
Le chef du gouvernement sortant, Nagib Mikati, a réuni hier 20 membres de son équipe au Sérail dans le but de discuter du mécanisme à suivre pour les réunions futures du Conseil des ministres. Photo Dalati et Nohra
Chose promise, chose due : ce n’est finalement pas un Conseil des ministres en bonne et due forme qui s’est tenu hier au Sérail, mais une simple rencontre consultative destinée à calmer les esprits et surtout à discuter du mécanisme à mettre en place pour l’avenir, susceptible d’être accepté par l’ensemble des protagonistes.
Après la querelle suscitée par la tenue, lundi 5 décembre, d’un Conseil avec 17 ministres présents sur 24 en pleine vacance présidentielle, ce qui a suscité le courroux du camp aouniste, le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, s’est efforcé hier, aussi bien dans le fond que dans la forme, de tenir les promesses faites au patriarche maronite, Béchara Raï : pas de Conseil des ministres à moins d’avoir obtenu l’aval de toutes les parties. Lundi dernier, M. Mikati s’est dépêché de se rendre auprès du patriarche pour le rassurer au sujet de la tenue des prochaines réunions ministérielles et surtout livrer au prélat maronite – qui avait rencontré la veille le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, et l’ancien président Michel Aoun – sa propre version des faits. « Le patriarche a attiré mon attention sur le fait qu’il était essentiel d’établir un dialogue avant la réunion du gouvernement », a souligné M. Mikati lors d’un point de presse au siège patriarcal, avant de s’engager à consulter toutes les parties. D’où la décision d’organiser cette « séance ministérielle de concertation », comme il l’a indiqué. Cette tentative de calmer le jeu est intervenue alors que Gebran Bassil est monté au créneau pour dénoncer la tenue d’un Conseil des ministres « anticonstitutionnel » et exprimer par la même occasion sa grande déception de voir son allié chiite, le Hezbollah, dont les ministres ont pris part à la réunion, se solidariser avec M. Mikati.
Huit des neuf ministres considérés comme proches du camp aouniste avaient boycotté la séance. Sans hésitation, le camp aouniste a cette fois-ci avalisé la tenue de cette rencontre ministérielle. Une source proche de Gebran Bassil justifie ce retournement de situation par le fait que les ministres proches du CPL continuent de toute manière d’expédier les affaires courantes et ont, à ce titre, la responsabilité d’assister à cette réunion. « Ils doivent faire acte de présence, surtout que la rencontre est placée sous le titre de la recherche d’une solution pour l’avenir », précise la source. S’ils ont décidé de répondre hier à la convocation du Premier ministre, « c’est aussi pour ne pas opposer un niet catégorique », ajoute la source, et donc par crainte d’être accusés d’obstruction. « Ils s’y sont rendus pour voir si leurs pairs ont des dossiers urgents à proposer », précise-t-elle.
Hier, la décision de calmer le jeu avait vraisemblablement été prise de part et d’autre. Finalement, tous les ministres proches du CPL ont fait acte de présence. Au total, vingt ministres ont répondu à la convocation lancée jeudi par le Premier ministre sortant. Seuls le vice-Premier ministre, Saadé Chami, le ministre de Finances, Youssef Khalil, le ministre de la Santé, Firas Abiad, et la ministre d’État pour le Développement administratif, Najla Riachi, n’étaient pas présents. Prenant des précautions extrêmes, le Sérail avait envoyé un communiqué pour préciser que Nagib Mikati avait l’intention de « convoquer une réunion consultative avec tous les ministres » de son cabinet, histoire de couper court à toute interprétation qui pourrait qualifier cette rencontre de Conseil des ministres. « N’utilisez surtout pas le terme de “réunion” », lance en réponse à une question de L’Orient-Le Jour le ministre de la Jeunesse et des Sports Georges Kassab. « Ce n’est qu’une rencontre consultative », dit-il. Il fait d’ailleurs remarquer que la rencontre ne s’est pas tenue dans la salle usuelle où ont généralement lieu les séances du gouvernement, mais dans une aile privée du Sérail. Dans les milieux proches du Premier ministre, on tient également à rassurer « qu’aucun ordre du jour n’a été prévu en amont ».
