est de trouver ce qui nous rassemble en des épreuves dramatiques. En pleine misère, la déresponsabilisation nous conduit à fuir la révision de nos choix d’électeurs. Sans même nous en douter, on persiste alors dans l’immobilité sans les corrections indispensables. N’attendons plus donc de nouvelles arrivées sans déclencher en nous un premier départ novateur. Arrêtons de nier des gaffes croisées et des accusations répétées afin de nous prendre en charge et de faire grandir enfin l’enfant en nous-même. Devenons, par des actes transparents, chaque changement accessible et nouveau !

En reconnaissant le vrai problème de leurs conditionnements aux règles des autres, les parents, les enfants et la société de demain pourront peut-être éviter de demeurer des inadaptés imperturbables et irrémédiables.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

« Au point de départ du film, nous avons le conflit entre une jeune femme et ses parents. Des parents forcément d’une autre génération et qui ont vite fait de juger “anormal” tout ce qui n’entre pas dans leur conception du moralement acceptable... Loach réussit le pari de faire un film vivant, captant une réalité vivante, et une œuvre très construite, structurée autour...

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