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Sport - Équipe de France

Des regrets puis des promesses

Passés à quelques centimètres d’un second sacre mondial d’affilée, les Bleus, et leurs supporters, rumineront longtemps ce qu’il s’est passé dimanche sur la pelouse du stade de Lusail. Mais cela ne les empêche pas déjà de se projeter vers l’avenir.

Des regrets puis des promesses

Kylian Mbappé passant devant le trophée de la Coupe du monde après la finale perdue par l’équipe de France face à l’Argentine (3-3, 4 t.a.b. à 2), dimanche sur la pelouse du stade de Lusail, à Doha. Paul Ellis/AFP

La page du Mondial se tourne, mais la pilule n’est toujours pas passée. Au terme d’une magnifique épopée sur les pelouses qataries, les Bleus et leurs supporters ont encore goûté le fiel d’une défaite homérique aux tirs au but. De quoi réveiller quelques mauvais souvenirs, seize ans après 2006, et quarante après Séville, où les premiers rêves de titre mondial de la génération Platini s’étaient fracassés tel Battiston sur la hanche d’Harold Schumacher.

Les quadragénaires (et plus) commençaient progressivement à s’en remettre, mais voilà qu’une autre finale perdue vient à nouveau de leur tomber sur la tête, et sur celles de leurs progénitures. Si les nouvelles générations sont bien plus gâtées que les anciennes, après avoir assisté à quatre finales mondiales lors des 24 dernières années, cela ne les empêchera de cauchemarder longtemps sur cette reprise de Randal Kolo Muani.

S’il n’y a évidemment pas l’ombre d’un reproche à adresser à celui qui, du haut de ses cinq sélections, a changé le cours d’une finale que la France entière avait déjà comme perdue, cette balle de match manquée à la 123e minute ne cessera d’alimenter les récits d’un combat dont on contera le déroulé pendant plusieurs décennies.

Regrets éternels

Après la tête de Zidane sortie par Bouffon (Mondial 2006 contre l’Italie) ou le poteau de Gignac (Euro 2016 contre le Portugal), les Tricolores sont à nouveau passés tout proches d’un exploit majuscule. Qui plus est quatre ans après avoir décroché leur seconde étoile en Russie, ce qui aurait fait de cette équipe la première à conserver son titre mondial depuis le Brésil de Pelé et Garrincha entre 1958 et 1962.

On aura surtout compris une chose : la France ne doit jamais disputer une séance de tirs au but tandis que le tableau d’affichage est de 3-3, comme face à la RFA en 1982, ou la Suisse en huitièmes du dernier Euro. Et également que cet exercice n’était définitivement pas le truc d’Hugo Lloris, malgré ses 145 capes en sélection.

Les échecs prématurés de Coman et Tchouaméni avaient de toute façon rendu la mission quasi impossible. À l’image de leur séance réussie en quarts contre les Pays-Bas, les Argentins, et leur gardien Emiliano Martinez, s’en sont sortis haut la main (4 t.a.b. à 2). Un peu comme si une logique qui peinait à se matérialiser depuis le coup d’envoi était enfin respectée.

C’est d’ailleurs pour cela que l’amertume n’est pas la seule pointe qui reste en bouche depuis dimanche. Les Bleus peuvent sortir la tête haute, avec un gros brin de fierté dans leurs cœurs. Celle d’être revenu des tréfonds, d’avoir renversé un match que la Terre entière les avait vus perdre après les 80 premières minutes de jeu qu’ils ont traversées dans un quasi anonymat.

Avant ce penalty obtenu par le même Kolo Muani, il n’y avait rien à dire. Du moins quasiment, si l’on omet celui généreusement accordé à Di Maria en début de match à la 22e minute (comme cela a été le cas à maintes reprises le long du parcours de l’Albiceleste au Qatar), ou le hors-jeu de position non signalé de Lionel Messi avant d’inscrire son second but de la soirée, celui du 3-2 en prolongations. L’indifférence du corps arbitral interpelle d’autant plus que l’arbitre assistant avait bel et bien commencé à lever son drapeau, et qu’une position illicite du même acabit avait privé Antoine Griezmann du but égalisateur contre la Tunisie en phase de poules.

