Le ministre libanais sortant de l'Énergie, Walid Fayad, a annoncé lundi, dans une conférence de presse, qu'il avait envoyé des décrets à signer aux autres ministres, pour réclamer une avance du Trésor de 300 millions de dollars destinés à couvrir les frais d'approvisionnement en carburant des centrales électriques du pays, qui souffre d'un manque aigu de courant. Le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, qui campe sur ses positions de convoquer un Conseil des ministres mercredi à 10h pour traiter ce dossier, a rejeté sans surprise 'l’initiative' de M. Fayad, lui renvoyant ses projets de décrets afin de lui demander qu'ils ne soient signés que par les ministres concernés. L'ordre du jour de la réunion gouvernementale prévue par M. Mikati contient notamment le financement des stocks de carburant pour Electricité du Liban et l'accord d'importation de pétrole avec l'Irak.
La procédure concernant ces décisions divise le gouvernement Mikati, le fournisseur public Électricité du Liban (EDL) ayant dû éteindre la semaine dernière ses centrales faute de carburant, une situation qui a provoqué des tensions politiques. En effet, le chef du gouvernement affirme qu'un Conseil des ministres est nécessaire pour approuver ces dossiers tandis que M. Fayad, à l'instar du Courant patriotique libre (aouniste), dont il est proche, estime qu'un décret de son ministère, signé par les autres ministres, serait suffisant. Les principales forces chrétiennes du Liban - CPL et Forces libanaises (FL) - estiment qu’en cette période de vacance présidentielle, le gouvernement ne devrait se réunir que pour examiner les dossiers urgents.
Quatre navires
Lors de sa conférence de presse au siège du ministère à Beyrouth, M. Fayad a expliqué que, sur les 300 millions de dollars demandés, environ la moitié sera utilisée pour payer, dans un premier temps, les chargements de quatre navires se trouvant actuellement au large du Liban, et les frais d'entretien des centrales. Ces stocks attendent depuis plusieurs semaines un financement de l'État libanais.
Il s'agit, selon M. Fayad, de deux navires de gas-oil, dont le financement à hauteur de plus de 60 millions de dollars avait été préalablement convenu avec la Banque du Liban (BDL) sans toutefois avoir encore été débloqué. Les deux autres navires en attente de déchargement contiennent, eux, du fuel de grades A et B, pour un montant de 45 millions de dollars.
La seconde moitié du montant, soit quelque 140 millions de dollars, servira à continuer à faire fonctionner les centrales et à les approvisionner, après utilisation des stocks des quatre navires. Ces 300 millions de dollars seront utilisés jusqu'à ce que l'État commence à percevoir les montants des factures électriques émises sur base des nouveaux tarifs, applicables à partir du 1er novembre dernier, mais qui n’auraient été collectées qu’à partir de fin février.
Avec ce financement, cela permettra selon le ministre Fayad, de produire de quatre à cinq heures de courant par jour, soit la moitié de ce qu'il avait prévu dans son plan d'urgence.
Le ministre sortant a annoncé, dans ce cadre, avoir envoyé les décrets relatifs à cette avance à tous les ministres et que certains d'entre eux, qu'il n'a pas nommés, les ont déjà signés. D'après une version de ces textes, distribuée à la presse par le bureau de presse de M. Mikati, les ministres proches du CPL et de l'ancien président Michel Aoun ont signé les documents, à savoir : Abdallah Bou Habib (Affaires étrangères), Walid Nassar (Tourisme), Maurice Slim (Défense), Henri Khoury (Justice), Hector Hajjar (Affaires sociales) et Issam Charafeddine (Déplacés).
Amélioration "d'ici quelques jours"
Si les décrets sont signés rapidement, cela devrait assurer une amélioration de la production "d'ici quelques jours", a promis Walid Fayad.
Il a encore annoncé avoir envoyé, parmi ces décrets, un texte concernant le renouvellement de l'accord avec l'Irak pour l'importation de carburant, qui permet à l'Etat libanais de s'approvisonner auprès de ce pays en échange de "services". Le carburant acheté, qui ne peut pas être utilisé dans les centrales libanaises, fait ensuite l'objet d'un troc avec de tierces compagnies. Si la procédure suit son cours rapidement, "le premier bateau" devrait arriver début février au Liban. M. Fayad n'a toutefois pas précisé s'il s'agirait du chargement irakien ou du carburant troqué.
Le ministre est enfin revenu sur l'initiative des États-Unis pour importer du courant jordanien et du gaz égyptien au Liban, qui est toujours en l'attente d'un financement de la Banque mondiale (BM). Il a souligné que dès que le processus pour la nomination de l'autorité indépendante de l'électricité sera finalisé, la BM sera obligée d'avaliser ce financement, les autres réformes réclamées ayant été lancées. Il s'agit notamment de l'augmentation des tarifs et de la mise en place d'une stratégie pour limiter le gaspillage de courant.
Ordre du jour du Conseil
Plus tôt dans la journée, le Grand Sérail avait envoyé une invitation officielle aux membres du cabinet sortant pour un Conseil des ministres prévu mercredi à 10h.
Ce Conseil a pu être convoqué après que le Premier ministre a reçu l'approbation conditionnelle du Hezbollah, allié politique du CPL, à une telle réunion, la condition du parti chiite étant que l'ordre du jour ne se résume qu'à la question de l'électricité. Selon cet ordre du jour publié par le siège du gouvernement, les ministres devront étudier plusieurs projets d'approvisionnement en carburant pour EDL, dont un projet d'accord avec l'Irak, l'augmentation d'une ligne de crédit de la BDL ou encore l'octroi d'une avance du Trésor pour payer le fournisseur bahreïni de carburant Vitol Bahrain E.C.
D'autres dossiers seront également évoqués, comme un accord avec la BM dans le cadre d'un projet de lutte contre le Covid-19, l'entretien de la décharge de Naamé (au sud de Beyrouth), l'octroi d'indemnités de transports aux contractuels de l'enseignement public, et le financement d'importations de blé à partir des Droits de tirage spéciaux du Liban de la BM.
Quand un ministre ne prend même plus la peine de mettre une cravate, c'est dire la déliquescence de tout un pays
23 h 28, le 17 janvier 2023