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Culture - Installation

Les sculptures de Marc Keyrouz, portails d’une visite ésotérique du patrimoine libanais

Le jeune artiste a installé ses longues œuvres tubulaires dans les jardins de la Bibliothèque nationale à Sanayeh. Le temps d’offrir aux visiteurs de cette institution patrimoniale une étrange expérience de retour vers le passé...

Les sculptures de Marc Keyrouz, portails d’une visite ésotérique du patrimoine libanais

Une statuaire faite de lignes géométriques, de signes et de symboles, se déploie dans les jardins de la Bibliothèque nationale. Photo DR

Elles déploient leurs fines et hautes silhouettes de fer dans les jardins de la Bibliothèque nationale à Sanayeh. Disposées en demi-cercle autour d’un ancien bassin ottoman en marbre blanc, 6 sculptures tubulaires de 2,5m de hauteur chacune forment comme une assemblée totémique contemporaine, raconteuse de mémoires et d’architectures antiques à ceux qui veulent bien se laisser entraîner dans un imaginaire introspectif et symbolique mêlé.

Si vous aimez les œuvres mystérieuses qui font appel à votre sens poussé du décryptage, cette installation – conçue par Marc Keyrouz à partir d’une fusion métallique de formes géométriques, de calligraphies et de symboles phéniciens connectés à la technologie des temps présents – vous parlera. Car au pied de chacune des pièces longitudinales qui la composent, un QR code (code digital), actionné par votre téléphone portable, vous donne accès à un texte aux propos énigmatiques imprégnés de forts accents psycho-ésotériques.

« Approchez-vous et placez-vous juste en face de la sculpture », est-il d’abord indiqué en haut des pages virtuelles qui vous connectent à l’une ou l’autre des 6 pièces figurant symboliquement les sites historiques les plus emblématiques du Liban. En l’occurrence : les temples de Baalbeck, l’hippodrome de Tyr, Byblos, les Cèdres, la vallée de la qadicha ou encore Anjar…

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En vous tenant par exemple debout face à une sorte de longue croix, barrée en son centre de deux courtes tiges horizontales soutenant deux demi-cercles et deux pendules, vous pénétrerez la symbolique cachée, selon l’artiste, de la citadelle de Byblos.

Accompagnant cette pièce baptisée Luv (dérivé argotique du mot Love), le texte, qui s’ouvre sous vos yeux, vous donne l’injonction suivante : « Vous voilà face à la destruction et à la reconstruction de l’histoire. Ici se trouve le tournant, la porte de l’évolution et de l’intellect. Appréciez la valeur du lieu, la valeur du mot, la valeur de la lettre. »

Détails des sculptures symbolisant la citadelle de Byblos (à gauche) et les deux temples de Baalbeck (à droite). Photo DR

Pensée magique et QR code

Vous l’aurez compris, c’est un étrange univers créatif que celui de ce graphic designer de formation engagé dans une pratique hybride d’artiste urbain, calligraphe, photographe et directeur artistique. Un artiste multidisciplinaire qui puise dans la puissance occulte des chiffres – notamment ce 55 recelant de mystérieux secrets dont il a fait sa signature –, alliée à une certaine croyance dans la charge psychique irradiant des lieux historiques, une sorte de pensée magique féconde. Laquelle va l’amener à construire une œuvre toujours élaborée à partir d’un savant mélange de calligraphie coufique et arabe, d’alphabet phénicien, de lignes géométriques, de formules et de proportions mathématiques dont le fameux nombre d’or… Un jeu de formes et de symboles qui ouvre à l’artiste un champ illimité d’expressions, même si leurs messages profonds restent souvent indéchiffrables pour le public.

La citadelle de Byblos, les temples de Baalbeck ou l’hippodrome de Tyr symbolisés par Marc Keyrouz en sculptures tubulaires et épurées… Photo DR

Un choc émotionnel placé sous le chiffre 55

Un langage « psycho-visuel » totalement personnel vers lequel Marc Keyrouz s’est tourné après un choc émotionnel intense vécu à l’adolescence et qu’il n’arrivait pas à exprimer au moyen du langage courant. « Il s’est passé quelque chose de déterminant dans ma vie en lien avec le chiffre 55. Un événement complexe que je dévoilerai un jour peut-être et qui est à l’origine de mon orientation artistique », confie, à demi-mot, le jeune homme de 27 ans.

Un art au moyen duquel il tente de formuler ces forces subconscientes en œuvre dans l’esprit des hommes comme des lieux. Ainsi, après avoir représenté dans d’immenses œuvres graphiques les « abysses du cortex », Marc Keyrouz pénètre cette fois celles du temps. À travers cette série de sculptures connectées, sorte d’inventaire sculptural et symbolique des plus importants sites antiques du Liban, le jeune homme ambitionne de réaliser une sorte d’œuvre au noir à dessein patriotique et « réunificateur ».

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Car, après cette exposition de présentation au cœur de Beyrouth (intitulée « Museum Inside a Museum » et parrainée par le ministre sortant de la Culture Mohammad Mortada), qui sera suivie d’une petite escale au palais de l’Unesco, ces sculptures vont se séparer pour s’installer définitivement chacune sur le site qu’elle représente. Et rappeler ainsi par leur présence la fierté de cette histoire partagée qui relie comme un fil ténu, aujourd’hui comme hier, l’ensemble des Libanais…

« Museum Inside a Museum » de Marc Keyrouz à la Bibliothèque nationale, Sanayeh. Jusqu’à fin janvier, du lundi au jeudi, de 8h à 14h.

Elles déploient leurs fines et hautes silhouettes de fer dans les jardins de la Bibliothèque nationale à Sanayeh. Disposées en demi-cercle autour d’un ancien bassin ottoman en marbre blanc, 6 sculptures tubulaires de 2,5m de hauteur chacune forment comme une assemblée totémique contemporaine, raconteuse de mémoires et d’architectures antiques à ceux qui veulent bien se...

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