Kevin McCarthy a accédé samedi au perchoir de la Chambre américaine des représentants à l’issue d’un processus laborieux marqué par de très vives tensions entre républicains, qui fragilisent leur opposition au président démocrate Joe Biden. Après quatre jours d’une pagaille inédite au Congrès, le groupe de trumpistes qui paralysait la nomination du quinquagénaire de Californie a finalement cédé.
Mais les scènes de chaos qui ont marqué l’hémicycle – les cris, le brouhaha, les doigts pointés – préfigurent de débats très agités au Congrès durant les deux prochaines années. Au menu dans les tout prochains mois déjà, des négociations sur le relèvement du plafond de la dette publique américaine, le financement de l’État fédéral et, potentiellement, sur le déblocage d’enveloppes supplémentaires pour la guerre en Ukraine. En félicitant Kevin McCarthy au milieu de la nuit samedi, Joe Biden l’a d’ailleurs immédiatement appelé à « gouverner de manière responsable et dans l’intérêt des Américains ».
Durant toute la semaine , un noyau dur d’élus très conservateurs, qui accuse Kevin McCarthy de se plier aux intérêts de l’establishment de Washington, a profité de la très fine majorité républicaine décrochée aux élections de mi-mandat de novembre pour jouer les trouble-fête. Ils n’ont fait retomber la pression qu’après avoir obtenu des garanties de taille – dont une procédure visant justement à faciliter l’éviction du « speaker ». Et pas sans un dernier baroud d’honneur. Quatre élus ont fait durer le suspense jusqu’au bout de la nuit vendredi, semant la zizanie dans l’hémicycle.
C’est finalement une intervention de Donald Trump qui aurait permis de faire rentrer ces trublions dans le rang. Kevin McCarthy a confirmé, lors d’une conférence de presse samedi, que l’ancien président avait joué un rôle décisif pour « décrocher les derniers votes » nécessaires à son élection. L’occasion pour le parti de Joe Biden de dénoncer la mainmise de Donald Trump et de son entourage sur le Parti républicain, deux ans jour pour jour après l’assaut contre le Capitole qui avait provoqué un autre type de chaos au Congrès américain.
Les républicains ligotés aussi
Faute de contrôler les deux Chambres – ce qui était le cas depuis son investiture en janvier 2021, bien qu’avec une très mince majorité au Sénat –, le président américain ne peut plus espérer faire passer de législations majeures. Enterrées, par conséquent, ses grandes promesses d’une loi fédérale consacrant le droit à l’avortement, d’une interdiction des fusils d’assaut ou d’une vaste réforme électorale pour protéger l’accès des minorités au vote.
Mais avec un Sénat aux mains des démocrates, les républicains ne pourront pas non plus détricoter les mesures adoptées sous Joe Biden auxquelles ils avaient promis de s’attaquer. Avec leur nouveau contrôle de la Chambre, les républicains ont toutefois promis de lancer une kyrielle d’investigations sur la gestion par Joe Biden de la pandémie ou du retrait d’Afghanistan. « Il est temps d’exercer un contrôle sur la politique du président », a lancé Kevin McCarthy depuis l’hémicycle juste après avoir prêté serment et remplacé la démocrate Nancy Pelosi à ce poste.
Mais après avoir étalé leurs divisions au grand jour, leurs enquêtes auront-elles le même écho ? Le blocage qui a été orchestré par un groupe de trumpistes est « humiliant », juge le politologue Larry Sabato, estimant que M. McCarthy est le « speaker » le plus faible jamais élu depuis la guerre de Sécession. Faire face à une Chambre hostile mais désordonnée pourrait ainsi se révéler être une aubaine politique pour Joe Biden s’il confirmait son intention de se représenter en 2024 – décision qu’il doit annoncer en début d’année.
Camille CAMDESSUS/AFP