C’est une feuille de route qui donne un avant-goût de ce à quoi ressembleront les prochaines séances consacrées à l’élection d’un président de la République qu’a tracée, dimanche soir, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea. Dans un entretien sur la chaîne télévisée al-Jadeed, le leader chrétien s’en est pris à ses deux redoutables adversaires, le Hezbollah et le Courant patriotique libre, tirant à boulets rouges sur le parti chiite, avant de couper la route à toute entente sur un candidat de compromis avec le CPL.Si le chef des FL a réitéré certaines positions déjà connues au sujet de l’échéance présidentielle, il a toutefois tenu à définir cette fois-ci la ligne rouge de sa formation, en l’occurrence l’élection d’un président proche du Hezbollah. Une éventualité qu’il fera tout pour contrer, jure M. Geagea, mais sans aller jusqu’à contrecarrer le jeu démocratique si le candidat du Hezbollah – le chef des Marada Sleiman Frangié – obtient finalement les voix nécessaires. Il a ainsi précisé que son parti ferait obstruction, du moins « dans un premier temps », si un candidat du Hezbollah à la présidentielle obtenait 65 voix lors d’une session parlementaire électorale, mais si le succès de ce candidat à la magistrature suprême se confirme, les FL devront respecter la Constitution. Une position de principe qui n’est pas nouvelle, sauf que Samir Geagea s’est engagé, solennellement, à faire tout ce qui est en son possible pour barrer la voie à cette éventualité.
« Ne pensez pas que nous élirons un président sous la contrainte, même si cela devait prendre cinquante ans », a tonné M. Geagea, à l’intention du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Des propos qui sonnent comme une réponse aux propos tenus par leader chiite dans son dernier discours : « Si quelqu’un attend les négociations entre l’Iran et les États-Unis (sur l’accord nucléaire), il risque d’attendre dix ans (avant que nous ayons un président). Ceux qui attendent une entente entre l’Arabie saoudite et l’Iran : vous allez attendre longtemps et il n’y aura pas de président au Liban. »
Le leader des FL a assorti ses propos de menaces à peine voilées, sans toutefois révéler ce qu’il en est réellement, pour entretenir l’ambiguïté. Laissant entendre que les FL ne laisseront pas pourrir la situation en se croisant les bras, le leader chrétien a affirmé que sa formation « refuse la mainmise du Hezbollah sur la légalité libanaise, sa façon de faire et son insistance à faire élire un président qui lui est proche. Si cela persiste, nous reconsidérerons notre action politique et nous ferons à ce moment-là ce qui nous conviendra », a-t-il dit. Interrogé sur le sens de ces propos, le porte-parole du parti, Charles Jabbour, a dit ne pas savoir exactement ce que le chef des FL a voulu dire ou s’il voulait en dire plus. « M. Geagea a lancé des pistes de réflexion sans pour autant dire quels sont les choix possibles envisagés. Le cœur du sujet est qu’il est impossible de continuer sur ce chemin alors que l’effondrement se poursuit », a indiqué M. Jabbour.
Bien que les FL ne cessent de réitérer leur souhait de voir un président – mais pas n’importe lequel – élu le plus tôt possible pour redresser le pays et régulariser le fonctionnement des institutions, Samir Geagea a clairement exprimé sa volonté de bloquer toute tentative de parachutage d’un chef d’État du camp de la moumana’a. « Nous n’arriverons pas à l’élection du candidat auquel pense » le parti chiite, a-t-il tranché tout en soutenant, paradoxalement, que les FL n’accepteront aucunement que le scénario du blocage de la présidentielle durant deux ans en 2014 se réitère. « Cela signifie que cette fois-ci, il (le Hezbollah) ne pourra pas nous avoir à l’usure », décrypte M. Jabbour.
