Une vidéo montrant une altercation verbale à caractère sectaire entre deux personnes et une patrouille de police qui surveillait la démolition d'un bâtiment à Kfar Qahel, dans le nord du Liban, provoque un tollé depuis mercredi soir, notamment après que les deux hommes aient demandé aux policiers s'ils sont envoyés "par Bkerké", le siège du patriarcat maronite, avant d'évoquer les Brigades du Hezbollah. Kfar Qahel est une ville à majorité musulmane.
Dans la vidéo, un homme âgé et un autre, qui enregistre la vidéo, crient sur une patrouille de sécurité en les sommant de retirer leur voiture de la propriété où un bâtiment est menacé de démolition. "Apportez d'abord une ordonnance du tribunal", dit un homme aperçu dans la vidéo. "Est-ce que vous venez de Bkerké ? C'est Bkerké qui vous envoie ? Enlevez la voiture !" dit l'homme qui filme. On peut également entendre l'un des hommes dire : "Nous pouvons vous envoyer les 'Brigades de la résistance'", faisant par là référence à un auxiliaire armé du Hezbollah.
Vingtaine d'hommes armés
Réagissant à cet enregistrement, les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont d'abord annoncé dans la matinée avoir arrêté trois personnes depuis mercredi soir, avant de revenir sur les circonstances de l'incident de manière plus précise dans un second communiqué publié jeudi après-midi. Le texte précise que les trois hommes arrêtés appartiennent à la même famille : un père et ses deux fils, âgés de 45 et 47 ans. Ces derniers ont été arrêtés mercredi et leur père jeudi. Les FSI ajoutent que ces personnes sont connues par la justice et que "leur chantier a été scellé plusieurs fois" par le passé.
Mardi 10 janvier, des officiers de police sont venus sur leur chantier en infraction, "où se trouvaient environ une vingtaine d'hommes, qu'on ne voit pas dans la vidéo" qui a fait le tour des réseaux sociaux. "Les propriétaires du bien foncier se sont répandus en insultes et ont promis d'amener des personnes armées et de les déployer sur les lieux. Ils ont également insulté des sommités religieuses. La troupe s'est retirée afin d'éviter que la situation ne s'aggrave", poursuit le texte des FSI. La police est ensuite revenue plus tard sur les lieux pour arrêter tous les travaux en cours et appréhender les trois hommes.
"Préserver le prestige de l'Etat"
Cet incident a provoqué un tollé et a été condamné par de nombreux responsables.
Le ministre sortant de l'Intérieur Bassam Maoulaoui a ainsi déclaré sur Twitter, tard dans la nuit de mercredi à jeudi, que ces hommes avaient été arrêtés "afin de préserver le prestige de l'État et de prévenir toute attaque contre les références religieuses et les forces de sécurité", ajoutant que les accusés avaient "attaqué ... les forces de sécurité et Bkerké avec des mots insultants."
Le député Achraf Rifi (sunnite, Tripoli) a de son côté condamné l'agression et demandé à ce que "les parties qui protègent" les suspects soient identifiées. "Quant à l'Eglise, elle est plus grande que les insultes de quelques petites gens, elle est une référence nationale pour tous les Libanais et non pour une seule partie d'entre eux", a-t-il ajouté, rendant hommage au patriarche maronite Béchara Raï.ٍ Son collègue Fouad Makhzoumi (sunnite, Beyrouth II), a, lui, exprimé "toute sa solidarité" avec Mgr Raï et dénoncé "toute atteinte à l'Eglise et à toutes les références religieuses et aux forces de l'ordre".
Dans un communiqué publié jeudi, le Conseil général maronite a condamné "l'événement provocateur de Kfar Qahel", dénonçant "l'humiliation de l'État et l'insulte aux forces de sécurité" ainsi que l'atteinte portée au patriarcat maronite. "Bkerké est une ligne rouge, car c'est le nerf de l'unité nationale. Ce n'est pas un bouc émissaire", poursuit le texte, qui exhorte le ministère de l'Intérieur à arrêter et à juger rapidement les responsables. Pour sa part, le directeur du Centre catholique pour l'information, le père Abdo Abou Kasm, a appelé à mettre un terme à toute tentative de "semer la dissension confessionnelle", critiquant un incident "honteux".
Les Brigades de la résistance
Pour leur part, les Brigades de la résistance ont publié une déclaration mercredi soir niant toute implication dans l'incident, ajoutant que l'unité "apprécie et respecte toutes les références religieuses".
"Nous rejetons les tentatives d'utiliser les brigades comme un prétexte à des fins avec lesquelles nous n'avons rien à voir, ni de près ni de loin", ajoute le communiqué.
Ce n'est pas la première fois que l'appareil de sécurité libanais arrête des citoyens accusés de diffamation et de mépris religieux ou politique, considérés comme des délits passibles d'arrestation. En 2018, les forces de sécurité avaient interrogé le militant Charbel Khoury après qu'une de ses publications sur Facebook ait soulevé une controverse publique pour moquerie envers un saint chrétien maronite populaire.
commentaires (9)
Ça suffit il faut protéger les chrétiens sans les chrétiens le Liban n’existera plus
Eleni Caridopoulou
13 h 08, le 13 janvier 2023