À quelques centimètres

Mais à quoi bon trouver refuge dans des empoignades sur l’arbitrage ? Grâce à un Messi de gala, les hommes de Lionel Scaloni, prêts à donner leurs vies pour ramener le premier trophée en Argentine depuis 1986, ont prouvé qu’ils méritaient leur succès. Supérieurs à leurs adversaires durant la quasi-intégralité des 90 minutes réglementaires, ils ont longtemps cru pouvoir s’en tirer sans même l’ombre d’une montée de pression.

Mais malgré tous ces éléments mis bout à bout, les Bleus ont encore failli s’en sortir. Et c’est ce qui rend l’histoire de cette finale encore plus belle. Celle-ci n’a pas perdu de temps pour être érigée, de façon quasi unanime, au rang de « plus grande de tous les temps ». Non pas en vertu de son niveau de jeu ou de la qualité de ses buts, mais parce que de mémoire de spectateurs, personne ne se souvient avoir vu autant de retournements de situation en aussi peu de temps. Ce genre de matches où chacune des deux équipes s’est vue avec certitude dans la peau du vainqueur, puis du perdant, plusieurs fois.

Surtout, jamais ou presque une équipe n’est passée aussi proche, à quelques centimètres, de faire complètement basculer une finale dont elle semblait à des années lumières de pouvoir remporter quelques instants auparavant. On en revient, encore et toujours, à cette fameuse frappe de Kolo Muani. À cette parade héroïque de « Dibu » Martinez, dont le talent suscite autant le respect que son attitude durant les célébrations du succès argentin le dégoût.

En chambrant de façon obscène Kylian Mbappé, dans les vestiaires à Doha (en observant une minute de silence pour « Mbappé qui est mort » ), puis sur le bus à Impériale à Buenos Aires (en trimballant une poupée à son effigie), le portier d’Aston Villa oublie un peu vite qu’il raille un joueur ayant fait trembler ses filets à quatre reprises. Le premier joueur ayant inscrit un triplé en finale de Coupe du monde depuis l’Anglais Geoffrey Hurst lors de l’édition 1966. Le premier joueur à égaler le total de Ronaldo : 8 buts lors d’un même exercice.

De quoi déjà porter, à tout juste 24 ans, son total en Coupe du monde à 12 réalisations, autant que le roi Pelé. De quoi aussi le motiver à faire tomber d’autres records et d’emmener l’équipe de France dans son sillage. Nonobstant la désillusion, le crève-cœur, les regrets éternels que constitue une telle défaite en finale de Coupe du monde, celle-ci sonne pourtant comme la promesse d’un rendez-vous pas si lointain.

La tête haute

« Je crois que ce tournoi peut servir pour le futur de l’équipe de France, prédisait Hugo Lloris dans les colonnes du journal L›Équipe, rapportant les propos tenus par le capitaine des Bleus après la défaite, dans les couloirs du stade de Lusail. C’était un peu un passage de témoin : entre une génération qui arrive dans sa dernière phase et une nouvelle, avec en tête Kylian. » « On a construit nos succès avec des échecs », résumait quant à lui Raphaël Varane, qui malgré la profonde déception dans laquelle il était plongé, trouvait encore l’énergie pour annoncer que « ce groupe se relèvera et reviendra plus fort. Il y a un énorme potentiel ».

Après de telles paroles remplies d’optimisme, lâchées à chaud après la défaite la plus difficile à encaisser d’une carrière, on serait presque tentés d’aborder le futur de l’équipe de France avec sérénité. Celle-ci l’a appris mieux que quiconque à ses dépens : l’histoire n’appartient pas qu’aux vainqueurs. Et les 25 Bleus acclamés lundi sur le balcon de l’Hôtel de Crillon par une place de la Concorde garnie de 50 000 personnes s’en sont à nouveau rendus compte.

Quatre jours, ou plutôt quatre courtes nuits, nous séparent désormais de dimanche dernier. Il est peut-être temps de se soucier du temps qu’il fera demain, la tête haute, comme les Bleus peuvent repartir de Doha. L’un d’entre eux n’a pas tardé pour commencer à tourner la page. Malgré la semaine de vacances que lui avait accordée le Paris SG, Kylian Mbappé est déjà de retour sur les terrains de l’entraînement.

La page du Mondial se tourne, mais la pilule n’est toujours pas passée. Au terme d’une magnifique épopée sur les pelouses qataries, les Bleus et leurs supporters ont encore goûté le fiel d’une défaite homérique aux tirs au but. De quoi réveiller quelques mauvais souvenirs, seize ans après 2006, et quarante après Séville, où les premiers rêves de titre mondial de la génération...

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