Contacté, un membre du bureau politique du parti chiite a refusé de commenter les propos du leader chrétien, une attitude devenue constante au sein du Hezbollah qui évite de s’inviter dans la polémique. « Le timing de cette escalade s’explique par le fait que M. Geagea cherche à faire monter les enchères avant les négociations, mais aussi pour devancer toute dynamique externe (en vue d’un règlement de la crise ) qui serait envisagée par les puissances arabes et régionales », commente pour L’OLJ Kassem Kassir, un expert des questions relevant du Hezbollah. Une réunion quadripartite devrait se tenir début février à Paris entre des représentants de la France, des États-Unis, du Qatar et de l’Arabie saoudite pour évoquer le dossier libanais.
Concernant M. Frangié, M. Geagea a justifié le refus des FL d’avaliser sa candidature « parce qu’elles ont des responsabilités vis-à-vis des électeurs qui ont voté » pour les députés de la formation. « S’il n’y a pas de veto saoudien, qu’ils (le Hezbollah, NDLR) l’élisent président », a-t-il ironisé avant de préciser que Riyad ne soutient pas de candidat précis mais oppose toutefois un veto sur certaines personnes. Allusion claire à M. Frangié.
« Pas d’entente possible avec Gebran »
Le leader des FL a tenu des propos tout aussi durs à l’égard du CPL et de son chef. « Ce que Gebran Bassil souhaite n’est pas sérieux. Il veut se hisser à la présidence sinon y faire parvenir quelqu’un sur qui il aura un contrôle », a dit M. Geagea avant de couper court à toute possibilité de retrouver le camp aouniste à mi-chemin autour d’un candidat de compromis. « Il n’y aura pas de candidat commun avec Gebran Bassil. S’il avait un flair politique, il aurait soutenu Michel Moawad », le candidat que les FL, le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt, les Kataëb et des députés indépendants soutiennent. Pour le CPL, les propos de M. Geagea démontrent clairement qu’il n’est aucunement à la recherche de solutions. « Au moment où le CPL et son chef œuvrent à établir un dialogue avec toutes les parties politiques à la recherche d’un compromis, M. Geagea est venu dire haut et fort qu’un entente est impossible sans même envisager que cela pourrait être une issue, commente Rindala Jabbour, ancienne responsable de communication au sein du parti orange. Par conséquent, il s’est clairement révélé comme étant le principal poseur d’obstacles à toute solution. » Une accusation que le camp aouniste justifie par le refus de Geagea d’accepter une rencontre chrétienne sous le parrainage de Bkerké ou même de rencontrer M. Bassil lorsque ce dernier a effectué, il y a quelques semaines, une tournée auprès des principaux leaders politiques pour tenter, comme il le proclame, d’ouvrir une brèche dans le mur.
Bien entendu le camp des traîtres anti-libanais alias le 8 mars n'arrivera jamais à obtenir 65 voix pour Frangié ou Bassil ou tout autre pantin et va continuer son obstruction, n'ayant d'autre solution. Et de toutes manières le vide institutionnel convient parfaitement à l'illégalité de la milice jaune. Surtout le vide présidentiel. Face à cela il n'y a qu'un seul plan B: mobiliser la rue pour demander une séance parlementaire continuellement ouverte, qu'on enferme les députés au parlement jusqu'à ce qu'ils élisent un président. Et si cela ne marche toujours pas, ce qui hélas est très probable, alors on les remplace, on organise des législatives anticipées avec déclaration obligatoire par chaque liste de son candidat à la présidence, et de la sorte on se débarrasse des votes blancs et des votes pour le "Liban nouveau" ou pour des inconnus même pas candidats, ce qui dans les trois cas revient au même. C'est la meilleure façon de casser la stratégie du vide du Hezbollah. C'est le seul plan B possible, c'est le seul plan de sauvetage pour le Liban. Les FL, seul parti de masse opposé au Hezbollah et seul parti de masse de tout le Moyen-Orient menant la lutte contre l'entité néo-safavide sont les seules en mesure de mobiliser la rue pour imposer ce plan B, et c'est certainement ce que suggère implicitement Samir Geagea. Espérons qu'il ne tarde pas trop.
21 h 57, le 17 janvier 2023