
Le ministre sortant de la Défense, Maurice Slim, et Melhem Haddad, officier désigné par lui à la tête de l’inspection de l’armée. Photo fournie par le bureau de presse de M. Slim
Entre le commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, et le camp aouniste, rien ne va plus. Surtout en pleine bataille présidentielle à l’heure où le nom du patron de la troupe circule sérieusement en tant que figure consensuelle, une option ouvertement rejetée par le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. L’institution militaire se trouve aujourd’hui noyée dans une guerre de prérogatives opposant son chef au ministre sortant de la Défense, Maurice Slim (proche de l’ex-chef d’État Michel Aoun), articulée autour de la nomination du nouvel inspecteur général de l’armée. La querelle a éclaté avec le départ à la retraite, le 25 décembre dernier, de Milad Ishac, inspecteur général de l’armée. Dans des circonstances normales, c’est le Conseil des ministres qui devrait pourvoir à ce poste sur proposition du ministre de la Défense, après celle du commandant de la troupe. Mais en période de vacance présidentielle, un cabinet expédiant les affaires courantes ne peut procéder à des nominations. Pour éviter le vide au niveau de l’inspection au sein de l’armée, Joseph Aoun a proposé la prorogation du mandat de M. Ishac. Mais il s’est heurté au veto du ministre Slim qui y a vu une entorse à la loi de la Défense. « Maurice Slim a désigné Melhem Haddad, l’officier grec-orthodoxe le plus haut gradé, pour succéder à Milad Ishac », raconte à L’Orient-Le Jour une source proche du dossier sous le couvert de l’anonymat. Elle souligne que le ministre estime que le choix de l’inspecteur général de l’armée relève de ses prérogatives, dans la mesure où il exerce une tutelle sur la troupe.
Une lecture que le commandement en chef de l’armée ne partage pas. De sources concordantes, on apprend que suite au départ de Milad Ishac, Joseph Aoun a ordonné à Geryès Melhem de diriger le service d’inspection dont il fait déjà partie. « Joseph Aoun a, lui aussi, usé de ses prérogatives dans la mesure où il lui revient de prendre les décisions de ce genre, alors que le ministre de la Défense n’a pas de pouvoir décisionnel sur ce plan », explique un militaire qui a souhaité garder l’anonymat. Suite à cette double désignation à un même poste vacant, le numéro un de la troupe a décidé de « mettre en réserve » l’officier Haddad nommé par le ministre, raconte une source proche du dossier. « Cette démarche est à même d’empêcher la mise en application de la décision du ministre, car l’officier concerné ne peut plus diriger le service d’inspection. Il faudrait maintenant voir si le ministre avalisera le choix du général Aoun ou pas », ajoute-t-elle. Maurice Slim n’a pas encore dit son dernier mot. En attendant, les cercles proches du ministère de la Défense et ceux du commandement de l’armée préfèrent ne plus évoquer le sujet dans les médias. Car une médiation serait en cours pour tenter de mettre un terme à ce différend, loin des projecteurs, apprend-on de source informée.
Cherchez la présidentielle
Ce bras de fer est sans doute à analyser sous l’angle de la présidentielle. D’autant plus que le commandant de l’armée serait un des favoris de plusieurs chancelleries occidentales. Sauf que son élection se heurte à un obstacle de taille : le niet catégorique de M. Bassil qui a déjà posé son équation dans la perspective de l’échéance : non à Joseph Aoun, non au leader des Marada Sleiman Frangié et oui à une figure qui serait le fruit d’une entente élargie. Sauf que du côté du Hezbollah, seul allié du chef du CPL, on ne ferme désormais plus la porte à une élection de Joseph Aoun si elle était le fruit d’un accord, comme l’a affirmé la semaine dernière, depuis Bkerké, Ibrahim Amine el-Sayed, haut responsable du parti de Dieu. Ce qui déplaît fortement à M. Bassil... « Maurice Slim n’est pas le seul ministre dont la relation avec Joseph Aoun est passée par des hauts et des bas. Tel était le cas de tous ses prédécesseurs qui gravitaient tous dans l’orbite aouniste », rappelle ainsi, sous le couvert de l’anonymat, une source proche du dossier. Selon elle, cette querelle « n’est qu’une tentative de Gebran Bassil de ternir l’image de Joseph Aoun, pour lui barrer la voie de Baabda ».De son côté, le parti orange préfère opter pour une approche réductrice. « Pourquoi nous focaliserons-nous sur Joseph Aoun, sachant que nous sommes tout aussi hostiles à l’élection de Sleiman Frangié ? » lance Eddy Maalouf, ancien député aouniste compté parmi les plus proches du leader du CPL. Et de conclure : « Nous n’avons aucun intérêt à intervenir dans cette polémique que le ministre de la Défense, ancien officier de l’armée, peut lui-même régler. »
Entre le commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, et le camp aouniste, rien ne va plus. Surtout en pleine bataille présidentielle à l’heure où le nom du patron de la troupe circule sérieusement en tant que figure consensuelle, une option ouvertement rejetée par le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. L’institution militaire se trouve aujourd’hui noyée dans une...
commentaires (6)
Petits jeux de pouvoir de canailles mafieuses.
Michel Trad
18 h 52, le 10 janvier 2023