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Moyen-Orient - Liberté d’expression

Le Parlement européen condamne le sort réservé par Rabat à ses journalistes

L’institution européenne a adopté ce jeudi une résolution non contraignante appelant le Maroc à respecter la liberté d’expression et des médias dans le pays.

Le Parlement européen condamne le sort réservé par Rabat à ses journalistes

Des manifestants portant une bannière à l’effigie du journaliste marocain Omar Radi, symbole du harcèlement judiciaire des autorités chérifiennes à l’encontre des voix dissidentes, le 28 décembre 2019, à Rabat. Photo d’archives AFP

La décision est éminemment symbolique. Pour la première fois depuis des années, le Parlement européen a voté ce jeudi une résolution condamnant le traitement réservé par Rabat à ses journalistes. Largement adopté à Strasbourg – 356 voix pour, 32 contre et 42 abstentions –, le texte demande « instamment » aux autorités marocaines de « respecter la liberté d’expression et la liberté des médias » et de « garantir aux journalistes incarcérés (…) un procès équitable ».

Si la résolution est non contraignante, elle n’en est pas moins historique.

« C’est la première fois depuis 25 ans que le Parlement européen adopte une résolution sur le Maroc, souligne Khaled Drareni, représentant de Reporters sans frontières en Afrique du Nord. On espère qu’elle s’accompagnera de gestes diplomatiques de la part des pays européens qui, au nom de la relation diplomatique et économique avec le royaume chérifien, ne veulent pas prendre le risque de vexer leur interlocuteur. » Le timing de cette décision est loin d’être anodin. Il intervient alors que le Parlement européen est éclaboussé par un scandale de corruption, sur lequel se penchent actuellement les enquêteurs belges. Une affaire ayant d’abord mis en cause le Qatar, puis le Maroc, soupçonné d’avoir versé des pots-de-vin à un ex-eurodéputé socialiste italien en échange de son influence sur les politiques européennes à l’égard du Sahara occidental (territoire désertique revendiqué à la fois par Rabat et par le mouvement sahraoui du Front Polisario, soutenu par Alger). Un contexte ayant certainement favorisé le vote de jeudi au Parlement européen, font valoir de nombreux observateurs. Au-delà de ce scandale, le Maroc avait également fait les gros titres en juillet 2021, alors qu’une vaste enquête menée par un consortium de 17 médias internationaux – basée sur les données de l’organisation Forbidden Stories et d’Amnesty International – a révélé que près de 50 000 personnalités à travers le monde avaient pu être espionnées par certains gouvernements, parmi lesquels figurent Rabat. Accusé d’avoir utilisé à cette fin le logiciel de piratage Pegasus, développé par l’entreprise israélienne NSO Group Technologies, le Maroc s’était défendu en enclenchant des procédures judiciaires dans plusieurs pays.

Des motifs étrangers

C’est via ce logiciel que le royaume chérifien est soupçonné d’avoir espionné le téléphone du journaliste marocain Omar Radi, symbole du harcèlement judiciaire exercé par le pays à l’encontre des voix dissidentes. « Omar a enquêté sur la famille royale, sur ses proches. Il a réalisé des reportages pour plusieurs médias, marocains comme étrangers, sur la corruption et l’abus de pouvoir, rappelle Khaled Drareni. C’est ce qui a fait de lui la cible des autorités marocaines et qui lui a valu de fausses accusations. » Arrêté en 2020 puis condamné en appel en mars dernier à six ans de prison ferme pour « viol » et « espionnage », le cas du journaliste indépendant de 36 ans a notamment été soulevé jeudi par les eurodéputés. « De nombreux droits de la défense n’ont pas été respectés, ce qui entache d’iniquité et de partialité l’ensemble du procès », ont-ils insisté. En ligne de mire du régime de Rabat, Omar Radi avait déjà été condamné à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir critiqué, dans un tweet datant d’avril 2019, l’iniquité d’un procès d’un groupe de militants du Hirak. Des méthodes qui illustrent « le rôle décisif du Hirak du Rif (mouvement de contestation populaire ayant éclaté à l’automne 2016 et dénonçant notamment les fractures opposant cette région du Nord à l’État central marocain) dans le basculement du pays dans une logique bien plus répressive », témoigne Imad Stitou, journaliste et proche de Omar Radi ayant écopé de six mois de prison avec sursis et six mois ferme dans le cadre de la même affaire.

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Depuis 2016, les peines de prison ne sont plus inscrites dans le code de la presse marocain. Mais le pouvoir le contourne en ciblant les journalistes sur des motifs étrangers à l’exercice de leur métier. « Accuser les journalistes de crimes sexuels est devenu une pratique récurrente des autorités marocaines ces dernières années, observe Imad Stitou. Si elles ne peuvent les poursuivre pour leurs écrits et leurs critiques, elles invoquent des crimes sexuels pour les faire taire. » Des procédés qui avaient notamment été utilisés à l’encontre du fondateur et propriétaire du quotidien arabophone Akhbar al-Yom, Taoufik Bouachrine, et du rédacteur en chef au sein de ce même média, Souleiman Raissouni. Si Imad Stitou salue la décision symbolique prise par le Parlement européen, il espère désormais qu’elle forcera Rabat à revoir sa politique en matière de liberté d’expression et des médias. « La solution doit être trouvée en interne, à l’échelle nationale, et cela ne passera que par la libération des journalistes emprisonnés et de tous les détenus politiques au Maroc. »

La décision est éminemment symbolique. Pour la première fois depuis des années, le Parlement européen a voté ce jeudi une résolution condamnant le traitement réservé par Rabat à ses journalistes. Largement adopté à Strasbourg – 356 voix pour, 32 contre et 42 abstentions –, le texte demande « instamment » aux autorités marocaines de « respecter la liberté...

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