Mécanisme
Au final, la réunion de deux heures trente a servi à débattre de questions procédurales, pour voir si une séance du Conseil des ministres peut se tenir et sous quelles conditions. Une source ministérielle explique à L’OLJ que le ministre de l’Éducation, Abbas Halabi, a effectué au début de la réunion une présentation de certains points constitutionnels, comme par exemple la question de la convocation du Conseil des ministres qui, selon lui, est une prérogative du Premier ministre, ainsi que l’élaboration de l’ordre du jour, qui lui revient également de droit. Le débat a ensuite porté sur le fait de savoir qui, dans le cas d’école actuel, peut contester l’ordre du jour proposé par le Premier ministre, comme pouvait le faire le président, et combien de ministres peuvent contester un point ou plus à l’ordre du jour : faut-il 17 ministres (les deux tiers plus un) ou moins ? Au cours des échanges, la question des décrets itinérants a été de nouveau évoquée. Cette technique, qui n’a aucun fondement constitutionnel, avait été improvisée à l’époque de la guerre pour pouvoir continuer à expédier les affaires courantes, le gouvernement ne pouvant se réunir dans un contexte sécuritaire trouble. Le décret était alors signé par le Premier ministre puis envoyé successivement à chacun des ministres concernés pour être paraphé à tour de rôle. C’est la solution qu’avait d’ailleurs suggérée Gebran Bassil lors d’un entretien télévisé dimanche dernier. Le CPL persiste et signe : il dit ne pas être convaincu même aujourd’hui de « l’urgence » de certains dossiers qualifiés comme tels et estime que certaines questions peuvent très facilement être réglées par le biais des décrets itinérants. Finalement, les participants sont convenus de s’en remettre à une commission ministérielle formée de quatre ministres-juges (Bassam Maoulaoui, Henri Khoury, Mohammad Mortada et Abbas Halabi) qui vont plancher dès aujourd’hui pour mettre au point une proposition « à caractère politique et non constitutionnelle », insiste la source ministérielle, comme pour éviter toute confusion. La commission soumettra alors un mécanisme viable qui devra être avalisé par l’équipe Mikati mercredi lors d’une nouvelle réunion consultative. « À travers la procédure suggérée, les quatre juges devront apporter des réponses à la question de la modalité de convocation du Conseil des ministres, la manière dont l’ordre du jour doit être décidé, et enfin à la procédure d’adoption des décrets, c’est-à-dire le nombre de signatures nécessaires. »
Pour le CPL, si les échanges aboutissent à la mise en place d’une procédure similaire à celle qui avait été appliquée du temps du gouvernement de Tammam Salam – entre 2014 et 2016 –, il n’est pas exclu que les ministres d’obédience aouniste « acceptent de prendre part à une réunion du Conseil des ministres », confie une source proche de M. Bassil. Le gouvernement de Tammam Salam avait pris le pli, au départ, de convenir de l’ordre du jour et des décrets aux deux tiers au moins des ministres formant le gouvernement qui exerçait à l’époque les prérogatives du chef de l’État.
Chose promise, chose due : ce n’est finalement pas un Conseil des ministres en bonne et due forme qui s’est tenu hier au Sérail, mais une simple rencontre consultative destinée à calmer les esprits et surtout à discuter du mécanisme à mettre en place pour l’avenir, susceptible d’être accepté par l’ensemble des protagonistes. Après la querelle suscitée par la tenue, lundi...
commentaires (7)
Gebran Bassil justifie ce retournement de situation par le fait que les ministres proches du CPL continuent de toute manière d’expédier les affaires courantes et ont, à ce titre, la responsabilité d’assister à cette réunion, donc c'est la politique des deux poids deux mesures.... ils devraient aussi avoir la responsabilité d'assister, au parlement, aux deuxièmes tours, concernant l'élection présidentielle, plutôt que de suivre, comme les moutons de panurge, les hezbollahis
C…
00 h 16, le 18 décembre 2022